- English
- Français
Publié le 8 mars 2019 sur le site de i24news
Trente-cinq femmes auront occupé l'un des 120 sièges de la 20è assemblée de la Knesset (Parlement israélien) dont le mandat s'achèvera le 9 avril avec les prochaines élections législatives.
Cette représentation (29,2% de femmes parlementaires), le plus élevé depuis 1949, place l'Etat hébreu en 51e position pour le nombre de femmes députées, parmi 190 parlements recensés par l’Union interparlementaire, alors que l'égalité professionnelle est, vendredi, au coeur des revendications de la 42e Journée internationale pour les droits des femmes.
L'augmentation de la présence des femmes à la Knesset est liée à une évolution des systèmes politiques dans le monde enclenchée il y a 30 ans, grâce à des lois ou certaines mesures, comme les quotas, qui ont permis une progression de la représentation des femmes dans les parlements de diverses régions du monde depuis le début des années 90.
Mais en Israël, si certains partis politiques sont dirigés par des femmes, d'autres les placent en bas de leur liste, quand certains vont même jusqu’à bannir leur présence.
Une représentation déséquilibrée
"Il y a une distinction entre la représentation sociologique et politique", explique à i24NEWS la sociologue Sylvie Fogiel Bijaoui.
"La représentation sociologique est une chose importante parce que nous sommes en démocratie, et il faut des femmes à la Knesset", poursuit-elle.
"Mais le plus important, c'est la représentation politique, c'est à dire leur place et leur rôle", insiste-t-elle.
Or si le parti Meretz (gauche) est dirigé par Tamar Zandberg et respecte une quasi parité, au sein des formations ultra-orthodoxes Shas et le Judaïsme unifié de la Torah, les femmes n'ont pas le droit d'être représentées, et si elles peuvent voter, elles ne peuvent être élues.
Quant au parti centriste Bleu Blanc et au Likoud (droite) de Benyamin Netanyahou, tous deux en tête des sondages, ils ne présentent pas plus de sept femmes parmi les trente premiers candidats de leur liste respective.
Au Likoud, la première femme, Miri Regev, est placée en 6è position, tandis que chez Bleu Blanc, la première femme, Miki Haïmovitch n’occupe que la septième place.
"Les femmes sont absentes ou reléguées en fin de liste parce qu'il n'y a pas de loi sur la parité en Israël, comme il en existe en France. Or, c’est une loi qui a changé tout le paysage politique", indique la professeure Fogiel Bijaoui.
"Il y a des quotas au sein des partis tels que Meretz et le Parti travailliste notamment, mais pas dans tous les partis, ce qui explique l'absence ou le manque de femmes", ajoute-t-elle.
Un recul politique
Pourtant dès 1969, Golda Meïr, une femme fut nommée Premier ministre en Israël peu de temps après Indira Gandhi en Inde, qui fut la première au monde nommée à un tel un poste. Deux exceptions dans le monde à l’époque.
"En Israël, les femmes ont toujours joué un rôle en politique. Avant même la création de l'Etat, elles avaient le droit de vote, bien avant la France", rappelle l'essayiste Philippe Vélilla, auteur de l’ouvrage Israël et ses conflits.
"Il y a toujours eu des femmes dans les mouvements sionistes, les mouvements armés, et les femmes avaient des responsabilités", ajoute-t-il.
Mais l'augmentation constante du pourcentage de femmes au Parlement israélien ne s'est pas accompagnée d'une augmentation concomitante de leur représentation au gouvernement.
Selon l'Institut israélien pour la démocratie, il n’y a eu que 18 femmes ministres sur les 246 ministres qui ont siégé dans tous les gouvernement de l’histoire d’Israël (soit moins de 7%), et il n’y a jamais eu plus de quatre femmes ministres dans une même coalition.
Qui plus est, trois des quatre principaux ministères n'ont jamais été occupés par des femmes: les Finances, la Défense et l'Intérieur. Seul le bureau des Affaires étrangères a été occupé par Golda Meir, puis beaucoup plus tard, par Tzipi Livni.
Comparé aux autres démocraties, Israël se classe ainsi à la 74ème place sur 149 pays, en termes de parité au gouvernement, selon le Forum économique mondial.
"Il est important que les femmes parlementaires veillent à promouvoir les droits humains, le droit à la liberté et à l’autonomie. Or, la plupart des femmes de la dernière coalition n'ont rien fait de tout ça. Parce qu'au sein de ce gouvernement, il y avait des partis qui ne souhaitaient pas cette évolution", déplore la professeure Fogiel Bijaoui, faisant allusion notamment aux formations orthodoxes.
"Dans les années 90, des lois ont été promulguées en faveur des familles monoparentales, contre le harcèlement sexuel, ou la violence dans les familles. Rien de tout ça n'a été fait dernièrement, ni même une loi sur les quotas", regrette-t-elle.
Rupture avec les électeurs
Cependant, 52% des électeurs ont déclaré souhaiter une représentation féminine élevée dans le prochain Parlement, avec des candidates placées à de bonnes positions, a révélé un sondage mené par l'Institut israélien pour la démocratie, publié le mois dernier.
"Le public israélien a évolué. Ce sont les partis qui sont en retard sur la société israélienne", affirme M. Vélilla.
"La société civile en Israël est très vivante, et les femmes y sont très importantes", assure également la professeure Fogiel Bijaoui.
Selon elle, "il y a un porte-à-faux entre ce qu'il se passe au niveau du vécu, et la manière dont tout ça est récupéré par les élus politiques et ce qu'ils en font".
"Il y a des secteurs où les femmes travaillent. Elles sont cultivées mais elles n'ont pas le droit d'être élues, et les partis qui les représentent sont au pouvoir", dénonce-t-elle pointant à nouveau les ultra-orthodoxes.
Les deux experts s'accordent par ailleurs pour déplorer le retrait de trois "personnalités importantes" de la campagne électorale : des cheffes de partis qui ne passaient pas le seuil d'éligibilité selon tous les sondages, parmi lesquelles, Tzipi Livni, "qui a une expérience et une connaissance approfondie du dossier israélo-palestinien", mais aussi Orly Levy-Abekassis, présidente du Comité pour les droits des enfants depuis 2013.
Ils se réjouissent toutefois de l’émergence d’une personnalité comme Adina Bar Shalom, la fille du grand rabbin Ovadia Yossef, leader spirituel du parti Shas.
Elle représente "une véritable révolution dans la communauté ultra-orthodoxe", selon M. Velilla, et fait preuve "d'un grand courage", d'après la professeure Fogiel Bijaoui, puisqu'"elle a ouvert une académie à Jérusalem destinée aux femmes leur permettant d'obtenir des diplômes, et donc de meilleurs emplois, tandis que les rabbins rejettent l'éducation universitaire".
"Si la société civile s'affaiblit, il risque d'y avoir une véritable régression dans la vie politique", met en garde la professeure Fogiel Bijaoui.