Editorial du président
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Publié le 6 Mai 2013

Lycée français de Jérusalem

 

J’ai à plusieurs reprises au cours de mes années à la Présidence du CRIF exprimé mes désaccords et parfois mes colères vis-à-vis d’un Consulat général de Jérusalem dont je considère, pour m’exprimer diplomatiquement, qu’il a plusieurs fois dépassé les limites de l’objectivité qu’on pouvait espérer dans son appréciation de la situation locale.

 

Je suis d’autant plus à l’aise pour écrire que les attaques portées contre le proviseur du lycée français de Jérusalem, et les insinuations  sur le rôle néfaste en arrière-plan du consulat dans « l’affaire du salut nazi » me paraissent infondées.

 

Au départ, une maladresse, une erreur, une faute peut-être : avant la commémoration du Yom Hashoah, le proviseur, en déplacement, envoie un mail aux enseignants dans lequel il n’impose pas le respect de la minute de silence, mais la laisse facultative pour ceux des professeurs ou élèves qui le souhaiteraient.  Il craint en effet que, en raison de la tension ambiante (deux jeunes Palestiniens tués les jours précédents….), des réactions violentes puissent survenir.

 

Devant l’émoi que cette formulation a provoqué, le proviseur a ensuite écrit une lettre explicite d’excuses. J’ai parlé à cet homme et je ne doute pas de sa sincérité. À aucun moment au cours de notre longue conversation, je n’ai eu l’impression que mon interlocuteur était un négationniste ou un antisémite sournois. Et j’ai une certaine sensibilité à ce sujet… En France il avait participé ou développé lui même des activités de mémoire : les insultes des internautes l’ont bouleversé.

 

Il ajoute que malgré l’ambiguïté de son mail, le Yom Hashoah a été commémoré de façon unanime dans l’établissement. Contrairement à ses craintes, la minute de silence n’a déclenché aucune polémique.

 

Quant au salut nazi que deux ou trois élèves jeunes (11/12 ans) ont fait ensemble dans la cour de récréation, au moment où à 10h la sirène résonnait,  il a eu lieu au cours de Yom Hazikaron et non pas de Yom Hashoah.

 

Le proviseur prétend que les élèves ne se rendaient pas compte de la gravité de leur acte, que la leçon a porté et que leurs parents en furent accablés. On peut penser que la punition (exclusion de 24h dans le collège pour écrire un travail sur la Shoah) était légère, mais traiter le proviseur de nazi sur cette base relève de la pathologie diffamatoire.

 

La commémoration de la Shoah, qu’elle ait lieu, comme en Israël depuis 1953, le 27 Nissan en référence indirecte avec la révolte du ghetto de Varsovie( Hashoa veHagevoura…) ou le 27 janvier en référence à la « libération » d’Auschwitz, rappelle un crime qui interpelle l’humanité tout entière. Personne ne doit en être dispensé. Et c’est pourquoi il fallait protester contre le mail du proviseur.

 

Le Jour du souvenir, Yom Hazikaron, institué en 1963 en mémoire des soldats tombés au cours des conflits israélo-arabes et étendu ultérieurement aux victimes du terrorisme relève d’une  logique commémorative différente et implique directement le conflit israélo-arabe. Est-ce cela qui a poussé les enfants à faire le salut nazi?

 

Ce geste souligne que l’enseignement de la Shoah exige aujourd’hui d’affronter de face l’insupportable assimilation du nazisme au sionisme.

 

Le lycée français de Jérusalem, qui relève du système éducatif français, s’adresse à des élèves en majorité arabes, dont une grande partie est chrétienne et dont les parents (beaucoup d’entre eux ont la nationalité israélienne) travaillent souvent dans des institutions publiques de Jérusalem. Le proviseur m’a assuré que le travail d’enseignement sur la Shoah, inscrit au programme, y était effectué avec un sérieux particulier. Je l’espère, car c’est encore plus nécessaire là que partout ailleurs dans le monde.

 

 C’est dans un établissement tel que celui-ci que l’on peut faire avancer les mentalités, déconstruire les stéréotypes et désinciter à la haine. Grande responsabilité pour les enseignants, mais aussi pour le public: la vigilance est absolument nécessaire, mais les amalgames sont injustifiés et les insultes ne peuvent  être acceptées.

 

Richard Prasquier

Président du CRIF