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Publié le 24 Juillet 2019
Crif - Iran : Haine d'Israël et menace d'apocalypse nucléaire (2/2)
Par Marc Knobel, Directeur des Etudes au Crif
Difficile d’imaginer aujourd’hui qu’il fut un temps lointain où Israël et l’Iran entretenaient des relations cordiales et privilégiées. Des milliers d’Israéliens vivaient d’ailleurs à Téhéran où ils étaient reçus à bras ouverts comme coopérants techniques ou militaires, vivant dans la douceur et le luxe, du fait de leur relation privilégiée avec le Shah. Mais, de son exil en France, l’ayatollah Ruhollah Khomeini, ne cessait de désigner ces deux principaux ennemis : les États-Unis, qu’il appelait le « grand Satan » et Israël, dénommé « le petit Satan ». Le dirigeant iranien se dressait en ardeur défenseur de la cause palestinienne et en premier ennemi d’Israël (au monde). Un pays qu’il disait vouloir voire « disparaître », afin de « libérer Jérusalem ».
L’objet de cet article n’est pas de dresser une géopolitique des relations entre Israël et l’Iran, mais d’observer des surenchères iraniennes et des appels à la destruction d’Israël.
Déjà en 1979...
Le 1er février 1979, un avion d’Air France ramène d’un exil de plus de 14 ans l’ayatollah Khomeiny, qui devient le premier guide de la République islamique d’Iran. Yasser Arafat, alors chef de l’Organisation de la libération de la Palestine (OLP) est le premier dirigeant étranger à se rendre à Téhéran, le 17 février. Il est accueilli par la foule aux cris de « mort à Israël ». A Téhéran, Arafat déclare qu'il se rend (comme) chez lui. Ce sont bien là des mots fleuris et chaleureux. C’est ainsi que pendant une dizaine d’années, Arafat développe et entretient d’excellentes relations avec toutes les principales forces, des marxistes aux islamistes, qui ont renversé le chah d’Iran. Parallèllement, l'Iran soutenait les mouvements terroristes radicaux, qui œuvraient contre Israël, par exemple. C’est ainsi qu’Arafat avait peut-être de bonnes raisons de croire que la victoire de la révolution iranienne était en quelque sorte, en partie la sienne (1). Cependant, les relations se distendent vite. Et, à la fin de l’année 1981, Arafat perd la faveur de Téhéran.
Les constantes et les invariants de la politique iranienne
Cependant il est des constantes de la vie politique iranienne, avec ou sans le soutien d’Arafat. Avançons donc dans le temps pour mesurer ce que les officiels iraniens disent, lorsqu’ils parlent d’Israël.
1) L’Iran va beaucoup plus loin que certains pays arabes, en soutenant notamment les mouvements terroristes radicaux qui œuvrent contre Israël, comme les groupes islamiques palestiniens du Hamas et du Jihad islamique dans la bande de Gaza également ou le Hezbollah libanais. A ces organisations terroristes, l'Iran fournit une aide politique et militaire, une logistique importante.
Les exemples et les documents sont nombreux, qui attestent de ces liens constants et importants. Nous nous contenterons ici de citer ces derniers développements :
De l’aveu même d’Yahya Sinwar, un dirigeant du Hamas dans un discours diffusé le 30 mai 2019 sur la chaîne Al-Aqsa (Hamas-Gaza) : « En 2014, nous avons frappé Tel-Aviv avec 170 missiles, y compris des missiles Fajr fournis par l’Iran. La plupart des missiles ont été fabriqués localement, mais également avec le soutien technique et financier de l’Iran. […] Si Allah le décrète, et si une guerre éclate avec cet occupant, (la ville de) Tel-Aviv sera écrasée par un nombre plus considérable de [missiles] qu’en 2014, de même que d’autres villes. […] Permettez-moi de le répéter : sans le soutien de l’Iran à la résistance en Palestine, nous n’aurions pas obtenu ces capacités. En effet, notre nation [arabe] nous a abandonnés. Notre nation nous a abandonnés dans nos heures difficiles, alors que l’Iran nous soutient avec des armes, des équipements et de l’expertise (2). »
Le 13 février 2019, le Guide suprême iranien Ali Khamenei publie un communiqué, lors du 40e anniversaire de la Révolution islamique. Le communiqué énonce les lignes directrices des objectifs à atteindre au cours des 40 prochaines années, période dénommée « la seconde phase de la Révolution islamique ». Il écrit : « Aujourd’hui, comme à l’aube de la révolution [en 1979], l’Iran doit relever des défis face à l’arrogance [l’Occident, dirigé par les Etats-Unis], mais avec une différence significative : si le défi d’alors vis-à-vis de l’Amérique était de couper la main des agents étrangers [en Iran], de fermer les ambassades du régime sioniste à Téhéran, ou d’exposer le nid d’espions [de l’Amérique, à savoir l’ambassade américaine à Téhéran], aujourd’hui le défi est de renforcer la puissante présence iranienne aux frontières du régime sioniste, de chasser l’influence illégitime de l’Amérique du Moyen-Orient, de consolider le soutien de la République islamique aux combattants palestiniens au cœur des territoires occupés [Israël], et de défendre le drapeau ondulant du Hezbollah et de la résistance [islamique] dans toute cette région (3). »
2) L’Iran et Israël se combattent depuis de longues années indirectement puisque Israël et le Hezbollah au Liban, s’affrontent. Or, le Hezbollah est soutenu directement par Téhéran, dont il reçoit les consignes et les ordres.
