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Par Joël Kotek, Professeur à l'Université Libre de Bruxelles et enseignant à Sciences Po Paris, publié dans le Huffington Post le 9 février 2015
Dans sa conférence de presse sur la lutte contre le terrorisme et le radicalisme du 14 janvier dernier, Elio Di Rupo, l'ancien Premier ministre belge et désormais chef du PS, s'est fendu d'une déclaration pour le moins surréaliste: "Je suis Charlie, je suis juif, je suis Palestinien, etc."
Personnellement, je ne cesse de m'interroger sur le tropisme palestinien des socialistes belges. Tout préoccupé que l'on doit être au drame des Palestiniens (il est temps de reconnaître l'Etat palestinien), je reste abasourdi par l'identification des élites belges, socialistes en tête, à la cause palestinienne. Le moins qu'on puisse dire est que cette cause écrase toutes les autres: pas un jour, en effet, sans qu'une exposition, un débat, un article, une interview ne lui soit consacrés.
Comment expliquer cette dévotion quasi religieuse, donc suspecte, à la cause palestinienne? Tout simplement parce que depuis près de vingt ans, le PS belge est devenu l'otage d'une stratégie électoraliste visant à (se) garantir le vote musulman. Tout acquis à leur nouvelle base sociale, ses élus n'ont de cesse de plaire à un électorat jugé -à tort ou à raison- hostile aux Juifs (sionistes), comme d'ailleurs aux Arméniens. Cette vision pessimiste de la rue arabo-musulmane éclaire d'un jour nouveau ce que j'avais qualifié, dès 2005, d'antisionisme électoraliste, voire d'antisémitisme pragmatique. Elle explique en tout cas pourquoi il est de plus en plus difficile aujourd'hui d'évoquer le génocide des Arméniens, l'antisémitisme ou encore la Shoah... sans compensation symbolique. C'est bien ici que git l'explication du "Je suis Palestinien" d'Elio Di Rupo. Il applique tout simplement la règle compensatoire des "5 minutes sur la Shoah, 5 minutes pour la Palestine".
Ce réflexe désormais pavlovien n'est pas propre au PS: l'obsession du vote arabo-musulman hante tous les partis traditionnels. En soi, cette stratégie n'a rien d'antisémite, si ce n'est qu'elle rappelle furieusement la politique du moindre mal qui amena les autorités belges et françaises à sacrifier, en 1942, leurs Juifs à l'autel d'intérêts jugés supérieurs. Pour preuve, le fait qu'elle s'applique aussi à nos frères d'infortune: est-ce vraiment par hasard si 2015, l'année du 100e anniversaire du génocide des Arméniens et Araméens d'Anatolie, a été choisie pour accueillir Europalia Turquie? Si l'antisémitisme apparaît plutôt secondaire, il se trouvera toujours évidemment des agents zélés, prompts à jouer de la surenchère. Ainsi de l'ancien Ministre d'Etat, Philippe Moureaux, naguère Président de la Fédération socialiste bruxelloise, qui s'est recyclé, l'âge venant, dans les dérapages contrôlés, mais nauséeux.
C'est ainsi que ce champion toute catégorie de la démagogie électoraliste n'a pas hésité, le 14 janvier dernier, sur Maghreb TV-Bruxelles à présenter aux Belges d'origine marocaine le lobby sioniste comme le principal responsable de l'Islamophobie: "Il y aurait comme une contagion du problème israélo-palestinien qui fait que vous avez certains (sic) qui ont intérêt à exacerber les animosités, ici, comme une sorte de reflet de ce qui se passe là-bas. (...) Il est évident qu'en Occident, c'est surtout essayer de répandre la haine anti-arabe pour justifier la politique israélienne". Et de s'indigner ensuite de la politique des deux poids deux mesures à l'égard de Dieudonné. Le père de la loi antiraciste ne fait pas la différence entre Charlie Hebdo et Dieudonné, entre le droit au Blasphème et le délit raciste! Triste cacique… Lire l’intégralité.