Editorial du président
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Publié le 13 Mars 2013

Urgence à Caracas

 

J'ai passé bien des nuits, pendant mon externat, puis mon internat, dans des urgences hospitalières, et quelques-unes d'entre elles hors de France. Jamais je n'oublierai celle que j'ai passée à Caracas il y a quarante ans. J'avais vu, au Brésil par exemple, ce que signifiait la notion de médecine de classe, et j'étais fier qu'elle ne s'appliquât pas en France. Mais jamais je n'ai ressenti un tel mépris pour le malade pauvre que dans cet hôpital des quartiers éloignés de la capitale vénézuélienne. C'est pourquoi je comprends que l'on puisse avoir des sentiments de reconnaissance pour Chavez, qui a transformé la structure sociale du pays et réduit les inégalités, absolument majeures, de façon drastique.

 

Là s'arrête mon admiration: distribuer les revenus de la tire-lire extraordinaire qu'est la rente pétrolière vénézuélienne de façon à améliorer la vie des  plus déshérités est une chose. Développer l'économie  vers des activités à valeur ajoutée en est une autre: là-dessus, tous les économistes en conviennent, Chavez a totalement échoué. L'une des conséquences est que le Vénézuéla est aujourd'hui un des pays du monde où l'insécurité est la plus élevée.

 

Les revenus de la rente pétrolière ont aussi permis à Chavez d'aider des amis idéologiques, comme Cuba, qu'il a partiellement sorti du marasme total, et d'acquérir ainsi une stature internationale d'opposant à l'impérialisme américain. On ne reprendra pas la liste accablante de ceux qu'il soutenait, qui utilisent l'antiimpérialiste comme cache-sexe de leurs échecs ou de leur despotisme. Mais l'un d'entre eux mérite une mention particulière,c'est le grand théologien iranien  Ahmadinedjad, qui a  promu après sa mort  Chavez pour accompagner avec Jésus l'imam caché à son retour. Et nul n'ignore que le Vénézuéla était devenu une base quasiment nationale pour les Iraniens et leurs affidés du Hezbollah.

 

Quant à l'antisémitisme du président vénézuélien, il est  quasi exemplaire, mélangeant les souvenirs d'antijudaïsme chrétien sur les assassins du Christ et une haine profonde d'Israël sous le couvert de la défense de la cause palestinienne. Je ne sais pas si les déclarations révisionnistes ou négationnistes de son ancien conseiller argentin ont déteint sur Chavez, mais les déclarations de ce dernier sur les descendants de ceux qui ont tué le Christ et qui continuent leur oeuvre de mort aujourd'hui étaient sans équivoque. Les dossiers de ce jour dans la Newsletter y apporteront quelques précisions.

 

Chavez en 2008 a rencontré les dirigeants du Congrès juif mondial. Après avoir évidemment protesté contre cette étiquette d'antisémitisme, il a pris à témoin son collaborateur le plus direct, Nicolas Maderno, qui avait des "racines juives". Le nom Maderno se trouve en effet dans des familles juives portugaises qui avaient fui aux Pays-Bas et de là vers les Antilles: un de ces Maderno a été ainsi récemment président du Honduras...

 

Est-ce pour se dédouaner ou pour se positionner avant sa confrontation avec M.Radonsky, catholique dont l'origine juive avait été largement exploitée pour le discréditer pendant la précédente campagne présidentielle que M.Maderno a d'emblée recouru à des déclarations très menaçantes envers la petite communauté juive vénézuélienne (moins de 8000 personnes au lieu de 25 0000 il y a dix ans)? Il a notamment déclaré que la mort de Chavez, comme celle d'Arafat, était  la conséquence d'un assassinat par les sionistes. D'ailleurs, suggèrent sans rire quelques "spécialistes", ce sont les sionistes qui ont inventé le cancer pour tuer leurs ennemis.

 

Pas de quoi  de faire de M.Chavez un mélange de De Gaulle et de Blum. Peut-être le prisme déformant compréhensible des Antilles, certes, mais des paroles  choquantes de la part de M.Victorin Lurel: disons que Chavez était un mélange de Peron et de Castro.....

 

Ne nous trompons pas sur la ferveur populaire et les louanges dithyrambiques qui suivent la mort du "Comandante": elles ne veulent strictement rien dire, sinon l'influençabilité du public. N'oublions pas: en mars 1953, il y a tout juste 60 ans, des centaines de millions de personnes, dont beaucoup en France, pleuraient la disparition d'un être cher, de leur vrai père spirituel: il s'agissait de Joseph Staline, l'un des assassins de masse les plus terribles de l'histoire. Il n'y a pas grand-chose de commun entre Hugo Chavez, qui a maintenu dans son pays un régime électoral et une réelle liberté d'opinion et le "petit père des peuples", mais les larmes d'un peuple ne disent pas toute l'histoire.

 

Richard Prasquier

Président du CRIF