Tribune
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Publié le 20 Février 2013

L’Égypte, ce terreau antisémite

 

Par Zvi Mazel

 

La chute de Moubarak avait laissé croire à une nouvelle ère porteuse d’espoir. Elle aura surtout laissé libre champ à la viscérale haine des Juifs des Frères musulmans.

 

Le monde fait mine de s’étonner de voir les Frères musulmans montrer au grand jour leur haine des Juifs et de l’État juif. Les États-Unis demandent au président Morsi de clarifier des propos hautement antisémites (« les Juifs sont les descendants de singes et de porcs, il faut inculquer aux enfants la haine des Juifs »). Essam Erian, l’un des dirigeants de la Confrérie en Égypte, appelle les Juifs égyptiens vivant en Israël à revenir, pour faire place aux Palestiniens qui rentreront au pays après la disparition d’Israël, un événement qui, selon lui, devrait intervenir dans les dix ans. Cette proposition n’est autre que l’expression de l’étendue de l’antisémitisme du mouvement : un État juif ne peut pas exister, et les Juifs ne peuvent qu’aspirer à être des citoyens de seconde classe dans les pays arabes, avec le statut de dhimmi, soumis à la Charia et à ses lois, et sous la « protection » de l’islam, aussi longtemps qu’ils acceptent ce statut.

 

Jadis, les Juifs égyptiens, comme les autres Égyptiens non musulmans, devaient payer une taxe spéciale. Des voix se font entendre en Égypte pour réclamer la restauration de cette taxe abolie à la fin du XIXe siècle par un empire ottoman très affaibli.

 

À la base de cette haine tenace, se trouve le refus des Juifs d’accepter l’Islam et sa supériorité sur toutes les autres religions, telle qu’elle s’exprime dans la « Shahada », la profession de foi des fidèles : « il n’y a pas d’autre dieu qu’Allah, et Mohammed est le messager d’Allah ».

 

Mohammed, le dernier prophète, est venu annoncer une ère nouvelle qui verra l’islam dominer le monde par des voies pacifiques – ou par la conquête.

 

L’islam fait siens l’Ancien et le Nouveau Testament et Mohammed ne pouvait accepter le fait que les Juifs, qui avaient introduit le monothéisme dans le monde, se refusent à le reconnaître et à accepter son enseignement. C’est la raison pour laquelle il y a beaucoup plus d’attaques contre les Juifs que contre les Chrétiens dans le Coran, bien que les Chrétiens n’aient pas non plus accepté l’islam.

 

Quantité de versets demandent que les Juifs soient humiliés et soumis, car objets de la colère d’Allah et condamnés au feu de l’enfer au jugement dernier s’ils n’acceptent pas la vraie religion (Coran 4 : 55) et les traitent de descendants de singes et de porcs (Coran 5 : 60).

 

L’ami des nazis

 

Les Frères musulmans ont pour ainsi dire « modernisé » cette haine séculaire, mais essentiellement passive, du Juif.

Hassan el-Banna, qui a fondé le mouvement en 1928, s’est employé à la transformer en une doctrine virulente qui s’intégrait à la fois dans son rêve de voir renaître le Califat, et dans son combat contre l’occupation britannique de l’Égypte et l’influence grandissante de l’occident. Pour lui, les Juifs étaient partout à l’oeuvre, sapant l’islam et cherchant à étendre leur emprise sur le monde.

 

Les Frères adoptaient ainsi l’antisémitisme chrétien et ses méthodes, se livrant à une propagande effrénée contre les Juifs d’Égypte et lançant des pogromes contre le vieux quartier juif du Caire.

 

De la fin des années 1930 et jusqu’à sa mort, en 1949, el-Banna a développé ses thèses dans d’innombrables écrits. Pour lui, les Juifs sont les vecteurs du changement et de l’occidentalisation ; ils sont responsables du déclin de l’occident et de l’islam. La contradiction inhérente ici ne semble pas le frapper. Car les Frères se battent bien, pourtant, contre l’occident et ses valeurs démocratiques qui leur sont étrangères.

