Tribune
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Publié le 27 Mars 2012

La campagne BDS peut-elle engendrer des actes antisémites?

Par Pascal Markowicz

 

La campagne Boycott Désinvestissement Sanctions vise à boycotter l’État d’Israël à travers son économie, sa culture, ses relations universitaires et académiques, ses rencontres sportives, etc. Finalement, tout ce qui provient d’Israël et tout ce qui est en relation avec Israël, incluant également les entreprises françaises et étrangères qui commercent avec des sociétés israéliennes, doit être mis en quarantaine au motif qu’Israël serait un État raciste infligeant un apartheid à la population palestinienne.

Mon propos n’est pas ici d’argumenter contre cette campagne initiée par des Palestiniens, mais de réfléchir pour savoir si les actions de boycott entreprises en France par le collectif BDS peuvent avoir un impact sur l’antisémitisme.

 

Selon les organisateurs de cette campagne, relayée en France par des associations propalestiniennes (CAPJPO-EUROPALESTINE, Association France Palestine Solidarité, GENERATION PALESTINE, International Solidarity Movement…) et soutenue par des partis politiques (notamment EELV-Les Verts, NPA, PCF), il ne s’agit que d’antisionisme et donc une lutte totalement étrangère à l’antisémitisme.

 

En réalité, il n’est pas exclu que les actions de boycott effectuées majoritairement dans des supermarchés pour convaincre les consommateurs de ne pas acheter les produits israéliens, qu’ils soient d’ailleurs casher ou non comme lors d’une action opérée à Mulhouse, ou ceux sans étiquette que dans le doute, ces « militants pour la paix entre les peuples » (sic) vont mettre en quarantaine, en vidant les rayons pour que les clients ne puissent donc pas les acheter, ne puissent engendrer des actes antisémites.

 

Ces actions sont systématiquement filmées et diffusées sur les sites de ces organisations ainsi que sur YouTube ou Dailymotion pour qu’un public beaucoup plus important que la dizaine de participants à ces manifestations, puisse les voir.

 

Au passage, nous passerons sur l’appel à la discrimination ou la possible atteinte à la liberté du commerce et de choix des citoyens qui est un aspect fondamental et légalisé de notre démocratie : la lutte contre Israël, un État démocratique qui accorde les mêmes droits à tous ces citoyens, vaut bien quelques entorses à nos valeurs !

 

Mais revenons au sujet. Ces actions décrites comme « pacifiques et non violentes » (resic) selon leurs organisateurs peuvent-elles entrainer la commission d’actes antisémites ?

 

Que pense le commun des mortels lorsqu’il voit des affichettes représentant un berceau pointé par un missile surmonté du slogan « BOYCOTT ISRAEL » qui sont distribuées aux clients des magasins ciblés par ces actions de boycott ? Le berceau étant supposé, nous l’avions compris, contenir un enfant palestinien et le missile étant israélien.

 

Et lorsqu’il écoute ces slogans vociférés par ces justiciers en herbe : « ISRAEL ASSASSIN », « BOYCOTT APARTHEID ISRAEL », « ETAT D’ISRAEL ETAT CRIMINEL » ou lorsqu’il entend Mahmoud Suleiman, le maire du village palestinien d’Al-Masara près de Bethléem en visite à Paris, crier dans un supermarché CARREFOUR à Évry le 4 juillet 2009 lors d’une action de boycott : « EN ACHETANT CES PRODUITS, VOUS SOUTENEZ L’ARMEE ISRAELIENNE AFIN QU’ELLE TUE LES ENFANTS PALESTINIENS, DONC VOUS DEVEZ BOYCOTTER ISRAËL, VOUS DEVEZ ARRETER D’ACHETER LES PRODUITS ISRAELIENS, CHACUN EQUIVAUT A UNE BALLE QUI VA TUER UN ENFANT EN PALESTINE DONC BOYCOTT ISRAEL BOYCOTT ISRAEL BOYCOTT ISRAEL » ?

 

Ne peut-on se dire : mais oui, en achetant du jus d’orange fabriqué en Israël, en achetant des médicaments de la marque TEVA, je permets à l’armée israélienne de tuer des enfants palestiniens ?

 

Le poids des mots et le choc des idées reçues pourraient faire leur travail dans l’inconscient des hommes et femmes de notre pays, c’est une possibilité qu’on ne peut exclure totalement.

 

Ainsi, il n’existe pas de preuve formelle, mais il n’est pas interdit de se poser certaines questions en lien avec des faits avérés, car des dérives antisémites existent.

 

En effet, que penser du commentaire d’un internaute sur le site internet officiel du collectif BDS « BDS France » qui écrit à la suite du Manifeste des 2000 (pétition signée par des personnalités françaises telles que Mgr Gaillot, Olivier Besancenot, Alain Krivine, l’ancienne Sénatrice des Verts Alima Boumediene-Thiery ou la Députée européenne des Verts Nicole Kiil-Nielsen) : « VITE RAMENEZ LES ETOILES JAUNES ET LES PYJAMAS RAYES !!!! APRES LES PRODUITS ON VA BOYCOTTER LES JUIFS » ?

 

Que dire de la réaction de cette manifestante lorsqu’elle croise sur son passage, un étudiant de l'UEJF qui tentait de dialoguer avec elle lors d’une manifestation en faveur du boycott d’Israël organisée par le NPA à Nancy le 12 mai 2010: "Comment vous appelez-vous ? Arié Cohen ? Vous êtes juif? Vous n'avez rien à faire ici, partez!" ?

 

Que nous inspire ce commentaire d'un internaute à la suite d'une vidéo relatant une action de boycott dans un restaurant Mac Donald's de Limoges le 12 juin 2010: "...nous aussi on va commencer à vous brûler dans nos pays arabes s'il le faut...pas de problème pour ça! l'essence est à si bas prix qu’on sera très généreux envers vous" ?

 

Lors d’une interview sur France Info le 23 mars 2012, Madame Éva Joly, candidate EELV-Les Verts à l’élection présidentielle, s’est demandée si les partis politiques faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour lutter contre l’antisémitisme. Réfléchissons à ce que la violence verbale peut entrainer, lorsque des partis politiques soutiennent officiellement la campagne BDS.