Tribune
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Publié le 28 Juillet 2014

Quand les actes se joignent à la parole antisémite

Par Sacha Reingewirtz, Président de l’UEJF, publié dans le Huffington Post le 27 juillet 2014

C'est l'histoire d'un antisémitisme ordinaire qui se répand sur les réseaux sociaux. Une histoire qui se banalise, mais qui n'a pourtant rien d'anodin tant elle confirme que la haine se déverse tel un virus nocif sur les réseaux.

Il suffit de suivre le compte Twitter de l'UEJF ou bien la page Facebook pour s'en persuader. Les messages de haine affluent par dizaines chaque heure et nous ne comptons plus les insultes que nous recevons en "message privé". La modération est un travail continu de longue haleine. Chaque publication donne lieu à son flot de commentaires, tweets antisémites.

C'est à un véritable torrent de haine auquel nous sommes confrontés.

Depuis le début de l'opération "Bordure protectrice", cette haine virale serait légitimée par une prétendue défense de la cause palestinienne et se cristallise ces jours-ci autour de la dénonciation publique et l'appel aux meurtres de jeunes Juifs.

De nombreuses pages Facebook et comptes Twitter apparaissent pour inciter à agresser de jeunes Juifs (#HelpGaza, #GazaFirm, Chasseurs Anti-LDJ, Les Quenelliers Parisiens). Des photos ont été publiées, avec leurs identités, numéros de téléphone, lieux de travail et parfois même domiciles. Ces personnes sont désignées comme appartenant à la Ligue de Défense Juive, c'est ce qui justifierait de tels appels aux meurtres. Pourtant, nous recevons depuis plusieurs jours de nombreux appels et messages de jeunes Juifs dont les coordonnées ont été diffusées et qui n'ont rien à voir ni de près, ni de loin avec cette organisation dont les membres se limitent à quelques dizaines d'individus.

Nous apprenions hier avec effroi que les actes se joignaient aux paroles et qu'en plus d'attaquer méthodiquement des synagogues et des lieux de vie juive, des groupes d'individus n'hésitaient plus à s'attaquer à des jeunes Juifs en raison de leur désignation par le biais des réseaux sociaux. Ainsi, un jeune homme de 19 ans désigné dont les coordonnées étaient diffusées sur plusieurs pages Facebook, avait été la cible de messages publics: "Tête de chien va", "Ilan Halimi? MDRRRRRRRR", "Tremblez, bande de rats, on vous lâchera plus [...] quand vous serez seul dans une ruelle et qu'un sac viendra recouvrir vos têtes". Ce jeune homme était attendu le 24 juillet au soir en bas de chez lui, à Bobigny, par une quinzaine individus qui l'ont assailli de coups, avant de prendre la fuite à la vue d'un habitant de l'immeuble.

Selon son témoignage, les agresseurs lui auraient dit "T'es le mec de la photo de Facebook toi ?!", puis "On est là pour casser du Juif" et "On va te faire la même chose qu'à Ilan Halimi !".

Rien ne semble pouvoir arrêter ce déferlement en l'absence de régulation efficace. Avec Twitter, 140 caractères suffisent pour exprimer sa haine de l'autre, la partager en masse, l'approuver en le marquant comme "favori", et ce, à l'infini. Internet, dénaturé devient la vitrine de la haine et les réseaux sociaux se transforment peu à peu en caisses de résonance des sentiments les plus vils.

Nous avions déjà alerté sur le danger que représente une régulation insuffisante des réseaux sociaux lors de notre procès gagné contre Twitter (UEJF c/ Twitter, TGI Paris, 24 janvier 2013). Depuis, la plateforme de micro-blogging a créé un système de signalement au niveau mondial permettant aux utilisateurs de participer à la régulation du réseau par la désignation de pages constitutives de harcèlement. Facebook dispose également d'une plateforme de signalement depuis plusieurs années.

Mais le web 2.0 repose sur l'instantanéité, le partage et parfois l'anonymat. Il devient de plus en plus difficile de supprimer des messages de haine issus de pages Facebook, de commentaires, de comptes Twitter lorsque ceux-ci, une fois supprimés, réapparaissent par myriades quelques minutes plus tard.

Nous ne voulons pas devenir les éboueurs du net, forcés de dénicher sur la toile les messages de haine et de les signaler minute après minute aux équipes de modération des services concernés pour protéger la vie de jeunes Juifs qui subissent des appels aux meurtres.

Le rôle des associations antiracistes n'est pas d'épier chaque texte, image, vidéo publiée sur un réseau social puis d'en analyser ou non la licéité et la dangerosité desdites publications.

Pour beaucoup, la fracture est telle que l'avenir des Juifs de France est incertain… Lire la suite.