 

Quoi qu’il en soit, el-Banna entretient une correspondance avec Hitler et fait traduire en arabe Mein Kampf sous le titre « Ma Jihad ». Les Frères sont en liaison avec les nazis : des caricatures tirées de Der Stürmer sont publiées avec les traductions de circonstance. Ils se trouvent des alliés auprès de l’importante colonie allemande qui vit alors au Caire et compte nombre d’agents nazis. Des agents qui vont aider le nouveau parti pronazi « Miser Elfatat », la jeune Égypte, créé justement pour déstabiliser le régime et combattre les Juifs.

 

Lorsque la guerre éclate, el-Banna offre sans hésiter ses services à Hitler, lui demandant en contrepartie d’aider l’Égypte à se débarrasser des Anglais et des Juifs. L’organisation clandestine qu’il a fondée transmet ainsi aux Allemands des informations sur les mouvements des troupes britanniques.

 

Parmi les membres de cette organisation se trouve un jeune officier ambitieux du nom d’Anouar el-Sadate. Les services secrets du roi Farouk finissent par localiser el-Banna et le tuent en 1949.

 

Hitler ou la punition divine

 

Puis vient alors Sayeb Qutb : le théoricien de la Confrérie est celui qui va jeter les bases religieuses du combat contre les Juifs et les grands thèmes de la propagande antisémite, souvent appelé père de l’idéologie des Frères et grand-père des mouvements jihadistes d’aujourd’hui. Condamné à mort par Gamal Abdel Nasser en 1966, Qutb sera exécuté par pendaison.

 

Dans son livre le plus connu, « Jalons », paru deux ans avant sa mort, il accuse les Juifs d’oeuvrer à l’éradication de toutes les limites imposées par la foi et la religion afin de pouvoir infiltrer tous les rouages politiques et mettre en oeuvre leurs néfastes projets. Il les accuse de pratiquer l’usure afin que toutes les richesses de l’humanité tombent aux mains de leurs institutions.

 

Rappelons que plusieurs années auparavant il avait écrit un pamphlet intitulé « Notre combat contre les Juifs ». Il y affirme que, depuis l’aube de l’islam, les Juifs complotent contre lui et continuent aujourd’hui encore. Il n’hésite pas à proclamer qu’il s’agit d’une véritable guerre qui fait rage depuis quatorze siècles.

 

Pour lui, les Juifs disposent d’une armée d’agents – professeurs, philosophes, docteurs – jusque dans les rangs des autorités religieuses islamiques. Les Juifs sont, selon lui, à l’origine du matérialisme, de ce qu’il appelle « une sexualité animale », de la destruction de la famille et même de la société. Et de citer les Juifs Marx, Freud, Durkheim et Jean- Paul Sartre (!). On pourrait continuer, mais la démonstration est faite. Qutb a été jusqu’à écrire qu’Allah avait envoyé Hitler pour punir les Juifs.

 

Les Frères ont continué et continuent l’oeuvre de Qutb. Il est impossible d’énumérer les livres, pamphlets, essais ou autres décrets religieux (fatwas) contre les Juifs.

 

Aujourd’hui, c’est le Sheikh Yusuf Kardawi, un Égyptien qui vit au Qatar, qui est le chef de file des théologiens de la Confrérie. Il attaque les Juifs sans relâche ; lors d’une intervention le 28 janvier 2009 à la chaîne al-Djazi ra dont il est le commentateur attitré il a ainsi déclaré : « À travers l’histoire, Allah a imposé aux Juifs des peuples voulant les punir de leur corruption… C’est Adolf Hitler qui a infligé la dernière punition. Par tout ce qu’il leur a fait – même s’ils en ont exagéré l’importance – il a réussi à les mettre à leur place. C’était une punition divine pour eux. Si Allah le veut, la prochaine sera administrée par les Croyants. »

 

Juifs maudits

 

Deux sourates du Coran – 5 : 20-25 et 7 : 130-137 – reconnaissent en termes non équivoques que la Terre Sainte a été donnée aux Juifs. Cependant, lorsque le Calife Omar el Khattab fait la conquête de Jérusalem, de la Terre Sainte et d’autres territoires, il érige en forme de dogme que toute terre conquise par l’Islam devra faire part du Califat pour l’éternité.

 

La renaissance d’Israël est donc considérée comme inacceptable par les Arabes et les Musulmans, un sentiment d’autant plus profond que ces derniers avaient pris l’habitude de considérer les Juifs comme une minorité asservie. Ils ne pouvaient admettre la nouvelle réalité et le fait que ces mêmes Juifs aient « arraché » une partie des terres qu’ils considéraient comme appartenant à l’Islam.

