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Publié le 15 novembre dans Les Inrocks
Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ? Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? Si vous nous empoisonnez, ne mourrons-nous pas? " Ces vers du Marchand de Venise, de William Shakespeare (acte III, scène 1), écrits en 1596, pourraient résumer les enseignements de ce documentaire. Et le premier d'entre eux est que l'appartenance à la confession juive, sans même parler d'une communauté juive, ne préserve nullement de la misère ou des accidents de la vie.
Une réalité sociale
Jews Got Money, réalisé en 2012 par Sasha Andreas, entend mettre la lumière sur un préjugé ayant la vie dure et répandu bien au-delà des cercles antisémites, jusque chez certains juifs eux-mêmes : les juifs auraient tous de l'argent et auraient tous
Au cours des 40 minutes que dure le documentaire, nous faisons la connaissance de membres éminents de la communauté juive new-yorkaise : Malcolm Hoenlein, PDG de la Confédération des présidents des principales organisations juives américaines, William Rapfogel, PDG du Conseil métropolitain de New York pour la pauvreté juive. Tous deux œuvrent pour que des organisations sociales viennent en aide aux plus démunis, juifs mais pas seulement. Au-delà d’une conception néolibérale de la société et du statut des personnes en son sein, les deux hommes mettent l’accent sur l’existence d’une part importante (20%) des juifs qui à New York vivent sous le seuil de pauvreté et sur la faible conscience qu’en ont les membres plus aisés de la communauté.
À New York, comme ailleurs, 1 juif sur 5 vit dans la pauvreté
D’autres, moins connus mais œuvrant pour cette communauté racontent ces vies difficiles dont ils sont les ultimes témoins. C'est le cas d'Amy Koplow, directrice exécutive de l’association pour l’enterrement hébraïque gratuit (Hebrew Free Burial Association) et Shmuel Plafber, rabbin membre de l’association, officiant à toutes les cérémonies. Les juifs qui, au moment de leur mort, ne peuvent s’offrir même un cercueil, et n’ont pas de proches qui pourraient y remédier, ont vécu dans la marginalité, vis-à-vis de leur famille, de leurs voisins, souvent appartenant à d’autres communautés, et même des autres juifs. Les plus aisés n’ont pas nécessairement conscience de leur existence et eux-mêmes restent discrets sur leur situation, en partie tant ils ont intégré l’idée qu’être juif signifie aussi être riche.
À ces quatre personnalités, sur les interviews desquelles repose le documentaire, s’ajoutent des visages anonymes, apparaissant dans un cadre au format réduit, comme plus lointain, témoignant de leur vie, leur misère et aussi de l’aide qu’ils reçoivent. Les uns sont vieux et faibles, les autres ont tout perdu à la suite d’une catastrophe. Plusieurs parcours sont mis à nu à l’écran, et toujours la même histoire se répète, celui d’un drame, social, familial, économique, politique même (de la Shoah à la chute de l’URSS). Ce que ce documentaire, par ces témoignages de personnes ordinaires, réussit le mieux, c’est de mettre le spectateur au contact de personnes qui pourraient vivre sur le même pallier, arpenter les mêmes rues.
Des individus face aux accidents de la vie
En se concentrant sur des portraits et récits de juifs ayant vécu ou vivant dans la pauvreté, aujourd’hui et hier, ce documentaire fait progressivement passer leur confession au second plan, loin des préjugés et représentations d’une communauté uniforme et aisée. Derrière un titre tapageur, Sasha Andreas dévoile la banalité de la vie de tous les jours des classes moyennes et pauvres de nos sociétés. En somme, la religion ne change rien à l'argent.réussi dans la société. Le film est consultable en ligne sur le site ReelHouse. À travers l'histoire de l'immigration juive à New York, le documentariste français montre, d'hier à aujourd'hui, à quel point cette assertion est fausse.