3) Plus récemment, Israël s'alarme de l'expansion iranienne dans la région et proclame qu'il ne permettra pas à la république islamique de se servir de la Syrie comme tête de pont contre lui.
4) Les appels à rayer Israël de la carte se sont multipliés, ces dernières années. Pour l’Iran, il faut supprimer purement et simplement l’Etat juif. Comme l’expliquait avec justesse, la chercheuse Thérèse Delpech, pour la première fois depuis la naissance de l’Etat d’Israël, un autre pays de la région aurait non seulement la volonté mais aussi la capacité de le toucher mortellement avec des moyens non-conventionnels. On doit convenir que c’est une situation qui peut difficilement être ignorée à Tel-Aviv, le danger étant existentiel (4).
5) Une fois Téhéran dotée de la bombe, les éléments les plus radicaux du pays seront renforcés. L’Iran sera de ce fait beaucoup plus agressif dans l’ensemble de la région avec les moyens de faire peser une menace permanente sur ses adversaires potentiels, dont Israël.
6) Enfin, Israël n’ignore nullement le risque que d’autres pays du Moyen-Orient suivent le même chemin et se dotent aussi de l’arme nucléaire, rendant ainsi le problème global de la sécurité régionale beaucoup plus volatile encore qu’aujourd’hui (5).
L’Iran veut « rayer Israël de la carte »
Examinons quelques faits.
A la fin de l’année 2005 et tout au long de l’année 2006, le président Ahmadinejad multiplie les déclarations provocatrices contre Israël, les appels à la destruction de ce pays.
-Dans une émission télévisée diffusée le 11 juillet 2006, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad avertit les pays occidentaux de ne pas accorder leur soutien à Israël, parce que « la colère des peuples musulmans ne s'arrêtera pas aux frontières de notre région. »
Voici un extrait de la déclaration de Mahmoud d'Ahmadinejad: « Aujourd'hui, il a été prouvé que les sionistes ne sont pas uniquement opposés à l'islam et aux musulmans. Ils sont contre l'humanité dans son ensemble. Ils seraient prêts à sacrifier les régimes occidentaux pour leurs propres (intérêts). Je l'ai dit à Téhéran et je le redis ici. Je le dis aux dirigeants de certains pays occidentaux : cessez d'appuyer ces êtres corrompus. Voyez comme la colère des peuples musulmans s'accumule. La colère des peuples musulmans pourrait bientôt exploser. Si ce jour arrive, les ondes de cette explosion ne s'arrêteront pas aux frontières de notre région. Elles atteindront assurément les forces corrompues qui soutiennent ce faux régime. »
-Le lendemain, après la décision des 5+1 (les 5 membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU plus l'Allemagne) du 12 juillet 2006 de référer le dossier nucléaire iranien au Conseil de sécurité, Mahmoud Ahmadinejad menace l'Europe en ces termes : « Si la nation iranienne et son gouvernement concluent que les pays occidentaux n'ont pas de bonnes intentions (quant à la résolution du problème nucléaire iranien), ils changeront de politique face aux propositions (de l'Occident à l'Iran - en échange de la cessation de l'enrichissement d'uranium) (…) Nul ne peut s'attendre à ce que des tensions qui existent depuis plusieurs années soient résolues en si peu de temps (…) L'exacerbation des tensions au (Moyen-Orient) se fera au dépens des Européens. La nation iranienne et son gouvernement sont suffisamment forts pour affronter les dommages que peuvent provoquer les tensions. »
Ahmadinejad prévient les pays soutenant Israël : « Ceux qui aident le régime (israélien) deviendront partenaires du génocide et des autres actions illégales commises dans les territoires occupés (…) Le régime sioniste a été créé par la répression et la terreur, et la poursuite de ses crimes ne fera qu'accélérer sa chute (6). »