 

Que le petit État juif ait réussi à affronter victorieusement les armées de cinq pays arabes durant la guerre d’Indépendance de 1948-49 est considéré comme une insulte supplémentaire qui a renforcé la haine des Juifs dans la culture arabe et islamique.

 

En Égypte, comme dans l’ensemble du monde arabe, les termes « Juifs », « Sionistes » et « Israéliens » sont interchangeables. Les Juifs ayant été maudits par le prophète, ils ne peuvent faire que le mal et la création de l’État d’Israël est pire encore. Les médias en Égypte – presse écrite, télévision, radio – utilisent indifféremment « Juifs, l’ennemi sioniste, Israël ou l’entité sioniste » pour parler de l’État juif.

 

Résumons : lorsque Moubarak a pris le pouvoir, l’antisémitisme égyptien englobait tous les éléments mentionnés ci-dessus : Islam, Arabisme, Israël en terre arabe, défaite. Moubarak n’a rien fait pour enrayer ce phénomène et les attaques ont continué dans les médias et dans les mosquées, sous contrôle de l’État.

 

Ainsi, il était interdit de critiquer le président et les forces armées, mais aussi d’évoquer la discrimination dont la minorité copte était victime. Par contre, on pouvait vilipender les Juifs. Il y avait donc un déferlement quotidien de haine contre eux et contre Israël ; et il était entendu qu’aucune information présentant les Juifs ou Israël de façon positive ne pouvait être publiée. Qu’il se soit agi d’une politique officielle ou non, le but était la démonisation des Juifs et d’Israël et d’empêcher toute normalisation entre les deux pays.

 

Faux et usage de faux

 

Parmi les pratiques utilisées, la présentation tendancieuse des faits. Ainsi, après un attentat sanglant dans une discothèque branchée de Tel-Aviv, une manchette en rouge barrait la première page du quotidien d’État Al Goumhuria : « Des morceaux de chair israélienne ont volé en l’air à la suite d’une opération héroïque ». Les villes israéliennes sont toutes qualifiées de « colonies », et le récit d’une « opération fedayin dans la colonie de Haïfa » émousse l’impact d’une attaque terroriste au centre d’une ville paisible au coeur d’Israël.

 

On appelle les Israéliens « El Yahoud », les Juifs. Et quand Israël cherche à réfuter une accusation, on accole le terme « soi-disant », pour bien montrer que la version n’est pas acceptée.

 

Autre phénomène : des éditoriaux accusent régulièrement les Juifs de tous les péchés du monde et plus particulièrement de traîtrise envers l’Égypte, via une « infiltration en Afrique pour tourner les Africains contre l’Égypte ». Il s’agit là de rendre les Juifs responsables du différend qui oppose Le Caire aux pays du Haut-Nil quant à la répartition des eaux de ce fleuve vital.

 

D’autres éditos expliquent que l’existence d’Israël est illégale et que ce pays doit être rayé de la carte. Le négationnisme est aussi courant, sous diverses formes ; soit la Shoah n’a pas eu lieu, soit il y a bien eu quelque chose, mais c’était mineur, et les Juifs gonflent les chiffres pour exploiter l’événement.

 

Et dans tous les cas, les Juifs sont pires aujourd’hui que les nazis (le 27 janvier 2013, Fox News a rapporté qu’un proche assistant du président Morsi avait déclaré que les six millions de Juifs prétendument assassinés avaient été en fait transférés clandestinement aux États-Unis).

 

Des caricatures représentent régulièrement des femmes palestiniennes et des petits enfants, face à des soldats israéliens qui les menacent de leur mitraillette ; les soldats sont bottés et leur casque frappé de la svastika pour bien montrer qu’ils sont aussi féroces que les nazis.

 

D’autres caricatures montrent des Juifs pratiquants au nez crochu égorgeant des enfants palestiniens. Et quantité de livres, de films et de séries télévisées se basent sur les Protocoles des Sages de Sion, un faux notoire, où l’on présente des Juifs monstrueux ; les livres d’auteurs négationnistes comme Roger Garaudy ou David Irwing font l’objet de nombreuses rééditions.

 

Enfin utilisation des versets du Coran et des Hadith pour démontrer les turpitudes et la traîtrise des Juifs et la façon dont ils ont attaqué Mohammed et l’islam et rappeler le sort qui les attend au Jugement dernier.

