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Nous sommes en juin 1940. Les hordes allemandes déferlent sur la France. Comme de nombreux Français effrayés, Yvonne Dockès, vingt ans, quitte précipitamment sa ville de Remiremont, dans les Vosges pour rejoindre Nîmes, dans le Sud du pays encore préservé. La voiture d’Yvonne et de ses parents, Armand et Juliette est suivie de près par celle de ses cousins. Toute la famille est amenée à faire une halte de quelques mois dans un bourg de montagne, Saugues. Anny Bloch, qui n’est autre que la fille d’Yvonne et la petite fille d’Armand et de Juliette, après une enquête minutieuse auprès des siens et des familles chrétiennes qui, malgré l’antisémitisme alors endémique, les avaient chaleureusement accueillis, nous conte leurs années d’exode.
La seconde partie de l’ouvrage, elle, nous entraîne vers les délices de la cuisine d’Alsace-Lorraine. La découverte d’un vieux cahier sur lequel Yvonne, avec patience et précision, a noté les recettes de plats alsaciens et lorrains, juifs et non-juifs, de sa création ou de celles de ses amies et voisines, conduit l’auteur, socio-anthropologue, à retranscrire les précieuses recettes d’un temps aujourd’hui disparu. Sucré comme salé, viandes et poissons. Cuisine traditionnelle et cuisine de temps de guerre, donc de pénurie. Un véritable festival. Les recettes, étonnamment, sont classées non pas par genre, mais par ordre alphabétique.
Voici, bien entendu, la carpe à la juive et la choucroute alsacienne, mais aussi, parmi bien d’autres, la dinde aux marrons, le gâteau au fromage et le gâteau hongrois au miel. Et encore le kugel aux pommes de Nèche, la langue de génisse, le matzeknepflich, soupe de boulettes au pain azyme et la quiche au fromage, la salade de harengs.
Anny Bloch met avec conviction l’accent sur « la valeur symbolique de la transmission ». Un proverbe ne dit-il pas : « Dis-moi ce que tu manges, je te dirais qui tu es. » ?
De nombreuses photographies et des reproductions de documents agrémentent cet ouvrage très sympathique.
Jean-Pierre Allali
(*) Introduction de Serge Klarsfeld. Éditions Michel Houdiard. Janvier 2017. 144 pages. 20 €