-Le même mois, dans une conversation téléphonique avec le président syrien Bashar Al-Assad, le président iranien déclare : « Si le régime qui occupe Jérusalem commet le crime stupide d'attaquer la Syrie, cela équivaudra à une attaque contre tout le monde islamique. Ce régime devra (alors) faire face à une réaction encore plus dure (…) Les attaques insensées (d'Israël) révèlent la faiblesse extrême et l'impotence de ce faux régime, qui conduiront à sa proche destitution (7). »
-En février 2008, le président Mahmoud Ahmadinejad met en garde les pays qui soutiendraient les sanctions contre l'Iran et déclare : Israël est un « sale microbe noir (8) ». En avril 2008, Mohammad Reza Ashtiani qui est commandant dans l’armée iranienne avertit que « l'Iran éradiquera Israël s'il ose entreprendre une opération [militaire] contre le pays. »
-Mahmoud Ahmadinejad déclare lors d'un entretien avec son homologue sénégalais Abdoulaye Wade à Machhad, que l'espoir des alliés relatifs à la survie d'Israël s'amoindrit et que le compte à rebours vers la chute du régime de Tel-Aviv est commencé.
-En juin 2008, Ahmadinejad assure que « le germe de la corruption [Israël] sera effacé de la surface de le Terre (9). »
-En juin toujours, à l'approche de l'anniversaire des 60 ans de l'Etat d'Israël, le président iranien continue de tenir un discours violemment antisémite et paranoïaque, comparant Israël à un « poisson mort », à un « cadavre puant », et le qualifiant de « faux régime » qui, « du point de vue des nations de la région, n'existe pas ». Il affirme en outre « qu'Israël sera effacé de la carte du monde » et que « le jour viendra où les musulmans le déracineront (10) ». D'autres hauts responsables iraniens font écho aux déclarations d'Ahmadinejad. Notamment, le Guide suprême Ali Khamenei qui qualifie Israël de « faux régime imposé » à la région.
-En septembre 2008, Ahmadinejad déclare : « J'ai entendu (…) que l'idée de 'grand Israël' est morte. Je voudrais dire que l'idée de 'petit Israël' est morte aussi. La notion même d'Israël est morte (…) le peuple [palestinien], sur la défensive, doit résister, même si c'est contre des innocents qui ont été amenés sur la scène sans comprendre ce qui leur arrivait (11). »
-Dans une nouvelle diatribe enflammée, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad dit qu’Israël est un « germe de corruption » qui sera « bientôt supprimé ».
- Le 13 octobre 2010, Ahmadinejad commence sa visite au Liban par Beyrouth, où il reçoit un accueil triomphal orchestré par le Hezbollah. Lors d'un rassemblement dans la banlieue sud de la capitale, fief de la milice chiite, il déclare que « le régime sioniste va vers sa chute [...] face au front de la résistance au Liban, en Syrie, en Palestine, en Irak et ailleurs ».
Et plus près de nous encore, les déclarations assassinbes de l'Iran...
Remontons maintenant le temps et sans être exhaustif, citons ici quelques déclarations incendiaires de Mollahs et d’officiels iraniens qui promettent la destruction des principales villes d’Israël et du pays :
-En janvier 2018, le représentant du Guide suprême iranien Khamenei en Irak Mojtaba Hosseini : Israël, cette « tumeur cancéreuse », sera extirpée dans quelques années (12).
-Le 25 février 2018, le haut-responsable iranien Mohsen Rezai menace d’anéantir Tel-Aviv si Israël prend « la moindre mesure » contre l’Iran (13).
-En octobre 2018, le haut responsable iranien Hossein Amir-Abdollahian menace de « raser entièrement Tel-Aviv et Haïfa (14). »
- le 8 juin 2018, à l’occasion de l’Eid Al-Fitr, Ali Khamenei, le guide suprême déclare dans un discours devant des officiels du régime iranien et des ambassadeurs de pays musulmans en Iran : « Le problème du régime sioniste est qu’il est illégitime, et que c’est un régime qui repose sur un mensonge. Il sera certainement détruit par la réussite de Dieu et l’effort des peuples musulmans (15).