 

De plus en plus ciblés par les Frères

 

Il serait impossible de minimiser l’impact de ces mesures sur une opinion publique égyptienne privée d’informations objectives et réduite à accepter une image faussée. Les protestations répétées du gouvernement israélien n’ont pas abouti, les Égyptiens répliquant que la presse est libre.

 

Trois exemples encore : lorsque le pape Jean-Paul II s’est rendu en visite en Égypte, en février 2000, le 26 février un éditorial vengeur du quotidien en langue anglaise Egyptian Gazette (qui appartient au gouvernement égyptien) accusait l’Église d’avoir cédé au chantage israélien appuyé par l’Amérique, en publiant dans Vatican II un document « acquittant les Juifs de la mort de Jésus ».

 

Puis en 2009, un « historien » inconnu jusqu’alors, Abdel Wahab el Messiri, publie son « Encyclopédie des Juifs, du Judaïsme et du Sionisme », somme de 3 000 pages en huit volumes. Lors d’une intervention télévisée, il s’explique : il a entrepris ce vaste travail pour démontrer que le peuple juif n’existe pas. La même année le président Moubarak lui octroie un prix spécial pour cet effort.

 

Enfin, lors de la visite de Shimon Peres en 2001, un photomontage paru dans l’hebdomadaire Al Arabi (de tendance nassériste) le représente en uniforme de la Gestapo.

 

Malheureusement la chute de Moubarak n’a pas apporté le changement espéré. De façon paradoxale, les manifestants brandissaient des portraits du président, frappés de l’étoile de David, pour montrer qu’il n’était qu’un pantin aux mains des Juifs ! La journaliste américaine Laura Logan a été attaquée place Tahrir par une foule enragée, la traitant de juive.

 

Les Juifs et Israël se sont vus de plus en plus ciblés au fur et à mesure que les Frères musulmans prenaient la tête de la révolution, tandis que l’Occident, aveuglé par ce qu’il voyait comme un printemps d’espoir et de démocratie hésitait à en parler.

 

Vers le rétablissement du califat ?

 

En janvier 2012, un effort concerté des Frères a ainsi porté ses fruits : le pèlerinage sur la tombe d’Abou Hatsira, un saint homme juif qui repose dans un petit village du delta non loin d’Alexandrie a été annulé. Ce pèlerinage attirait des Juifs du monde entier. Un certain Gamal Hashmet, qui venait d’être élu au parlement sur la liste du parti des Frères musulmans « Justice et liberté » avait proclamé qu’il serait « suicidaire » pour les Israéliens de venir. Et ajouté que « le problème d’Abou Hatsira est celui d’un peuple qui rejette la normalisation (avec Israël) et la présence de quelque sioniste que ce soit sur le sol égyptien… Personne ne peut forcer les habitants de cette région à accepter la normalisation. » Le Conseil Suprême des Forces Armées, alors au pouvoir, avait donné instruction à toutes les représentations égyptiennes dans le monde de ne pas délivrer de visas pour le pèlerinage.

 

Maintenant que le parti « Justice et Liberté », la branche politique des Frères, est aux commandes, l’antisémitisme qui est au coeur de leur doctrine est devenu l’idéologie du régime. Il y a bien un fil conducteur de Moubarak à Morsi, mais aujourd’hui l’impact se fait beaucoup plus sentir.

 

Les dirigeants religieux, forts du soutien du gouvernement, envisagent l’élimination de l’État juif dans un proche avenir comme première étape vers le rétablissement du califat.

 

Ils tonnent jour après jour contre les Juifs du haut de leur chaire, dans les mosquées ou dans la presse.

 

Depuis son élection Morsi prend soin de ne pas dire tout haut sa haine d’Israël, et quand on lui rappelle certaines déclarations outrancières, comme celle citée par le New York Times le 14 janvier 2013 dont il sera question plus loin, il réplique que ces propos ont été sortis de leur contexte.

