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Le mécontentement des Chrétiens syriens est proportionnel à la complaisance de l’Église et à sa complicité avec le dictateur. De plus en plus de Chrétiens s’engagent dans la révolution, notamment dans les régions d’Idleb, d’Alep et de Homs, sans compter ceux de Damas dont le principal quartier, Bab Touma, a été frappé dimanche par une voiture piégée attribuée au régime, en guise d’avertissement et de punition. Bachar Al-Assad n’a pas supporté que les appelés chrétiens refusent de rejoindre son armée, après avoir refusé de former des milices armées d’autodéfense. Aujourd’hui, des activistes annoncent la création de la Brigade Jésus Christ, dans la province de Rif Damas ouest, et l’intégration du commandement unifié de l’Armée syrienne libre. Ils promettent de lutter jusqu’au renversement de la dictature et l’instauration d’un État de droit qui respecte tous les citoyens à pied d’égalité, sans aucune distinction confessionnelle ou ethnique.
Les Chrétiens syriens avaient salué le geste du Pape Benoît XVI à leur égard, le jour où il a annoncé, depuis Beyrouth, son soutien au printemps arabe et fait part de son admiration devant le courage des jeunes syriens. Ils espéraient surtout que le Vatican intervienne pour mettre un terme aux égarements, à la complicité et à la complaisance du Patriarche maronite Béchara Raï avec le « Tueur en Syrie ». Peine perdue. Benoît XVI vient de promouvoir Raï et de le nommer Cardinal.
Les plus optimistes n’excluent pas que cette promotion soit le début d’un processus de changement à la tête de l’Église maronite. Ils espèrent en effet que le nouveau Cardinal Raï, qui sera confirmé dans son nouveau statut le 24 novembre prochain, soit rappelé à Rome pour y siéger parmi les Cardinaux. Mais en réalité, rien n’oblige le Patriarche à abandonner ses fonctions à Bkerké. Le Patriarche Nasrallah Sfeir a déjà cumulé les deux fonctions. Seul le Cardinal Khoreiche s’était vu mis à l’écart par le Vatican, à la fin de son règne (1985-1986), en nommant un Vicaire pour l’assister, mais surtout pour le surveiller. On ignore pour l’instant les circonstances et les conditions de la promotion de Raï, qui, depuis son élection à la tête de l’Église, le 15 mars 2011, n’a fait que cumuler les erreurs d’appréciation et de communication.
En effet, les Chrétiens syriens s’interrogent ironiquement si le Pape a récompensé Raï pour ses erreurs, ou s’il s’apprête à le retirer du front en le rappelant à Rome ? De fait, ils rappellent que son règne a l’âge de la révolution syrienne, et espèrent que son retrait sonnera celui de Bachar Al-Assad.
Interrogée à Rome, une source proche du dossier des Églises d’Orient au Vatican, nuance et souligne que « le Saint-Siège évalue positivement la trajectoire du Patriarche », lui reconnaissant une « amélioration de sa communication », plus particulièrement dans le dossier syrien. « Il a pris ses distances dans le sens où, au lieu de défendre Assad, il dénonce l’usage de la violence par tous les belligérants », ajoute notre source. Elle explique également que le Patriarche a réussi à renouer le dialogue inter-religieux au Liban, et a relancé le dialogue inter-chrétiens, bien que ce dialogue n’ait rien donné pour le moment. Toutefois, une source ecclésiastique au Liban confirme en privé que le Patriarche Raï et l’évêque Samir Mazloum s’emploient à soutenir une dissidence dans le camp chrétien souverainiste, au profit des alliés de Damas. Notre interlocuteur s’étonne comment « le Vatican a pu cautionner cette politique d’émiettement ».