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De manière claire et argumentée, Gilles Bernheim, dans un essai adressé à tous les acteurs du projet de loi sur le mariage pour tous et l’adoption pour des couples homosexuels, a détaillé les raisons de son opposition. Un texte largement repris et commenté et qui restera un référent de premier plan dans le débat.
Le Grand Rabbin de France y démontre de manière universaliste, bien que se référant aux sources bibliques, que les principes souvent invoqués d’égalité, d’amour, de protection ou de droit à l’enfant ne peuvent, à eux seuls, justifier une loi. Alors qu’ « un grand nombre de nos concitoyens ne perçoivent dans la revendication du mariage homosexuel qu’une étape supplémentaire de la lutte démocratique contre l’injustice et les discriminations, dans la continuité de celle engagée contre le racisme […] je pense, au contraire, qu’il est de la plus haute importance d’expliciter les véritables enjeux de la négation de la différence sexuelle ».
Que dit le grand rabbin de France ? Déjà, il recadre le débat et sans langue de bois pour un représentant du judaïsme français, rappelle que l’enjeu n’est pas l’homosexualité : « Je condamne et combats avec force les agressions dont sont victimes les personnes homosexuelles, au même titre que je condamne et combats avec force les actes et les propos antisémites ». Par cela également, il contrecarre intelligemment tout procès d’intention d’obscurantisme qu’auraient pu lui faire les opposants aux religions.
Après avoir rappelé ce qui devrait apparaître comme des évidences que l’expression même de « mariage pour tous » est branlante d’un point de vue éthique, Gilles Bernheim insiste sur le fait que l’enfant ne peut être réduit à la place d’un objet qu’on commande et marchande selon ses envies. Par ailleurs, le grand rabbin insiste sur l’importance que pourrait avoir pour les générations à venir un brouillage de la filiation matérialisée par des unions d’un nouveau genre. Il critique, selon le mode dialectique, la « théorie des genres », très à la mode outre-Atlantique notamment, selon laquelle l’identité sexuelle ne serait pas une donnée biologique, mais une construction sociale, aboutissant à la « Queer theory » niant toute différence sexuelle.
Enfin, se référant aux Sources, le philosophe explicite la vision biblique et néanmoins universelle de la complémentarité homme-femme qui « est un principe structurant dans le judaïsme, dans d’autres religions, dans des courants de pensée non religieux, dans l’organisation de la société ainsi que dans l’opinion d’une très large majorité de la population ».
La conclusion est translucide selon le grand rabbin : « Il n’y aurait ni courage, ni gloire à voter une loi en usant davantage de slogans que d’arguments, en se conformant à la bien-pensance dominante par crainte d’anathèmes et en contre-attaquant in extremis par une question du type : « s’il n’y a aucune raison de faire une loi, en quoi est-ce que cela dérange qu’il y en ait une ? ». Ce qui me dérange, c’est le refus du questionnement, le refus de sortir de ses évidences. Ce qui pose problème dans la loi envisagée, c’est le préjudice qu’elle causerait à l’ensemble de notre société au seul profit d’une infime minorité ».
Simplement limpide.
Article publié dans l’édition d’Actualité Juive n° 1231 du jeudi 15 novembre 2012