 

Combattre la judaïsation de Jérusalem

 

Pour leur part, les Frères n’avaient pas attendu. Déjà, lors de la campagne pour les élections au parlement ils avaient organisé le 25 novembre 2011 une manifestation de masse à l’université al-Azhar « pour combattre la judaïsation de Jérusalem ». Ce jour-là, cinq mille manifestants avaient entendu Cheikh al-Azhar – qui n’appartient pas à la Confrérie des Frères musulmans – les avertir que les Juifs menaçaient la mosquée al-Aqsa, ajoutant : « Nous ne les laisserons pas judaïser al-Quds », et déclarant que depuis l’aube de l’islam les Juifs s’étaient employés à entraîner les partisans de Mohammed dans une guerre civile et que désormais ils s’efforçaient d’éviter l’union de tous les Musulmans. » Les représentants des Frères présents avaient même lancé un appel au Jihad pour libérer la Palestine et cité la célèbre Hadith : « Le jour viendra où nous tuerons tous les Juifs et les arbres et les pierres mêmes s’écrieront : il y a un Juif derrière moi, viens le tuer ! » Il y avait eu là l’une des plus grandes démonstrations de la haine des Frères pour les Juifs à l’époque actuelle.

 

Malgré sa prudence Morsi avait lui-même prêté serment de délivrer Jérusalem pendant une réunion électorale à Sharm el-Sheikh et avait paru écouter avec la plus grande complaisance les diatribes enflammées du clergé contre les Juifs et Israël dans d’autres réunions.

 

Lors d’un grand meeting dans la ville de Mahalla, un prédicateur fanatique, cheikh Safwat Hegazy a répété plusieurs fois avec emphase que Morsi allait réaliser le rêve de la restauration du califat et que « les États-Unis arabes » seront bientôt constitués et que leur capitale ne sera ni La Mecque, ni Médine, mais bien Jérusalem.

 

Dans la déclaration publiée par le New York Times, évoquée plus haut, Morsi avait appelé à « nourrir nos enfants et nos petits-enfants de la haine « pour les Juifs et les Sionistes ».

 

Toujours selon le New York Times, Morsi avait, lors d’une intervention télévisée quelques mois plus tard, qualifié les Sionistes de « gens assoiffés de sang qui attaquent les Palestiniens, ces fauteurs de guerre, descendants de singes et de cochons. »

 

La guerre au Soudan ? L’oeuvre des Juifs

 

Dès le lendemain de son élection, on assiste à une recrudescence des attaques contre les Juifs dans les médias, que ce soit de la part d’intellectuels, de journalistes ou de religieux. On peut trouver les plus extrêmes sur le site de l’Institut de recherche sur le Moyen-Orient (MEMRI). La Confrérie fait ouvertement la promotion de ses objectifs doctrinaires tout en laissant ostensiblement le président gouverner « avec pragmatisme ».

 

En fait, tous les membres du parti Justice et Liberté sont des cadres supérieurs de la Confrérie. En octobre dernier, le chef de ce mouvement Mohammed Badie, fort du titre de Guide suprême, a repris la tradition de cours de Coran et de Charia tous les mardis, inaugurée par Hassan el-Banna et qui avait été abandonnée après sa mort.

 

Lors de l’une des toutes premières leçons, il a demandé à tous les Musulmans de conquérir Jérusalem par le jihad étant donné que selon lui cet objectif ne pourrait être accompli par la négociation ou grâce aux Nations unies, ajoutant qu’il s’agissait d’une obligation pour tous les Musulmans. À cette occasion il a prétendu que « Les Juifs ont dominé la terre, répandu la corruption dans le monde, versé le sang des fidèles et profané par leurs actions les Lieux Saints, y compris les leurs. » Quelques mois plus tôt, en juin, il avait dit : « Allah nous a avertis de la traîtrise des Juifs et de leur rôle dangereux en provoquant des guerres. La guerre au Soudan et la partition de ce pays sont l’oeuvre des Juifs, tout comme le conflit entre Ramallah et Gaza. » La haine des Juifs prend parfois de curieuses formes. Ainsi « Justice et Liberté », l’organe officiel du parti de ce nom, citait le 5 novembre un vénérable cheikh qui aurait avancé : « Si le destin de l’islam avait été de disparaître du monde, il aurait disparu le jour où est montée l’étoile de ce Juif maudit Atatürk qui a commis le plus grand crime contre le califat… Mais cela ne s’est pas produit, car le califat illumine encore le coeur des Musulmans. »

 

Dans le préambule des Dix Commandements

 

 On a beaucoup parlé des Juifs pendant la campagne du référendum sur la constitution. Le prédicateur de l’une des plus grandes mosquées des faubourgs du Caire a appelé les fidèles à voter oui « car les Juifs essayent de détruire l’Égypte en versant d’énormes sommes d’argent aux Égyptiens pour les faire voter contre la constitution ».

