Bruno Halioua

Président de la Commission Souvenir du Crif

Blog du Crif - Le jour où Marcel Gotlib a porté l'étoile jaune

10 June 2020 | 451 vue(s)
Catégorie(s) :
Antisémitisme

Meyer Habib, il y a ceux qui l'aiment et ceux qui l'ont en exècre. Mais on ne peut en aucun cas tolérer un tel déferlement de haine antisémite.

Discours prononcé lors de la Plénière de clôture.

"Les juges d’instruction viennent enfin de rendre leur décision dans le meurtre barbare de Sarah Halimi, dans une ordonnance rendue le 12 juillet dernier. Elles estiment qu’il existe des "raisons plausibles" de penser que le discernement du suspect était "aboli" au moment des faits. Si elle est sans surprise, cette décision reste difficilement justifiable."

Ma réaction après l'annonce du report du vote de l'Assemblée nationale pour l'adoption de la définition de l'antisémitisme de l'IHRA. L'Assemblée nationale a également annoncé qu'avant d'être examinée, la proposition de résolution serait réécrite.

Dans cette éditorial, je m'exprime sur la décision du parquet de Paris de s'opposer à l'incarcération d'Alain Soral. Une décision que je juge inacceptable.

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Il y a 80 ans, le 7 juin 1942, la législation instaurant l'étoile jaune était mise en place. À cette occasion, découvrez 4 articles sur la façon dont Serge Gainsbourg, Jean Ferrat, Sacha Distel et Marcel Gotlib ont vécu le port de l'étoile jaune.

Ces articles sont proposés par Bruno Halioua, et issus de son livre «Leur Seconde Guerre Mondiale», (édition Buchet Chastel - 2020). Dans ce livre, il s'intéresse à la façon dont certaines personnes célèbres ont vécu les événements marquants de la Seconde Guerre Mondiale.

 

Le jour où Marcel Gotlib a porté l'étoile jaune : "Une décoration bizarre"

 

Marcel Gottlieb, plus connu sous le pseudonyme de « Gotlib », qui s’est fait connaitre pour ses histoires humoristiques comme Gai-Luron et la Rubrique-à-brac, a 8 ans quand il apprend qu’il est Juif. 

Tout commence le soir du 6 juin 1942 quand il voit sa mère en train de coudre une étoile jaune sur sa blouse. « C’est ce jour-là que j’ai eu l’air con. Alors, comme ça, tous ces pourris, ces fumiers et ces ordures dont les copains parlaient à l’école, j’en faisais partie ? ».

Le fils de ce couple d’immigrés juifs hongrois Ervin Gottlieb, et de Régine Berman, ne comprend pas. Il interroge ses parents sur le bien-fondé de cette mesure. En guise de réponse, son père lui explique qu’ils doivent obéir à la loi et l’enferme dans les cabinets un quart d’heure pour le punir d’avoir posé des « questions idiotes ». Le petit Marcel Gotlib est obligé de se rendre à l’école affublé de ce qu’il appelle une « décoration bizarre » cousue aux revers de ses habits ». Il éprouve alors le sentiment de se sentir différent de ces condisciples. Comme beaucoup de Juifs, il éprouve un sentiment de honte à chaque fois qu’il descend dans la rue. Il est d’autant plus surpris par cette mesure qu’il était jusqu’à présent persuadé que les Juifs étaient  « un tas de salopards, d’ordures et de fumiers » ne faisant que répéter les propos de ses copains de l’école « pour ne pas avoir l’air con ».

Quelques mois plus tard, le jeune Marcel assiste à l’arrestation à son domicile de son père par deux policiers français. En partant , Ervin Gottlieb prend soin de rassurer sa femme et son fils car il est persuadé qu’il ne risque absolument rien:  « Rien de grave… faut que je parte pour un petit bout de temps mais ça ne va pas être long ! ». Le jeune Marcel ne sait pas à ce moment précis que c’est la dernière fois qu’il verra son père.

Il va être ensuite caché chez des paysans dans un hameau minuscule à Villeneuve-la-Bornière en Eure-et-Loir qui accueillent une douzaine de « mômes frappés de la malédiction judaïque » moyennant finance. Les enfants juifs sont cachés dans les greniers, combles, les hangars, le poulailler. Marcel Gotlib vit une existence extrêmement malheureuse auprès de ses protecteurs qui sont motivés uniquement par l’appât du gain. Il dort dans la grange sur un sommier au milieu des sacs de blé. Les seuls moments de réconfort sont ceux qu’il passe en compagnie d’une chèvre dont il doit assurer la garde :

« Dès le matin, je me rendais vers un pâturage bien vert, de cette belle herbe normande, riche et grasse, dont la chèvre allait pouvoir s’empiffrer tout son soûl. À mi-chemin, je m’arrêtais sournoisement dans un petit bois de bouleaux où il n’y avait pas grand-chose à brouter pour la bestiole et c’était bien le dernier de mes soucis (je la trouvais plutôt conne). En revanche l’endroit, pour moi, était merveilleux. Je plantais un pieu d’acier dans le sol, y fixant la chaîne qui retenait la chèvre. Et la journée s’écoulait paisiblement. J’étais seul, personne ne m’emmerdait, je roupillais sur une épaisse moquette de feuilles de bouleaux, m’empiffrais de mûres, courais après les papillons pour leur arracher les ailes et on ne me flanquait pas de baffes dans la gueule. J’observais attentivement la nature dont le citadin que j’étais faisait la connaissance avec émerveillement ».

Gotlib évoquera par la suite cette période noire de son enfance dans la Chanson aigre-douce dessinée en 1969 qu’il a publié à la naissance de sa fille.

 

Dr Bruno Halioua, Président de la Commission Souvenirs du Crif

Cet article est extrait de « Leur Seconde Guerre Mondiale », le prochain livre de Bruno Halioua. (A paraître édition Buchet Chastel en octobre 2020). Dans ce livre, Bruno Halioua s'intéresse à la façon dont certaines personnes célèbres ont vécu les événements marquants de la Seconde Guerre Mondiale.