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Illustration : La famille Zaoui en 1938 à Constantine. Crédits : © Archives privées Benjamin Stora
Publié le 21 juin dans France Culture
À PROPOS DE LA SÉRIE
Il est comme ces auteurs, artistes et autres cinéastes qu’on assigne, cantonne et enferme dans un unique domaine. A la seule évocation de son nom on sait de quoi il va s’agir. Il faut toujours qu’il soit là où on l’attend. Pas de surprise, pas d’effet. Si Benjamin Stora semble ne pas échapper à cette règle immuable, réduit à l’incarnation solitaire de l’Histoire algérienne, il tente d’échapper à cette force centrifuge qui voudrait nous faire croire qu’il n’est que ça, « l'historien de l'Algérie» le cher pays de son enfance juive bercée d’une insouciance en bleu, blanc, rouge. Un paradis perdu « une main devant, une main derrière » qu’il n’aurait jamais su quitter, faisant de lui, sa vie, son œuvre. Pourtant, aux antipodes des chantres de la « nostalgérie », il s’est bâti dans les « ismes » des révolutions du 20ème siècle. A la veille de mai 68, le petit Pied Noir de Constantine s’efface tandis que plane l’ombre de Marx et que vrombissent les fracas de l’éternelle lutte des classes.
(Pour écouter l'entretien) Elie Stora était vendeur de semoule tandis que Marthe Zaoui, elle, travaillait dans la bijouterie familiale. Une bijouterie d’artistes connus dans toute l’Algérie. Deux familles juives présentent sur cette terre depuis près de 2 000 ans, respectables et respectées dans lesquelles on parlait un peu le français mais surtout l’arabe tandis qu’on priait en hébreu au rythme du calendriers des fêtes religieuses.
"Lorsque les Français arrivent les Juifs vivent avec les Musulmans depuis 13 siècles donc il y a une forme de syncrétisme dans la pratique religieuse, dans la pratique culinaire et dans la langue généralisée de la langue arabe".
Et si depuis le décret Crémieux de 1870, les Juifs étaient devenus plus français que les Musulmans, chez les Stora-Zaoui on est toujours restés fidèles aux vielles amitiés et aux coutumes que les deux communautés n’ont cessé de partager. Une proximité sans doute étouffante pour les femmes dans cette société peu encline à la modernité et tournée vers les traditions.
"On croit que les Juifs d'Algérie sont tous devenus en même temps et instantanément français en une nuit en 1870. Et bien non, il y a des juifs d'Algérie qui avaient opté pour la citoyenneté, la nationalité française et c'est le cas de la famille Stora d'Alger (la famille de mon père) qui a opté très tôt pour la nationalité française avant le décret Crémieux par un sénatus-consulte en 1865".
Puis il y a eu Vichy et l’institutionnalisation de la haine des Juifs avec son lot de conséquences sur la communauté et la famille Stora-Zaoui qui se retrouve ruinée du jour au lendemain.
"L'antisémitisme des européens est très virulent dans les années 30-40 en Algérie. (...)
Heureusement qu'il y eu le débarquement anglo-américain de novembre 42 car ça se rapprochait quand même. Les Juifs d'Algérie avaient bien conscience que le coup n'était pas passé loin pour eux, surtout quand les récits ont commencé à arriver. Il y a avait cette grande peur d'avoir échappé à cette grande catastrophe, et c'est ce qui a expliqué aussi dans les années 45, 48, 50, qu'une fraction de la jeunesse juive de Constantine s'est dirigée vers le communisme et une autre fraction est allée vers le sionisme. L'immense majorité de la communauté juive telle que moi je l'ai vécu, était très attachée à la France mais ces deux options minoritaires existaient".
Puis la Libération. La douceur de vivre méditerranéenne très communautaire a repris ses droits jusqu’à la Toussaint Rouge qui marque le début d’un bouleversement qui va toucher toutes les familles de cette Algérie encore française et bientôt, toutes les familles de Métropole.
Pour en savoir plus : Benjamin Stora, voyage au bout de l’Algérie...
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