 

Toujours en 2012, des ouvrages dont la couverture annonçait le caractère violemment antisémite étaient exposés dans le pavillon égyptien à la foire du livre de Francfort – la plus importante du monde de l’édition. Le centre Wiesenthal a protesté, mais rien n’a été fait.

 

À cours de l’été, le quotidien Al-Masri Al-Yom a publié une série d’articles – sept en tout – sur ce que son auteur, le Dr Noha Alzini, appelle « le second exode des Juifs d’Égypte – vérité et illusion ». Elle prenait comme point de départ le best-seller de Lucette Lagniado « L’homme au complet blanc », qui retrace le destin d’une famille juive forcée à l’exil dans les années cinquante, et qui a erré de France aux États-Unis se sentant partout étrangère.

 

Déjà en Égypte, bien que son père se considérait comme faisant partie de la société égyptienne, elle-même ne connaissait pas l’Arabe et se sentait étrangère ; en France on la traitait d’Égyptienne et aux États-Unis on lui disait qu’elle venait d’un pays sous-développé.

 

Là est, selon Alzini, la base de cette haine ressentie envers les Juifs et ce sont eux qui portent la responsabilité de leur deuxième sortie d’Égypte. Elle cite l’ouvrage du professeur Rashad al-Shami qui enseigne la littérature hébraïque à l’université Ein Shams : « La personnalité juive israélienne et l’esprit d’agression », où il démontre que cette personnalité a été formée par un sentiment d’infériorité.

 

C’est dans le préambule des Dix Commandements que al- Shami trouve la preuve de sa théorie en utilisant ce qu’il appelle les principes de la psychanalyse : « Je suis le Seigneur ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte et de l’esclavage » Exode 20 : 2 ; et plus tôt « J’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, j’ai entendu son cri devant ses oppresseurs, oui je connais ses angoisses. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens. » Exode 3 : 7-10.

 

En d’autres termes, les Juifs ont toujours été humiliés et persécutés, ce qui a formé leurs caractéristiques malveillantes.

 

Haine sans limite

 

Il existe un autre facteur, selon le professeur : les persécutions subies lors de l’exil de Babylone et plus tard les massacres perpétrés par les Romains. En conséquence, tout ce qu’il y avait de fort et de combattant chez les Juifs a été éliminé, ne laissant que la couardise qui a formé leur psyché : soumission, servilité, dépression les conduisant à se tourner vers le mensonge, la fraude et la ruse pour arriver à leurs fins.

 

Le distingué professeur en conclut que ce sont les Juifs eux-mêmes qui doivent être blâmés pour leur second exode d’Égypte. Alzini s’étonne de sa mère qui avait l’habitude de lui montrer sur une photo de classe « sa bonne camarade la juive Odette ». « Comment peut-on dire d’un Juif que c’est un ami ? C’est comme si on disait que l’hiver est chaud ou qu’on parlait d’un noble voleur. » On peut encore trouver une expression de cette haine sans limites dans un épisode d’août 2012. Iman Kandil, un acteur célèbre, avait été invité dans un studio de télévision pour ce qu’il croyait être une interview à la télévision allemande.

 

La charmante speakerine qui l’accueille lui annonce qu’il s’agit en fait de la télévision israélienne. C’est bien entendu faux, c’est un canular. Sans attendre l’explication, Kandil explose, projetant la jeune femme sur le mur en l’insultant violemment jusqu’à ce qu’il réalise qu’il s’agit d’une blague.

 

Il ne s’est pourtant pas excusé et fera porter la faute sur la jeune femme. Une scène semblable se déroulera avec une actrice qui se mettra à hurler « qu’Allah avait maudit les vers et les mites, comme il avait maudit les Juifs ».

 

Antisémitisme et haine d’Israël font désormais partie de la culture égyptienne, sans qu’il y ait de véritable différence entre laïcs et religieux. Malheureusement, compte tenu de la montée de l’islam tant dans les pays arabes qu’en Occident, on ne peut s’attendre à ce que la situation s’améliore – à moins, bien sûr, que l’Occident ne se décide enfin à voir ce qui se passe et à agir.