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Publié le 12 Novembre 2012

L'antisémitisme nazi et le monde arabe

Cet ouvrage décortique le travail de propagande que les experts des services de Goebbels ont accompli pendant la Seconde Guerre mondiale à destination des musulmans et des Arabes du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Ce travail est signé par Jeffrey Herf, qui enseigne l'histoire contemporaine à l'université du Maryland et un spécialiste de l'histoire intellectuelle et politique de l'Europe.

Berlin n'est pas économe de ses efforts pour que sa rhétorique porte dans ces régions du monde. L'Allemagne s'appuie à la fois sur des tracts, mais aussi la radio à ondes courtes puisque les services de la propagande du Reich diffusent des émissions en arabe. L'auteur éclaire sur cette pratique et il apporte beaucoup dans la mesure où les recherches menées jusqu'ici étaient centrées sur l'Europe. Herf utilise des archives inexploitées et analyse comment les thèmes de propagande généraux sont adaptés pour ne pas choquer les traditions religieuses locales et emporter l'adhésion des populations touchées par le discours nazi. Il y a des convergences qui apparaissent alors entre l'antisémitisme radical du Reich et celui véhiculé par certaines traditions de l'islam. Berlin réussit à mettre en place un filtre qui sied en particulier aux exilés arabes dont certains deviennent pronazis.

 

Une doctrine au format

 

En effet, les nazis vont former en Allemagne plusieurs de ces exilés pour les convaincre de la théorie du complot antisémite du XXe siècle et les initier aux moyens de l'appliquer aux événements du Moyen-Orient. Hitler se rend compte alors qu'une tradition extraeuropéenne peut encourager l'antisémitisme radical. Cette rencontre et les formations qui sont délivrées font qu'en Palestine, en Irak, au Levant, il y a le moyen de développer une propagande qui convient bien à Berlin. « La lecture sélective du Coran et la focalisation sur les courants antijuifs au sein de l'islam, mêlées aux dénonciations nazies de l'impérialisme occidental et du communisme soviétique offrent à la propagande nazie ses points d'accès aux Arabes en Afrique du Nord, en Egypte, en Palestine, en Syrie, au Liban, mais aussi en Irak et aux musulmans du Moyen-Orient en général », résume l'auteur.

 

Herf évoque un « djihad made in Allemagne » qui est un appel aux Arabes à se révolter à la fois contre le colonialisme de la Grande-Bretagne et celui de la France. Les nazis avaient même prévu de mettre en place une organisation paramilitaire pour appliquer la Solution finale outre-Méditerranée, mais leur échec à El Alamein en octobre 1942 les a contraints à renoncer. On peut ainsi comprendre pourquoi des nazis fuyant le Reich défait pour éviter d'être traduits en justice ont trouvé un refuge provisoire ou définitif dans ces pays qui avaient été travaillés par certains de leurs experts. Une étude neuve qui illustre la volonté de Berlin de diversifier les complicités pour mieux dominer le monde.

 

Jeffrey Herf, « Hitler, la propagande et le monde arabe », Calman-Lévy, 400 p., 24,50 euros.