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Publié le 5 mai dans Le Parisien
« J’avais hâte de la retrouver. J’ai des souvenirs heureux, pas toujours joyeux », confie Albert Pesses. Dimanche après-midi, tranquillement assis devant la villa La Forêt, cet homme de 85 ans assiste à la cérémonie de dévoilement d’une plaque commémorative sur un mur de cette maison.
La demeure sise avenue Thiers, à Fontainebleau, a accueilli plus de 50 enfants, âgés de moins de 12 ans, tous rescapés de la Shoah. Également dénommée la Casa Mexico, en raison d’aides venues du Mexique, elle a été
« C’est très émouvant. Regardez, avec ce balcon, on se prenait pour des princesses », se souvient Eva Rotgold, excitée au côté de son amie Rosette Lederman. « Qu’est-ce qu’on a couru là-dedans. On allait directement en forêt, complète cette dernière. Et j’avais tout le temps des poux ! »
Les enfants, la plupart orphelins, qui ont vécu cachés durant la Seconde Guerre mondiale, trouvent ici un refuge, le temps de retrouver de la famille, si possible. « À l’époque, on ne se rendait pas compte. Je suis arrivé à 4-5 ans », se remémore Madeleine Velbart.gérée par l’association Œuvre de secours aux enfants (OSE), de 1945 à 1959.
Elle tient fermement la main de Marguerite Uzan, une amie rencontrée dans cette magnifique villa au style art déco. « C’est ma maison, c’est la famille », laisse tomber Marguerite, émue.
« Quand j’ai eu mon premier enfant, j’ai compris ce que l’on avait traversé », confesse Madeleine, le regard au loin. Ses parents ont été déportés au camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz.
« Surtout, les fratries n’étaient pas séparées. C’était super important », ajoute Jacques Jeger. Son frère le suit d’ailleurs de près.
« C’était une maison tranquille. On était beaucoup d’enfants, tous jeunes, ajoute Albert, qui y est restée deux ans. Je n’étais jamais revenu, même si j’ai revu des anciens. J’ai du mal à regarder derrière moi. » Il a pourtant réussi à le faire en écrivant un bouleversant poème sur l’étoile jaune qu’il a lu lui-même ce dimanche.
« Ce lieu est essentiel, il y a une histoire forte. Dans cette maison, des enfants rescapés ont appris à se construire avec ce manque », décrit Haïm Korsia, le grand rabbin de France, présent à la pose de la plaque commémorative, ce dimanche.
Dans les années 1930, la bourgeoisie parisienne venait profiter de la cuisine casher et des bienfaits de la forêt dans cette propriété. Elle fut ensuite vendue, puis réquisitionnée par les autorités allemandes, en 1941, pour y loger des officiers.
À la fin de la guerre, la villa est louée à l’association OSE et accueille plusieurs dizaines d’enfants et adolescents rescapés de la Shoah. « Cette plaque entretient désormais le souvenir de ce qui fut une réussite collective extraordinaire : le sauvetage, puis le retour à la vie et la résilience de toute une génération d’enfants martyrisés », s’est réjoui Jean-Jacques Guthmann, le président d’OSE.
Les derniers enfants en sont partis il y a une soixantaine d’années. Aujourd’hui, les lieux appartiennent au bailleur social Val du Loing Habitat. Une vingtaine de familles y habitent.
Son président, Claude Jamet, le maire (DVG) de Bagneaux-sur-Loing, a d’ailleurs rappelé ce proverbe : « Dans une maison pleine d’enfants, le diable n’entre pas ».