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Internet n'a pas le monopole des propos douteux, mais joue rapidement, en cas de polémique, le rôle de caisse de résonnance. Quand des anti-mariage gay qualifient Christiane Taubira de guenon, fin octobre, les commentaires nauséabonds affluent. 55% des réactions au sujet ont été modérées sur le site de L'Express, la plupart pour racisme. Une proportion trois fois plus élevée qu'en temps normal (environ 19%).
Autant que leur nombre, la dureté des propos interpelle. "Cela fait une douzaine d'années que je travaille dans le secteur et j'ai vu la pensée raciste sur Internet évoluer selon les obsessions du moment", raconte une responsable de la société Concileo, qui modère notamment les commentaires du Figaro, de Radio France ou du Parisien. Cette dernière préfère rester anonyme pour éviter d'être prise pour cible sur le Web.
"Internet est devenu le réceptacle de toutes les crispations et de tous les maux de notre société"
"Jusqu'à récemment, la religion musulmane était beaucoup ciblée, poursuit-elle. Depuis que Christiane Taubira est garde des Sceaux, les commentaires néfastes liés à la couleur de peau ont redoublé. Les polémiques à répétition sur les Roms en ont attiré un certain nombre aussi."
"Internet est devenu le réceptacle de toutes les crispations et de tous les maux de notre société", abonde Marc Knobel, Président de l'association J'accuse. Tous les ans depuis 2000, ce chercheur au Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) a rendu un rapport sur toutes les formes d'extrémismes sur Internet pour la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH). Et il a vu le nombre de contenus haineux se démultiplier, bien qu'il soit impossible de les chiffrer. "Internet est le moyen le plus simple de propager la haine. Les néonazis s'en sont rendus compte dès le milieu des années 90", souligne-t-il.
L'absence de grille de lecture -qui écrit?, quelles sont les sources?- et le manque de moyens pour lutter contre les auteurs de propos xénophobes font du Web un espace de propagande idéal pour les extrémistes de tout poil. Mais pas question de le rendre responsable de tous les maux. "Les commentaires ne sont que la partie émergée d'un phénomène plus profond", souffle-t-on chez Concileo. Cette poussée de fièvre s'inscrit dans "une société malade, à la recherche de bouc-émissaires, dans un contexte de crise et de 'détabouisation' de certaines idées", renchérit Marc Knobel. En témoignent les dérapages de politiques et les messages délivrés par certains médias, comme la Marianne voilée en Une de Valeurs Actuelles… Lire la suite.