Réponse : Le 28 février 2002, Roger Cukierman, Président du CRIF et Jean-Arnold de Clermont, Président de la Fédération Protestante de France, ont décidé de créer un groupe de travail, qui fonctionne maintenant depuis bientôt quatre ans. Ce groupe donne davantage de substance aux rapports institutionnels entre Juifs et Protestants Français. Il est co-animé par Jean-Noël Bouillane de Lacoste, président de la radio Fréquence Protestante et ancien ambassadeur de France en Israël et moi-même, depuis le mois de juin 2004.
Au fil des réunions du groupe de liaison, le groupe a eu le sentiment qu’il serait opportun de consacrer un colloque sur le thème « Juifs et Protestants aujourd’hui », colloque qui a été organisé au siège de la Fédération Protestante de France, le 2 mai 2004. Ce colloque a été une grande réussite et je me félicite de la qualité de toutes les interventions, notamment celles de Jean-Arnold de Clermont et de Roger Cukierman, du docteur Richard Prasquier, Gérard Israël et Bernard Kanovitch du CRIF, de Jean-Noël de Lacoste, des Pasteurs Florence Taubmann et Alain Massini. Pardonnez-moi de ne pas nommer tous les intervenants, mais j’assure de la qualité de ce colloque.
Question : Qu’est ce que la Fédération protestante de France ?
Réponse : La Fédération protestante de France a fêté son centenaire, le vendredi 21 octobre 2005 à la maison du Protestantisme à Paris. La Fédération protestante rassemble 17 églises et 70 associations, soit environ 900 000 personnes. Répondant au président de la FPF, Jean-Arnold de Clermont, favorable à des « adaptations » de la Loi relative à la séparation des Eglises et de l'Etat (Loi de 1905), le Premier ministre, Dominique de Villepin a insisté sur son attachement à cette « loi de réconciliation » et estimé qu’elle permet de « répondre aux difficultés » que rencontrent les Protestants. Le Premier ministre était accompagné de son ministre du travail Gérard Larcher. Un peu plus tard le ministre de l’Intérieur est venu saluer les responsables de la Fédération protestante. Le chef du gouvernement a lu un message du Président de la République. Dans son texte, le président de la République, a également retracé l’apport du protestantisme à la France. « Qui ne se souvient de la part éminente, voire bouleversante, que le Chambon-sur-Lignon a pris dans la défense des juifs persécutés lors de la seconde guerre mondiale ? Je garde au fond de moi le souvenir ému de ma visite sur ce haut plateau, terre admirable où s’est exprimé le meilleur de l’homme », a écrit le chef de l’Etat.
Je veux rappeler que la Fédération protestante avait invité Roger Cukierman, Président du CRIF et Haim Musicant, le directeur général, à la célébration de son anniversaire. Quelques jours auparavant, le Président du CRIF a déclaré à l’hebdomadaire protestant Réforme (octobre 2005) « Nous avons une tendresse particulière à l’égard du protestantisme » « Souvent au risque de leur vie, les Protestants français ont sauvé de nombreux juifs pendant la guerre. Ils ont, de notre part, une reconnaissance éternelle ». Roger Cukierman s’est également félicité du développement « harmonieux » des relations entre le CRIF et la FPF. « Par le passé, il nous est arrivé d’avoir des divergences sur le conflit du Proche-Orient. Nous nous en sommes expliqués ».
Question : Vous nous parliez il y a un instant du colloque « Juifs et Protestants aujourd’hui », qui a été organisé au siège de la Fédération Protestante de France, le 2 mai 2004. Est-ce là seule activité du groupe de liaison ?
Réponse : Bien sûr que non. Je le répète, nos activités sont régulières. Nous nous rencontrons fréquemment, nous dialoguons constamment et nos rapports sont fraternels. Pour être plus précise, je voudrais mentionner par exemple que j’ai lancé l’idée d’un voyage d’étude en Israël, que nos amis protestants ont accepté avec enthousiasme. Nous avons réalisé ce voyage en Israël des 14 au 19 janvier 2006.
Question : Pourriez-vous nous parler de ce voyage ?
Réponse : Ce voyage s’est merveilleusement passé. Notre groupe était composé de 10 personnes. Pour la FPF, je veux citer : Jean-Noël Bouillane de Lacoste, les Pasteurs Florence Taubmann, Alain Massini et Antoine Nouis et Jean-Luc Mouton, directeur de Réforme, hebdomadaire protestant d’actualité. Et pour le CRIF, Richard Prasquier, François Propper, Gérard Kramer, Haïm Musicant, directeur général du CRIF et moi-même.
Pour commencer, je voudrais parler du caractère œcuménique de ce voyage. Pensez que nous, Juifs et Protestants, logions à Jérusalem, dans la Maison d’Abraham, tenus par des religieuses catholiques, dans la vieille ville musulmane. Notre voyage a été d’autant plus intéressant que nous étions en Israël à une semaine de la tenue des élections législatives palestiniennes et à deux mois des élections en Israël. Par ailleurs, la situation était très particulière puisque partout dans le pays, on déplorait la gravité de l’état de santé d’Ariel Sharon, le Premier ministre d’Israël. Néanmoins, nous avons ressenti lors de ce voyage, qu’Israël surmontait cette difficulté grâce à des institutions démocratiques. Nos interlocuteurs nous ont également indiqué qu’Ehoud Olmert, le Premier ministre par intérim, remplit parfaitement son rôle et poursuit la politique qui a été menée par Ariel Sharon. Je pense que nos interlocuteurs ont su nous expliquer tous les mécanismes de la politique israélienne, et à quel point la situation est complexe. Les choses diffèrent réellement lorsque l’on vit en Israël et la perception que l’on a du conflit n’est absolument pas la même qu’à Paris. Par exemple, ils nous ont expliqué qu’une politique unilatérale s’était imposée à Ariel Sharon et à Ehoud Olmert. Et nous avons vu que, pour l’heure, les israéliens veulent vivre normalement et dans la sécurité. D’ailleurs le sang froid et la maturité des israéliens nous ont frappé. Enfin, je voudrais insister sur le caractère particulier de notre groupe : Juifs et Protestants français, nous avons vécu ensemble des moments exceptionnels et le regard de l’autre a été un véritable enrichissement mutuel.
Question : Votre vœu le plus cher ?
Réponse : De ce voyage, nous sommes revenus enthousiastes et plein d’espoir. Mais quel est mon vœu le plus cher ? Evidemment la paix. Je me mets d’ailleurs à rêver. Ne pourrions-nous pas organiser dans un avenir plus ou moins proche un voyage œcuménique en Israël qui rassembleraient des juifs, des catholiques, des protestants et des musulmans, épris de paix ? Je dois avouer que je crois fermement aux vertus du dialogue. Je crois fermement que chaque homme de bonne volonté peut utilement contribuer au devenir de l’Humanité et rapprocher entre eux les hommes, dans un élan de bonté et de générosité.
Propos recueillis par Marc Knobel