Tribune
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Publié le 3 Mars 2015

L’immigration, une chance contre le terrorisme

Les Maliens d’ici seront aux côtés de ceux qui luttent pour la préservation de ce pour quoi ils sacrifient leur vie en quittant leur pays.
 

Par Sébastien Lagrave, Directeur du festival Africolor, publié dans Libération le 3 mars 2015
Depuis les attentats de janvier, la part belle est faite aux explications et reportages sur les Musulmans et le lien entre l’immigration et le terrorisme tourne en boucle dans les médias. Or, ce sont de jeunes Français endoctrinés ici qui ont commis ces attentats. Produits d’une idéologie fascisante comme de trente ans de politiques de relégation, ils ne sont pas venus d’ailleurs, mais «ce sont nos fils qui ont tué nos frères», et c’est un migrant malien qui a sauvé d’autres frères.
Lassana Bathily, comme tous ceux qui sont venus de la région de Kayes au Mali, a été bercé par un Islam malékite, tolérant et perméable à toutes les formes religieuses et sociales depuis des siècles. Coexistant avec les catholiques, les marabouts sanctifiés, les athées et les animistes, c’est cet Islam qui est en passe d’être vaincu ici comme au Sahel, que ce soit au Mali, au Burkina Faso, ou au Niger. Partie intégrante de la culture des migrants en Ile-de-France, il est menacé des deux côtés de la Méditerranée, et avec lui la plasticité sociale et spirituelle du Mali. En France, cet Islam a de moins en moins voix au chapitre, laissant les jeunes générations sans mémoire, sans culture, sans véritable savoir de leur histoire spirituelle.
Pour contrer cette menace, il faut avoir une politique ambitieuse au croisement des politiques culturelles, de la ville, des affaires étrangères et de l’immigration. Les associations de migrants, conscientes de l’importance de la transmission de la culture pour contrer l’acculturation et l’endoctrinement des afro-descendants, se heurtent depuis des années à l’indifférence des pouvoirs publics ; reléguées du côté du «folklore» ou du «communautaire» par les institutions culturelles, confinées dans des salles ou sous-sols indignes pour leurs activités, ces associations sont le meilleur rempart contre l’acculturation et le repli sur soi, qui laissent toujours le champ libre aux recruteurs. Associations de ressortissants ancrées ici comme au Mali, elles sont porteuses de valeurs qui concrétisent la République qui les accueille (même si le mot est encore un peu fort). Elles luttent contre la tentation du repli, pour la dignité des travailleurs, pour préserver la diversité culturelle et religieuse dans les foyers, les Mosquées, comme dans les villages du Mali. Modèles d’organisation démocratique, elles sont une chance contre le terrorisme, ici comme au Sahel. Là-bas, parce que leur pouvoir économique leur permet de résister aux tentatives de fermeture culturelle et religieuse. Ici, parce qu’elles encadrent et connaissent depuis quarante ans les néo-arrivants et leurs familles. Désireuses de s’impliquer sur les questions d’excision, de polygamie, de mariage forcé, elles sont aussi les meilleures alliées pour faire avancer la cause des femmes.
En soutenant l’immigration légale, en ayant une vision stratégique de la délivrance des visas et non une politique humiliante qui laisse la Méditerranée être un cimetière pour des centaines de Maliens, en soutenant la préparation à la migration, en reconnaissant la dignité culturelle des migrants, en favorisant l’appropriation d’une partie de leur histoire par les jeunes générations, les pouvoirs publics trouveraient dans ces associations des alliés contre le terrorisme… Lire l’intégralité.