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Toutefois, même si l´on accepte l´hypothèse d´un Iran n’aspirant qu’à un statut de pays du seuil – hypothèse erronée au regard des multiples éléments démontrant que ce pays continue de développer des armes nucléaires et n´acceptera donc pas de véritable supervision de ses activités – il n’existe, selon notre évaluation, aucun terrain d’entente entre les parties.
Ci-dessous les raisons de cette évaluation.
Le conflit avec l´Occident ne porte pas seulement sur le problème nucléaire
Pour le Guide suprême iranien Ali Khamenei, le conflit avec l´Occident ne porte pas seulement, ni même principalement, sur la question nucléaire. Le programme iranien révèle que le conflit avec l´Occident est multidimensionnel.
Le principal objectif du Guide suprême Khamenei est d´obtenir l´immunité pour son régime face à une éventuelle attaque de l´Occident. Son second objectif est de hisser son pays au statut de superpuissance régionale et mondiale, égale aux autres superpuissances - toutes dotées de l’arme nucléaire.
Ces deux objectifs, imbriqués, forment la base et l´essence de la vision idéologique et stratégique de l’Iran. L´Iran refuse d´être considéré par l´Occident comme un acteur secondaire, de moindre importance et puissance, sur la scène mondiale et régionale.
Dans ce contexte, la question nucléaire n´est qu´un élément du conflit dans sa globalité, et sert de tremplin à l´Iran pour atteindre les objectifs cités plus haut ; obtenir le statut de pays du seuil est le moyen pour l´Iran d’accomplir ses desseins.
L´Iran ne négociera pas directement avec les États-Unis tant qu’il n’aura pas le même statut
En outre, l´Iran ne négociera pas directement avec les États-Unis tant qu’il n’aura pas obtenu un statut égal, et tant que les États unis opposeront des conditions préalables, telles que des sanctions. Pour cette raison, l´Iran exige, comme condition préalable à des négociations avec les États-Unis, l´annulation de toutes les sanctions à son encontre. [3]
L´Iran est bien prêt à négocier avec les 5+1, mais sa première exigence est la levée des sanctions ; les négociations devront en outre couvrir un large éventail de sujets et de conflits mondiaux, comme il sied à une superpuissance, en plus du problème nucléaire. Ainsi, l´Iran exige une réponse à ses contre-propositions aux 5+1, lesquelles portent sur une variété de thèmes planétaires.
Le problème, selon Téhéran, n´est pas son propre programme nucléaire, mais les armes nucléaires des puissances occidentales – d’abord celles les États-Unis, qui en ont déjà fait usage, puis celles d´Israël. L´Iran insiste sur le fait que l´ensemble du processus doit être réciproque et simultané ; ainsi, les exigences unilatérales de la communauté internationale pour que l’Iran limite son enrichissement d´uranium doivent faire place à des demandes réciproques que les deux parties devront satisfaire en même temps.
Par conséquent, même entre l´Administration Obama et le régime iranien dirigé par le Guide suprême Ali Khamenei, il n’existe aucun terrain d´entente possible. Pour Téhéran, les pourparlers nucléaires, qu’elle tente de faire durer, visent à atteindre plusieurs objectifs :
a) gagner du temps pour développer son programme nucléaire et réaliser ses projets nucléaires
b) asseoir son statut stratégique de seul État capable de faire face aux 5+1 sans reculer sur aucune de ses positions
c) forcer l´Occident à considérer l´Iran comme une superpuissance nucléaire mondiale ; à cette fin, en présentant ses positions quant aux négociations, il étend la portée de ses activités nucléaires. Récemment, l´Iran a en outre activé la piste du plutonium, en plus de l´enrichissement d´uranium, et a déclaré qu´à l´avenir, le pays aurait peut-être besoin d’un enrichissement de 50 %, voire de 90 %. [4]
Notes :
[1] Au cours d’une visite à Berlin en février 2005, le ministre iranien des Affaires étrangères Kamal Kharrazi a proposé le modèle japonais/allemand comme base de négociations entre l’Iran et l’Union européenne. Lors d´une réunion avec le ministre des Affaires étrangères allemand Joschka Fischer, Kharrazi s’est étendu sur la perspective iranienne de résolution du différend avec l’UE3 : « Les installations nucléaires pacifiques en Allemagne et au Japon peuvent servir de modèle aux projets nucléaires iraniens, et de base à une série de pourparlers à ce sujet. » IRNA, Iran, 17 février 2005. Voir aussi Enquête et analyse n° 209 de MEMRI, Iran Seeks EU Consent for Modeling Its Nuclear Program on the ´Japanese/German Model´ – i.e. Nuclear Fuel Cycle Capabilities Three Months Short of a Bomb, 23 février 2005. En outre, lors d’une conférence de presse avec son homologue japonais Hirofumi Nakasone, le ministre des Affaires étrangères iranien Manouchehr Mottaki a demandé à faire appliquer le modèle japonais nucléaire à l’Iran : « La façon de concevoir les activités nucléaires du Japon devrait s’étendre à d´autres pays, y compris l´Iran. » Mottaki a réaffirmé que les activités nucléaires de l´Iran étaient « légales et pacifiques » et a souligné : « Le Japon a mis de nombreuses années à bâtir la confiance en son programme nucléaire. L´Iran évolue sur une trajectoire similaire... Pendant ces années…, le Japon n´a jamais été obligé de suspendre ses activités nucléaires ». Iran Daily, Iran, 4 mai 2009. Voir aussi Enquête et analyse n° 513 de MEMRI, Iran Foreign Minister: The Japanese Nuclear Model Applies To Us Too, 7 mai 2009.
[2] Voir Enquête et analyse n° 888 de MEMRI, Iran Becomes A Nuclear Threshold State, 5 octobre 2012.
[3] Des représentants officiels iraniens, ainsi que des commentateurs et des personnalités qui représentent la position du régime iranien, demandent aux États-Unis de mettre fin à leurs activités subversives contre le régime iranien et au financement de ces opérations ; voir les déclarations de l´ambassadeur iranien à l´ONU Mohammad Khazaei sur les conditions iraniennes pour entamer des négociations avec les États unis : être traité d’égal à égal, que les sanctions soient retirées et que les États-Unis s’engagent à garantir la survie du régime iranien. ISNA, Iran, 22 février 2013 ; voir aussi The Ayatollah Contemplates Compromise, par Mehdi Khalaji, Institut de Washington, le 9 mai 2012, et Enquête et analyse n° 837 de MEMRI, Khamenei´s Aim at the Nuclear Talks – Securing the Survival of His Regime, 18 mai 2012.
[4] Voir les deux dernières déclarations à ce sujet : « Peut-être aurons-nous besoin à l´avenir d´un pourcentage plus élevé d´enrichissement, par exemple pour les navires, qui nécessitent un enrichissement de 40 % à 50 %, non 20 %. » Al-Alaam TV, Iran, 24 février 2013. Par ailleurs, le quotidien Kayhan, proche du Guide suprême Ali Khamenei, a affirmé : « L´Iran a le droit d´enrichir de l´uranium, non seulement à 20 %, mais aussi à 90 %. » Kayhan, Iran, 26 février 2013. Voir aussi Enquête et analyse n° 885 de MEMRI, Tehran Declares Intent To Enrich Uranium To 90% For Military Purposes – Nuclear Submarines, 27 septembre 2012.
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