- English
- Français
Publié le 30 avril dans L'Obs
"Il n'y a pas d'endroit sûr au monde actuellement pour les juifs", a constaté le Français de 83 ans, dans une interview avec l'AFP.
Un jeune homme ne cachant pas ses convictions antisémites a ouvert le feu samedi matin dans une synagogue de la ville de Poway, près de San Diego, tuant une femme de 60 ans et faisant trois blessés, dont une enfant et le rabbin.
Le tireur, John Earnest, a été arrêté. Il aurait fait davantage de victimes si son fusil d'assaut ne s'était enrayé. Il y a six mois, une attaque similaire avait coûté la vie à onze personnes dans une synagogue de Pittsburgh, en Pennsylvanie.
"On est désolé de voir que des deux côtés de l'Atlantique il y a un renouveau d'attentats", a confié Serge Klarsfeld.
"La haine antijuive est toujours active"
L'octogénaire, qui a consacré son existence à lutter contre l'impunité des ex-nazis, s'exprimait aux côtés de sa célèbre épouse Beate, 80 ans, le couple se trouvant à Washington pour recevoir le Prix Elie Wiesel, la plus haute récompense décernée par le musée du mémorial de l'Holocauste des États-Unis.
M. Klarsfeld, né en Roumanie comme Elie Wiesel (décédé en 2016), a regretté comme d'autres Américains l'attitude parfois jugée ambiguë de Donald Trump vis-à-vis des extrémistes blancs aux Etats-Unis.
"Je n'ai pas entendu que le président Trump ait pris une position très forte contre l'extrême droite ici, alors qu'en France, en Allemagne ou ailleurs en Europe les réactions sont toujours très fortes de la part de ceux qui dirigent l'Etat".
"Ou il (M. Trump, NDLR) ne voit pas le danger, ou il considère que ce n'est pas un danger", a poursuivi M. Klarsfeld.
"Je pense que les juifs des Etats-Unis, qui lui sont très reconnaissants à juste titre pour ce qu'il a fait pour l'Etat juif, qui est l'Etat d'Israël, attendent de lui qu'il réagisse contre ceux qui menacent la bonne existence des juifs des Etats-Unis", a ajouté l'historien, en référence à la reconnaissance par le milliardaire républicain de Jérusalem comme capitale d'Israël.
Le très respecté quotidien New York Times s'est excusé samedi pour avoir publié une caricature représentant le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu en chien-guide, portant un collier avec une étoile de David, menant un Donald Trump aveugle coiffé d'une kippa.
Une caricature "insultante", selon M. Klarsfeld, aussi bien pour M. Trump que pour M. Netanyahu "traité comme un chien".
"C'est une caricature antisémite, c'est-à-dire que les juifs guident le monde et cela correspond à un préjugé ou un cliché très commun dans l'extrême droite, qu'on retrouve dans l'extrême gauche", a-t-il commenté.
Lui qui a oeuvré pendant des décennies pour la mémoire de la Shoah a enfin appelé à une mobilisation des électorats centristes aux prochaines élections européennes.
"On redoute qu'en France les partis pro-européens n'aient pas la majorité et en Europe que les partis pro-européens n'aient pas la majorité non plus, ou bien aient une majorité très réduite", a-t-il justifié.
"Jamais un régime d'extrême droite ou d'extrême gauche n'a rendu son peuple heureux et prospère. Inévitablement les extrêmes au pouvoir conduisent à la misère et aux barbelés".