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Publié le 4 avril dans Le Monde
Pour Christophe Castaner, la réunion ressemblerait presque à un bol d’air au milieu d’une actualité nationale qui est de semaine en semaine invariablement teintée de jaune. Le ministre de l’intérieur accueille, à partir du jeudi 4 avril, pour un séminaire de deux jours Place Beauvau, ses homologues des pays du G7 (Etats-Unis, Royaume-Uni, Italie, Allemagne, Canada, Japon, ainsi qu’un représentant de l’Union européenne). La France assure en effet pour un an la présidence de ce groupe de discussion habituellement davantage consacré aux questions économiques.
Après deux premières sessions, en Italie en 2017 et au Canada en 2018, Paris accueille donc la troisième grand-messe de ce genre. Aucune décision majeure n’est attendue, même si les participants devraient aboutir à une déclaration de principe sur les grands sujets évoqués : la lutte contre le terrorisme international tant sur le terrain que sur Internet, l’immigration avec l’accent mis sur le démantèlement des réseaux de passeurs, et enfin la criminalité environnementale (la déforestation illégale, les trafics de déchets, l’exploitation de la faune et de la flore…).
Les tables rondes seront entrecoupées de rencontres bilatérales, parmi lesquelles la plus attendue est certainement celle entre Christophe Castaner et Matteo Salvini, dans un contexte de tension entre les deux pays, qui avait abouti en février au rappel par la France de son ambassadeur à Rome, pour protester contre l’ingérence des dirigeants italiens dans la crise des « gilets jaunes ». Le ministre de l’intérieur devrait également rencontrer son homologue britannique, Sajid Javid, alors que la date du Brexit vient d’être repoussée et que ce dernier fait partie des noms qui circulent pour prendre la suite de Theresa May au poste de premier ministre.
Les discussions générales s’ouvriront, jeudi, sur un traditionnel tour d’horizon de « l’état de la menace » terroriste. Alors que l’organisation Etat islamique (EI) a officiellement perdu son dernier bastion, à Baghouz, le 23 mars, le djihadisme est toujours considéré, dans tous les pays du G7 (à l’exception peut-être du Japon) comme un risque élevé. La menace « endogène » en particulier est jugée préoccupante. Mais l’éparpillement des ex-combattants de l’EI, notamment vers la Turquie et le Maghreb, demeure un autre sujet d’inquiétude. Rien ne dit que cette dernière menace, dite « exogène », ne soit en effet capable, à court ou moyen terme, de fomenter à nouveau des attentats depuis l’étranger, comme ce fut le cas ces dernières années, redoutent les spécialistes.
Les ministres de l’intérieur devraient également évoquer la question du retour des combattants étrangers, qui fait moins consensus au sein du G7. Dans le cadre de la baisse de leurs effectifs militaires sur zone, les Etats-Unis plaident en effet officiellement pour un retour rapide des djihadistes. Le nombre de citoyens américains partis dans la zone irako-syrienne étant très peu nombreux, ils ont d’ailleurs, à ce titre, symboliquement rapatrié quelques-uns de leurs ex-combattants.
Du côté des pays européens, à l’inverse, il existe plutôt une entente pour gagner du temps sur ces retours et judiciariser autant que faire se peut les combattants – hommes ou femmes – en Syrie ou en Irak, quitte à jouer avec les limites de la situation humanitaire sur place. En raison de leur législation nationale, qui ne permet pas de judiciariser systématiquement les « revenants », le Royaume-Uni et l’Espagne plaident même pour la solution très hypothétique d’un tribunal pénal international.
La lutte contre les contenus terroristes ou haineux en ligne devrait également être au menu de ce G7, alors que l’attentat de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, qui a fait 50 morts dans la communauté musulmane du pays, a été retransmis en direct sur plusieurs sites pendant de longues minutes. Mais, là encore, il n’existe pas de consensus évident sur ce sujet devenu un serpent de mer de ces grandes réunions internationales.
Les Etats-Unis, où sont domiciliées la plupart des grandes plates-formes, plaident plutôt pour une approche « coopérative ». L’Europe, de son côté, tente péniblement depuis plusieurs mois de faire adopter au Parlement européen une proposition de règlement plus coercitive. Le retrait de ces contenus bute en réalité sur des questions techniques (la capacité des algorithmes à les reconnaître rapidement), des dimensions juridiques (le statut des plates-formes), et des questions plus philosophiques, liées à la liberté d’expression. Au ministère de l’intérieur, on juge cependant « intéressante » la proposition faite par le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, le 31 mars, de créer un « organisme indépendant » de régulation.