Tribune
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Publié le 18 Février 2015

L'antisémitisme psychique

Un antisémitisme qui pénètre tellement les esprits qu'il est inaccessible au raisonnement et passe par-dessus la nationalité, l'intégration sociale ou la culture d'origine.
 

Par Christophe Barbier publié dans l’Express le 17 février 2015
L'antisémitisme, ce chromosome fondamental de l'anti-humanisme, n'a pas la même signature selon les époques, et donne ainsi l'impression que l'on assiste à la mutation d'un même gène défectueux, à l'évolution d'un même bacille qui nous oblige à réviser sans cesse nos thérapeutiques. Il n'en est rien : les divers antisémitismes ne se succèdent pas, ils se sédimentent. Les plus anciens sont moins visibles, mais ils servent de socle aux derniers avatars, d'autant plus virulents qu'ils sont récents.
Il y a un antisémitisme religieux, fondé jadis sur la haine envers ceux qu'on accusait d'avoir crucifié le Christ -tué en fait par les Romains : ses adeptes oublient à la fois la primauté du pardon formulée par l'Evangile et la volonté exprimée par Dieu lui-même de racheter les fautes de l'Homme par le sacrifice de Son fils.
Cet antisémitisme qui se veut Chrétien est donc doublement antichrétien. "N'oublie jamais que Jésus était juif", répétait à son fils, pour le détourner de toute tentation antisémite, la mère de François Mitterrand. Il y a un antisémitisme idéologique, construit par de nombreux intellectuels, parmi lesquels plusieurs Français. L'affaire Dreyfus en est, dans notre pays, le plus spectaculaire révélateur, puis le nazisme en devient, en Europe, le syncrétisme et l'absolutisme, qui place l'extermination des Juifs au coeur de sa politique d'Etat.
Il y a un antisémitisme économique, de jalousie cupide. Il y a un antisémitisme géopolitique maquillé en antisionisme, nourri à partir de 1947 par les tensions au Proche-Orient et repris depuis par tous les courants islamistes qui gangrènent la région, au gré des conflits où s'implique l'Occident.
Une haine de conviction
Aujourd'hui, c'est un antisémitisme psychique qui agit et tue. Attention, psychique ne veut pas dire psychiatrique et, de Dieudonné aux terroristes, ce ne sont pas des fous qui le pratiquent. L'antisémitisme psychique, c'est celui qui pénètre tellement les esprits qu'il est inaccessible au raisonnement et passe par-dessus la nationalité, l'intégration sociale ou la culture d'origine de ses "pratiquants". Il ne s'agit pas d'un rejet par déduction ou rabâchage, fruit de tel embrigadement politique ou de tel envoûtement fanatique, mais d'une haine de conviction, d'éducation -"d'instinct", même, disent-ils pour faire croire que c'est "naturel" et disculper leur famille ou leur mentor.
Les antisémites agissent par réflexe et non par réflexion : à l'ère d'Internet, leur cerveau a l'antisémitisme en pièce jointe… Lire l’intégralité.