Jean-Pierre Allali
Haut fonctionnaire, l’auteur, dans cet ouvrage bien documenté, effectue une véritable plongée dans le monde musulman de France. Au bout d’une enquête de plusieurs années, son constat est sans appel : « Il est quelque chose de pathétique dans la présente situation de l’islam de France. » « Car impasse il y a » et, dès lors, « L’heure est bien à l’urgence ».
Didier Leschi, au fil des pages, décline les misères de l’islam sous tous ses aspects qui sont autant de titres de chapitres : « Misère de l’exception française », « Misère du monde musulman », « Miserere pour l’intellectuel musulman », « Misère du nom musulman », « Misère de l’envoilement », « Misère et soleil noir », « Misère de la « réforme », « Misère des responsables cultuels », « Misère de l’islamophobie », « Misère du « post-colonial », « Misère du mimétique », « Misère des mosquées, « Misère des imams », « Misère de l’islam consulaire ». Nous vivons une époque, constate l’auteur, où la terre d’islam est devenue le lieu du dernier génocide contemporain. « Et là où flotte le drapeau de l’islamisme, il n’y a plus, triste consolation, que l’Iran chiite des mollahs, où, sans se cacher, un Juif puisse prier dans une synagogue, un Chrétien dans une église, au nom d’une liberté angoissante à force d’être irréelle ».
Il n’y a pas le choix et l’enjeu, de nos jours, est « de faire en sorte que la dynamique du pire qui se déroule au nom du Coran n’emporte pas tout sur son passage. Problème : « un tel programme n’a pas encore trouvé ses intellectuels, ses militants, ses révolutionnaires, les femmes et les hommes qui seraient capables de relever ce défi » Pour structurer de manière raisonnable et dans l’esprit de la République, l’auteur note que « le modèle envié est celui du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France, le CRIF, acteur politique qui s’ancre dans une réalité qui le dépasse »
Le hic, cependant, note Didier Leschi, c’est que « s’il y a un peuple juif, il n’y a pas de peuple musulman »
Face aux actes terribles commis depuis des années au nom de l’islam, les responsables français du culte musulman, ont, pour la plus grande part d’entre eux, opté pour une attitude de dénégation, avec un leitmotiv : « Tout ceci n’a rien à voir avec l’islam ». Dès lors, encouragés par ce relativisme, rares sont les responsables musulmans qui s’interrogent sur les rapports entre islam et islamisme.
Quand au concept d’islamophobie, utilisé à tout va, « s’il est un mot piège, c’est celui-là ». Et s’il est vrai que la haine de l’islam peut se traduire par un véritable racisme, il convient de rappeler que la critique des religions fait partie des attitudes licites des sociétés démocratiques.
Dans ce livre sans compromissions, qui explore toutes les facettes de l’islam de France, une volée de bois vert est administrée aux « Indigènes de la République » de Houria Bouteldja. Cette dernière, « Montant une à une toutes les marches de la pensée des anti-Lumières, après le refus de la liberté des femmes, la stigmatisation violente de l’homosexualité », en vient à aborder la « question juive », fustigeant le « blanc » Jean-Paul Sartre, qui a défendu les Juifs, valets criminels des Blancs. Pour Didier Leschi, Houria Bouteldja, qui a choisi comme « terre d’asile » l’antisionisme, affirme que la destruction d’Israël « avec l’aide de Dieu » serait un événement libérateur.
L’un des chapitres les plus intéressants et les plus significatifs est celui consacré à la concurrence mémorielle, dite « rivalité mimétique » et à la vision de ceux qui voudraient nous faire accroire que les Musulmans d’aujourd’hui subissent un sort comparable à ce que les Juifs ont connu avec la Shoah. Comparaison n’est pas raison, nous dit Didier Leschi pour lequel une telle entreprise est une faute intellectuelle : « Que l’on puisse lire que le Musulman est aujourd’hui l’autre, comme l’autre était le Juif que l’on s’apprêtait naguère à déporter et gazer en vue de parachever le génocide, ne peut-il susciter qu’un profond malaise ».
Dans un autre domaine, l’auteur s’offusque de voir les portraits de Marwan Bargouti ou Georges Ibrahim Abdallah affichés au fronton de certaines mairies et se demande pourquoi on ne fait pas de même avec des personnages juifs comme Henri Krasucki. Didier Leschi pousse le bouchon un peu loin en imaginant un collège Ilan Halévy, du nom de l’ami juif de Yasser Arafat.
En 2016, la France compte environ 3000 mosquées et salles de prière qui demeurent, pournombre d’entre elles, sous l’emprise de certains États comme l’Algérie, le Maroc et la Turquie. Et si l’islam des caves a disparu, la qualité des imams demeure problématique : « Á de rares exceptions près, les imams ont une formations qui laisse à désirer. »
Rappelant le Grand Sanhédrin organisé par Napoléon de 1806 à 1807 pour faire émerger les intentions de la communauté juive de France vis-à- vis du pays et son degré de patriotisme, Didier Leschi, qui n’hésite pas à reproduire les douze questions alors posées au judaïsme, souhaite qu’un tel questionnaire, avec des aménagements, certes, soit soumis aux instances musulmanes.
Le philosophe radical slovène, Slavoj Zizek, affirmait récemment : « Plus vous tolérez l’islam, plus forte sera la pression qu’il fera peser sur vous. » Didier Leschi veut s’inscrire en faux contre cette vision pessimiste et espérer l’émergence, en France, d’un islam des Lumières. « Jusqu’au jour où émergera le Bernanos musulman, le Musulman universel qui manque au présent. »
Oubliant les écarts fâcheux de l’ecclésiastique, l’auteur en rajoute : « Il manque à l’islam de France un abbé Pierre. » Ce livre s’avère être une véritable bombe ! Mais une bombe salutaire. Á découvrir absolument.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions du Cerf. Janvier 2017. 176 pages. 14 €