Tribune
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Publié le 2 Août 2012

Ils s’appelaient Touaregs et rêvaient de liberté et d’Azawad

Après avoir appris que des mausolées antiques étaient détruits à Tombouctou, pour cause de "pratiques idolâtres", nous avons lu avec effroi qu'un couple avait été lapidé parce qu'ils n'avaient pas été mariés comme il convenait, dans une zone du Sahel qui tombe sous la coupe de l'obscurantisme fanatique. Pour ceux qui ne s'intéressent qu'à ces événements que quand ils surviennent dans leur proximité, doit-on souligner que le Sahel est bien plus près de nous que ne l'est l'Afghanistan?

Josiane Sberro, qui s'est engagée avec fougue dans ce combat pour la liberté nous en rappelle les enjeux.

L’Azawad a été déclaré territoire indépendant le 6 avril 2012 à Gao au nord du fleuve Niger et du Mali. C’est un territoire du désert saharien grand comme près de deux fois la France.

 

Le peuple touareg se libère ainsi de cinquante années de d’exactions, d’humiliations, de massacres et de spoliations imposés par le régime de tutelle, sous l’œil indifférent de la France.

 

En 1958, en décolonisant son empire, la France a géré de façon souveraine, l’espace de l’Afrique de l’Ouest. Décidant à sa guise de la détermination des frontières définitives sans tenir compte de la réalité des populations diverses et  autochtones.

 

Malgré ses demandes officielles de rester un peuple libre - demandes approuvées par l’ensemble des représentants des tribus, des villages et des factions- le peuple touareg à été unilatéralement rattaché par la France « tels des objets, à un état malien auquel nous n’étions pas prêts à être rattachés  » dira Mossa Ag Attaher  leur porte parole.

 

De répressions en génocides dus à « l’appartenance ethnique et la couleur de la peau » poursuit Mossa, le peuple touareg n’a cessé de se rebeller. Il ne demandait jusqu’à ce jour que le respect de son ethnie, de son nomadisme, de sa culture. Le simple respect de parole et de pensée, dû à tout être humain

 

Comme le montrent ces documents de 1992 le problème n’est pas nouveau, et l’occident ne pouvait ignorer les faits. Mais il est plus confortable de fermer les yeux, et d’organiser par « solidarité » de somptueux et exotiques  rallyes à travers les pistes du Sahara !

 

En juin 2012, profitant  du désordre politique régnant au Mali l’Azawad est déclaré république autonome par les troupes du  MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad).

 

« Nous prenons l’engagement de la légitimité, de la liberté, de la laïcité et de la démocratie » Mossa Ag Attaher porte-parole du MNLA

 

Très rapidement hélas l’esprit républicain laïc et tolérant du MNLA est déjoué par  une faction (Ansar Edine) islamisée et soutenue par des puissances extérieures en accord avec l’application à tous de la charia à l’opposé de l’esprit laïc du MNLA.

 

La société touarègue est matrilinéaire. Ses femmes sont libres et profondément respectées. Dès le 7 juin elles sont attaquées et battues par les islamistes, comportement inconnu des touaregs. Les femmes manifestent et Nina leur courageuse représentante écrit le 13 juillet 2012 une « lettre au monde libre » qui nous donne bien des leçons de courage et de laïcité.

 

Aujourd’hui, les islamistes occupent les villes de Kidal et Gao. Les monuments inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO ont été irrémédiablement détruits au nom de l’unicité d’Allah.

 

La population est terrorisée, humiliée, soumise à l’implacable loi de la charia. L’aide humanitaire arrive pourtant de pays frères.

 

A Kidal cette aide est remise en mains propres au MUJAO (Mouvement Unitaire pour le Djihad en Afrique de l’Ouest). Autrement dit, les islamistes tuent, terrorisent, mais peuvent seuls donner à manger à une population privée de tout, coupée des siens et affamée.

 

On voudrait imposer le pouvoir de la charia que l’on ne ferait pas autrement. Il est temps de se poser des questions.

 

Que font les forces internationales pour ce qui est de la liberté d’aider les civils à survivre, loin de tout endoctrinement forcé. Assourdissant est le silence de l’humanitaire international si bruyant et prompt à prendre la mer pour d’autres cieux.

 

Sans doute préfèrent-ils les romantiques voyages en mer plutôt qu’à dos de chameau.

 

La « Charia-pour-tous » les a devancés, et nous découvre l’horreur absolue : un jeune couple vivant dans la brousse, parents de deux enfants dont un bébé de 6 mois vient d’être mis à mort par lapidation en public.

 

Outre l’horreur de ces faits  moyenâgeux, deux jeunes orphelins sont abandonnés dans la brousse. La population a refusé de jeter des pierres et nombre d’assistants se sont trouvés mal. Mais qu’importe ! Dieu est sauf.

 

« Le MNLA dénonce avec force cet acte ignoble, indigne de nos valeurs civilisationnelles. Le MNLA fera tout pour chasser ces monstres sortis de nulle part, encore moins de la société azawadienne »

 

Messieurs les humanitaires donneurs d’ordres et de leçons : A vos micros, à vos journaux, à vos révoltes ! Il a fallu attendre un article d’un journal américain pour, du bout des lèvres vous entendre annoncer la nouvelle en France.

 

Où sont les cris d’horreur, les hurlements à la mort pour des faits habituellement moindres. Le Touareg, l’homme bleu des récits de l’Atlantide de notre adolescence ne fait plus rêver quand il rencontre l’islamisme.

 

Un peuple millénaire pacifiste et accueillant meurt sous nos yeux indifférents ! Sa culture son âme et désormais sa chair. Que chacun d’entre nous accorde une pensée, une seule pour l’Azawad libre et laïc.

 

Aujourd’hui, l’Occident fait silence et nous rappelle le constat du pasteur antinazi Niemöller lors d’une autre époque sans cœur :

« Et lorsqu’ils sont venus me chercher, il n’y avait plus personne pour protester. »

Puissions-nous éviter ce drame à nos frères humains, nos frères touaregs.

 

Josiane Sberro