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Publié le 26 mai sur France Culture
Ces derniers jours, les citoyens européens sont revenus aux urnes, avec souvent un vote eurosceptique, populiste ou d'extrême droite, mais sans vague d'ampleur, un effondrement des partis traditionnels, en particulier de la droite du PPE (même s'il reste le premier groupe au Parlement), et une forte poussée des écologistes, notamment en Allemagne et en France. Pour le géographe et diplomate Michel Foucher, invité sur France Culture pour la soirée électorale, "on voit bien que les partis avec des préoccupations transnationales, c'est-à-dire européennes, sont en train de s'installer dans le paysage."
Le Parlement européen estime que 51% des Européens sont allés voter, dans 27 pays, contre 42% il y a cinq ans. Un taux au plus haut depuis vingt ans et de quoi faire mentir le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui déplorait récemment dans le quotidien allemand Handelsblatt que les Européens aient collectivement "perdu leur libido".
Les Danois ont été les plus mobilisés, avec près de 60% et en Allemagne, la participation a bondi de 11 points par rapport à 2014 à 59%. Score en forte progression aussi en Espagne (autour de 35% contre 24 % en 2014), en Pologne (15% contre un peu plus de 7% précédemment) ou encore 17% en Hongrie contre 11,5% au dernier scrutin européen.
En France, on enregistre la plus forte participation à une élection européenne depuis 1994 (à 52,76% à l'époque). Avec 50,12% de participation, c'est une augmentation inédite d'environ 8 points par rapport à la précédente édition de 2014. Même si cette participation reste très loin de celle de la première désignation au suffrage universel des représentants français au Parlement européen en 1979, avec 60,7% de votants.
Le Rassemblement national arrive en tête en France, comme lors des précédentes européennes, avec 23,31% des suffrages, un score qui reste en deçà de celui de 2014 (24,9%). Objectif réussi pour le parti de Marine Le Pen : passer devant Emmanuel Macron à l'occasion d'un scrutin qui s'est transformé en un référendum pour ou contre la politique du chef de l'État. Deux ans après la présidentielle, la fille de Jean-Marie Le Pen emporte aussi son match retour contre le président de la République et se relance pour la prochaine présidentielle. Et ce alors que Les Républicains s'effondrent et enregistrent le pire résultat de l'histoire de la droite avec 8,4% des suffrages, et que La République en Marche résiste, avec 22,4% des voix.
En Hongrie, Viktor Orbán peut lui se satisfaire d'une victoire écrasante du parti souverainiste Fidesz, avec 52,14% des voix. Un résultat légèrement en hausse par rapport à 2014, le parti populaire démocrate-chrétien avait alors obtenu 51,48% des suffrages. La coalition démocratique arrive loin derrière en 2e position avec un score 16,26%. Les autres partis obtiennent tous moins de 10% des voix.
Autre satisfecit : l'homme fort de la politique italienne, Matteo Salvini, a encore renforcé son emprise sur le gouvernement populiste au pouvoir. Il n'a pas manqué de le montrer sur les réseaux sociaux. La Ligue (extrême droite) arrivant largement en tête avec 32,4% des voix, soit son meilleur résultat obtenu, et de loin, lors d'un scrutin national.
En Belgique, le vote européen était couplé avec celui concernant les députés régionaux. Et en Flandre, le parti d'extrême droite Vlaams Belang a enregistré la plus forte progression et pourrait devenir la deuxième force politique de la région belge la plus peuplée. En Suède, le parti des Démocrates de Suède enregistrent une forte hausse, passant de 9,67% en 2014 à 16,9% ce dimanche.
En Allemagne, l'Afd remplit ses objectifs avec environ 10% des voix quand le parti espagnol Vox gagne ses premiers eurodéputés grâce à 6 ,5% des voix.
En Autriche, en revanche, le parti d'extrême droite FPÖ subit le contrecoup du scandale de financement occulte qui l'a touché il y a quelques jours, en troisième position à 17,5%. Et aux Pays-Bas, le Forum pour la démocratie, parti europhobe nationaliste et anti-immigrés du juriste Thierry Baudet, aurait terminé loin de ses ambitions, avec 11% des voix juste devant les écologistes (11,5%). Alors que le parti des Vrais Finlandais progresse mais pas autant que les sondages l'anticipaient.