- D’autres appels à la destruction d’Israël de la part de Khamenei au cours des derniers mois comprenaient un tweet du 3 juin 2018 affirmant : « Notre position contre Israël est celle que nous avons toujours défendue. #Israel est une tumeur maligne cancéreuse dans la région de l’Asie occidentale qui doit être retirée et éradiquée : cela est possible et cela se produira. 7/31/91 #GreatReturnMarch (16). »
-En mai 2019, lors d’une conférence avec des étudiants, Ali Khamenei, le guide suprême déclare que les jeunes du pays seront témoins de « la mort des ennemis de l’humanité » : « Vous, la jeune génération, pouvez être sûr que vous serez témoin de la mort de l’humanité, c’est-à-dire de la dégénérescence de la civilisation américaine et de la mort d’Israël (17). »
-En juin 2019, l’officiel Hassan Rahimpour Azghadi déclare que les Iraniens, on soutenu le Hamas et le Djihad islamique et que dans 25 ans Israël ne sera plus (18).
- Le 5 juillet 2019, Mojtaba Zonnour, responsable iranien de la sécurité nationale et membre du Conseil suprême iranien de la révolution culturelle, déclare: « Si l’Amérique attaque, nous détruirons Israël en moins d’une demi-heure et coulerons le porte-avions américain (19). »
Conclusion provisoire
Les éléments de langage sont constants.
1) Les iraniens promettent de déclencher un feu nucléaire ou de raser des villes israéliennes. Cette régularité démontre s’il en est la constante dans l’intention de porter le fer contre Israël afin de vouloir le détruire.
2) Ces éléments de langage ont une autre signification. Ils sont distillés méthodiquement et très régulièrement afin de préparer psychologiquement la population iranienne à une guerre totale présentée comme inévitable contre Israël, en vue de sa destruction et de son élimination définitive.
3) Les éléments de langage font référence à la religion. « Allah » est imploré régulièrement pour détruire Israël. Cette destruction est présentée comme étant un vœu, un dessin ou un plan du même ordre, c’est-à-dire divin.
Pour toutes ces raisons et bien d’autres, il est indéniable que les menaces iraniennes sont une constante terrifiante et portent en elles la volonté d’engager peut-être un jour, un feu nucléaire contre l'Etat d'Israël.
Notes :
1) Voir à ce sujet Tony Badran, « Arafat and the Ayatollahs », Tabletmag, 16 janvier 2019.
4) Le 27 septembre 2012, s'exprimant devant l'Assemblée générale des Nations unies à New York, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu appelle les États membres à imposer à l’Iran une « ligne rouge clair » dans son programme nucléaire militaire, sous peine d'une intervention militaire. Il estime que Téhéran disposera de l'uranium enrichi nécessaire à la production d'une première bombe atomique dans six à neuf mois. Israël exerce à ce sujet une forte pression sur son allié américain.
5) Thérèse Delpech, L’Iran, la bombe et la démission des nations, CERI, autrement, 2006, p. 80.
6) En juillet 2005, une garnison militaire était ouverte en Iran pour recruter et entraîner des volontaires pour des « opérations martyres » selon le commandant de la garnison, Mohammad-Reza Djafari. « Un des buts de notre organisation et de repérer les individus qui recherchent le martyre dans la société et ensuite de les recruter et de les organiser, afin que, si Dieu le veut, au bon moment lorsque le commandant-en-chef des forces armées du pays [l’ayatollah Khamenei] en donnera l’ordre, ils pourront entrer en scène et exécuter leurs missions », ajoute Djafari. « L’imam [Khomeiny] disait il y a des années qu’il faut effacer Israël de la face de la terre, mais jusqu’à présent des mesures pratiques n’ont pas été prises pour le mettre en œuvre », a estimé ce commandant. « Notre garnison doit repérer, recruter, organiser et entraîner des personnes qui recherchent le martyre à être capable de matérialiser cet objectif. Tout délai dans l’accomplissement de la stratégie de l’imam et du guide suprême dans ce domaine ne sera pas à l’avantage de l’islam ou de la révolution. » « Les Etats-Unis devrait savoir que nous avons des armes nucléaires, mais elles sont dans le cœur de nos poseurs de bombes », ajoute Djafari.
7) IRNA, 13 juillet 2006.
8) Idem.
10) IRINN, Iran, 2 juin 2008.
12) http://memri.fr/2018/01/31/le-
16) Cité par Infos-Israël. News, 23 mai 2019.