Tribune
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Publié le 23 Mars 2012

Le coupable n'est pas celui qui était souhaité

Chronique de Brice Couturier sur France Culture, 22 mars 2012

 

Comme on dit dans les films américains : « Arrest the usual suspects ». Lorsqu’un attentat est commis contre une synagogue, lorsqu’on tire à bout portant sur des enfants juifs en pleine cour d’école, commencer par pointer du doigt les « discours de haine » de l’extrême droite – et tenter de mouiller la droite républicaine au passage, pour n’avoir pas pris suffisamment ses distances avec la précitée. C’est l’usage du politiquement correct

Il serait cruel d’aligner les noms de toutes les personnalités politiques, de tous les journalistes qui ont cru découvrir, ces derniers jours, « les causes indirectes de cette folie meurtrière » du côté de « ceux qui montrent du doigt en fonction des origines » ; de se moquer de l’empressement avec lequel ils ont aussitôt incriminé « la démence raciste » ; de citer les articles consacrés aux crimes de Toulouse et de Montauban par un rappel réprobateur des polémiques déplacées sur la viande halal, censées avoir créé un climat « d’aveuglement volontaire qui constitue le racisme » et face auquel il était urgent de rappeler que « l’identité française s’est historiquement construite sur une multiplicité de populations »…

 

Auto-critique : je suis moi-même tombé dans ce piège en commentant, hier, le livre « Nous sommes tous des sang-mêlés »…

 

Mais voilà : les coupables n’étaient pas ceux qui étaient souhaités. Les tueurs d’enfants juifs et de militaires français ne provenaient pas de l’ultra-droite, mais du terrorisme islamiste.

 

Vous me direz que ce n’est pas la première fois que cette vérité apparaît tellement intolérable qu’on cherche à la dissimuler : l’attentat contre la synagogue de la rue Copernic du 3 octobre 1980 a été attribué immédiatement à un groupuscule fasciste, les Faisceaux Nationalistes Révolutionnaires. Durant les années suivantes, les ministres de l’Intérieur, Gaston Defferre en tête, ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour que l’autre piste, celle d’un groupuscule palestinien, ne soit pas explorée. Or c’était la bonne. C’est ce que dit, entre autres, le juge Trividic aujourd’hui : « l’enquête a été lancée sur une mauvaise piste » « par certains politiques » Et on a perdu trente ans… Aujourd’hui, on connaît l’identité de certains des terroristes en question. Ils appartenaient à un groupuscule palestinien, le FPLP-Opérations Spéciales.

 

Même l’attentat du 9 août 1982 contre le restaurant de Jo Goldenberg, rue des Rosiers, a été un moment attribué à des « néo-nazis venus d’Allemagne ». On connaît à présent l’identité de certains de ses auteurs. Ils appartenaient au groupe d’Abou Nidal et coulent des jours paisibles en Jordanie.

 

Pourquoi cet aveuglement volontaire ? Pourquoi est-il si difficile d’appeler un chat un chat et antisémite – ou antijuif - un islamiste ? On dira : risque de stigmatisation. Tous les paisibles musulmans qui vivent dans nos banlieues seraient soupçonnés du pire. Mais c’est cet amalgame qui est raciste. Nul n’ignore que nombre d’entre eux sont justement venus en France pour échapper au fanatisme des islamistes de leur pays d’origine. Que la quasi-totalité d’entre eux n’aspirent qu’à bénéficier d’un régime de laïcité qui leur permet de pratiquer tranquillement le culte de leur choix sans risquer d’être agressés par les tenants d’une autre branche de l’islam, ou par une faction radicale et politisée. L’islam de France se développe en harmonie avec les autres religions monothéistes et ne professe pas la haine des Juifs. Il n’a plus de lien avec les groupuscules ou les « loups solitaires » djihadistes que la Bande à Baader n’en avait avec le SPD…

 

Mais lorsque tous nos médias sans hésitation ni vérification ont repris la thèse (contestée) selon laquelle le petit Mohamed avait été assassiné, il y a onze ans, dans les bras de son père par l’armée israélienne, personne ne s’est inquiété du risque de « stigmatisation » qui allait frapper les communautés juives à travers le monde. Pourquoi ce double standard ?

 

Ceux qui ont armé le bras du tueur de Toulouse et de Montauban ne sont pas ceux qui ergotent sur le pourcentage de viande halal que nous consommons sans le savoir. Ce sont ceux qui, unis dans la réprobation d’Israël, diabolisent ce pays ; ceux qui mentent en parlant « d’apartheid », sans dire jamais comment y sont traités, soignés et éduqués les Arabes ; ceux qui suggèrent à des fanatiques illuminés qu’on peut « venger les enfants palestiniens » en assassinant des petits Français d’origine juive jusque dans les cours de récréation. Mais de ceux-là, on n’exige aucun examen de conscience. Pourquoi ?