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Jean Marie Lustiger ajoutait, comme ses proches le Cardinal Decourtray et le Pape Jean Paul II, que la promesse au Sinaï n’était pas révolue et que les Juifs avaient gardé leur place prééminente dans l’économie du salut. Si Jésus par sa mort sur la Croix avait permis aux goyim d’avoir aussi leur part à l’élection, cette part ne se substituait pas aux promesses de la première Alliance.
Je suis intervenu à ce colloque pour parler du Cardinal Lustiger et de la Shoah, car j’avais eu la chance de le connaître au cours des dernières années de sa vie et de créer avec lui des liens d’amitié.
Des inquiétudes compréhensibles ont été émises dans les années 80 à l’idée que ce Juif converti chercherait à étouffer le judaïsme sous de séductrices embrassades. Quelques années plus tard cependant, ceux qui l’avaient vu agir (carmel d'Auschwitz, repentance des évêques, dialogue avec les Rabbins orthodoxes de New York, et bien d’autres circonstances encore…) avaient les preuves qu’il œuvrait pour une cause noble, pour que les Chrétiens reconnaissent leur dette envers le judaïsme et qu’ils en respectent la voie spécifique. Il s’était converti, il n’a pas cherché à convertir les autres. "Soyez de bons Juifs cela m’aidera à être un bon chrétien", avait dit le Cardinal Decourtray, son alter ego. Cette phrase a été mon viatique.
«Le christianisme est entièrement ancré dans le judaïsme.»
Le Cardinal Lustiger a spectaculairement revendiqué sa qualité de Juif. Les Rabbins, dont son ami le Grand Rabbin Sirat, ont répondu que, à cause de sa conversion, ils ne pouvaient pas le considérer comme Juif. Je n’ai pas qualité à juger, mais pour moi, ce qui compte c’est que dans sa position particulière, il a défendu le peuple juif. Il a fait ainsi honneur à son grand-père boulanger à Bedzin, Pologne, Aron Lustiger, dont il portait le prénom. Et je suis fier d’avoir pu contribuer au Mémorial qui porte aujourd’hui le nom du Cardinal Lustiger dans le monastère d’Abu Gosh en Israël et où, dit-on, il aurait aimé se retirer… Lire la suite.
Les participants à ce colloque étaient des Chrétiens engagés qui attribuent une importance fondamentale au judaïsme à la racine de leur religion. Certains apprennent l’hébreu, ou séjournent en Israël, militent dans les Amitiés judéo-chrétiennes, dans les cercles diocésains ou dans les groupes d’étude. Ils ont pour le judaïsme un respect et une admiration qui émeuvent et qui obligent.
Il y a quinze jours est mort un homme admirable et trop peu connu, Conseiller du Cardinal Lustiger, savant dominicain qui avait été choqué du silence de l’Église face aux lois raciales de Vichy, le père Bernard Dupuy. Les Juifs ont des amis.
Après mon intervention, répondant aux questions de l’assistance, j’ai orienté le débat sur la situation actuelle, l’antisémitisme « nouveau », le radicalisme islamique, la diabolisation d’Israël et le départ des Juifs de France. Je m’étais éloigné du cadre théologico-historique des conférences pour entrer dans la vie quotidienne. Et le public m’en a su gré, tous partagent nos inquiétudes. Mais aujourd’hui ces Chrétiens sont une minorité et le narratif anti-israélien se développe.
Il nous faut travailler, revenir dans ces cercles d’amitié judéo-chrétienne que les Juifs ont désertés en pensant que désormais les problèmes étaient réglés ; agir localement comme le font les trop rares militants Juif du dialogue, passer outre ceux pour lesquels parler avec des Chrétiens, c’est inutile et peut-être dangereux, car " ils seront toujours aussi antisémites… » C’est faux (...).