L’historien spécialiste del' Algérie, qui préside le Musée de l’histoire de l’immigration, participera à la prochaine Convention du Crif, le 4 décembre 2016 à Paris. Il interviendra lors de la table ronde intitulée "Qui a peur de l’immigration ?".
Entretien par Jean-Christophe Ploquin, publié dans la Croix le 11 novembre 2016
Lutter contre l’enfermement des idées
Président du Musée de l’histoire de l’immigration, à Paris, Benjamin Stora chercher à jeter des ponts entre des histoires qui furent conflictuelles. À rapprocher les mémoires.
« De 1983 à 2013, j’ai enseigné presque sans discontinuité dans des facs de banlieue », raconte-t-il. « Ce que j’ai voulu absolument transmettre, c’était l’histoire de ces gens qui étaient venus en France dans les années trente, cinquante, soixante ; qui pour certains avaient fait la guerre ; et qui ne se contentaient pas d’un seul monde. Ils recherchaient la modernité et l’égalité tout en restant fidèles à leurs traditions, sans verser dans l’intégrisme. Tout mon projet, pendant toutes ces années, a été de faire en sorte que le récit historique ne conduise pas mes étudiants, souvent des enfants et petits-enfants d’immigrés, à un enfermement. Mais qu’ils puissent entrer en interaction avec la République et avec une histoire de la France qu’il faut sans cesse enrichir, reconstruire, adapter aux nécessités du moment. »
Pour une relation forte et apaisée entre la France et l’Algérie
L’historien du temps présent s’est engagé pour éviter le choc des mémoires, celles des harkis, des pieds-noirs, des soldats engagés, des appelés, des indépendantistes. « J’ai essayé de faire en sorte que l’on puisse respecter tous les morts, ajoute-t-il. C’est la séparation des mémoires qui crée la communautarisation. Quand les mémoires se figent, elles entrent en conflit. C’est un enjeu crucial qui concerne des millions de personnes. »
Benjamin Stora soutient que l’histoire, la géopolitique, la culture, et l’économie plaident pour une relation forte et apaisée entre la France et l’Algérie, ces deux grands voisins de la Méditerranée. Il invite à considérer l’islam comme un des chaînons structurants d’une identité en perpétuelle évolution. « La religion est pour beaucoup constitutive d’une identité personnelle, familiale et historique. Ce n’est pas une pathologie ! », s’exclame cet ancien militant d’extrême gauche. « Les grandes religions monothéistes ne se limitent pas à l’observation de rites religieux. Ce sont aussi des civilisations, des façons d’être et de vivre »...
Lire l'intégralité.