Malgré tous les efforts du ministre de l'Intérieur italien Matteo Salvini, ces partis devraient toutefois avoir bien du mal à s'allier à Bruxelles, en raison de leurs profonds différends au sujet de la Russie, du Rassemblement national ou de leurs politiques économiques et migratoires. La minorité de blocage du Parlement souhaitée par Marine Le Pen semble donc très peu probable. Le PiS polonais, qui a remporté les élections, a par exemple redit ces derniers jours qu'il ne siégerait jamais aux côtés du RN.
Sans oublier que le départ annoncé des Britanniques avec le Brexit devrait affaiblir le camp des nationalistes. Comme prévu, le Parti du Brexit de Nigel Farage, partisan d'une rupture sans concession avec Bruxelles, est d'ailleurs arrivé en tête des premiers résultats avec 31,6% des voix. Une nouvelle victoire des eurosceptiques qui renforce l'hypothèse d'une sortie de l'UE sans accord.
Le groupe parlementaire Europe des nations et liberté est désormais crédité de 55 sièges, contre 37 jusqu'à présent.
C'est un symbole et une surprise : les Verts sont devenus ce dimanche la deuxième force politique en Allemagne (20,9%), et premier parti chez les jeunes et les primo votants. Ils doublent leur score par rapport au précédent scrutin européen. L'alliance démocrate chrétienne et conservatrice CDU - CSU d'Angela Merkel arrive en tête mais avec le plus faible score de son histoire, toutes élections confondues (28,6%).
En France, la forte participation profite notamment aux écologistes avec 13,47% des voix pour la liste de Yannick Jadot. Avec selon lui "une vague verte européenne dont nous sommes les acteurs. Les Français nous ont envoyé un signal très clair. Ils veulent que l’écologie soit au cœur de notre vie, au cœur du jeu politique. Ce message est lancé dans toute l’Europe."
Ils deviennent la troisième force politique du pays et la première à gauche, grâce notamment aux jeunes. Sans revenir aux 16,28% de Daniel Cohn-Bendit en 2009. Pour Yves Bardon, d'Ipsos Sopra Steria, sur notre antenne :
Cela profite aux Verts parce que l'environnement est un enjeu extrêmement important pour les Français et les Européens. Nous voyons dans beaucoup de nos études monter les problématiques du réchauffement climatique, tous ces sujets profondément humains, qui interrogent les électeurs et auxquels ils attendaient peut-être une solution politique.
Autre symbole, à Bruxelles, pour beaucoup capitale de l'Europe, les écologistes font également une percée notable.
Très bonne position aussi, en progression, en Finlande, en particulier à Helsinki, ainsi qu'en Espagne ou au Portugal, avec bientôt, pour la première fois des eurodéputés écologistes portugais. Au Luxembourg, le parti écologiste arrive en 3e position avec 18,9% des suffrages.
Et la presse irlandaise avait déjà parlé de “vague verte” après les excellents résultats du Green Party raconte Courrier international. Les écologistes ont notamment obtenu 23% voix à Dublin, loin devant les deux partis traditionnels du pays.
Au Parlement, les écologistes passeraient de 52 sièges à 67 sièges. Mais sur notre antenne, le journaliste Gérard Courtois reste très dubitatif sur leur portée à venir au sein du Parlement :
Il y a tout simplement une question de rapport de forces. Ils vont avoir à peu après 10% des sièges et aucun des grands partis européens dominants n'est prêt à explorer sérieusement ce que voudrait dire un changement de modèle économique capable d'affronter la question climatique.
Le Parti populaire européen (PPE) et les sociaux-démocrates (S&D) restent les principales formations politiques du Parlement européen. Mais elles ne pourront à elles seules réunir un majorité et devront composer avec les écologistes et les libéraux (dont LRem) qui passent de 69 à 108 sièges.