Mais ces soixante-dix ans ont aussi été marqués par des événements positifs : la création de l’État d’Israël, accueillie dans l’enthousiasme en 1948, l’intégration fulgurante des Juifs venus d’Afrique du Nord, la reconnaissance par le président Chirac de la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs, et aussi, grâce au pape Jean-Paul II l’établissement d’une relation fraternelle entre Juifs et Catholiques, puisque les Juifs sont « les frères aînés de l’Église ».
Enfin, plus généralement et plus simplement, les Juifs ont apporté une contribution quotidienne à la grandeur de la France sur le plan intellectuel, scientifique, culturel, économique et politique.
Depuis sa création et autour des présidences successives de Léon Meiss, Vidal Modiano, Ady Steg, Jean Rosenthal, Alain de Rothschild, Théo Klein, Jean Kahn, Henri Hajdenberg, Richard Prasquier et moimême, le CRIF reste le pôle autour duquel s’articule la vie juive au plan politique. Avec l’aide des institutions qu’il regroupe et grâce au militantisme des membres de ses instances, des commissions et de ses délégations dans les régions, le CRIF peut présenter, à l’occasion de son soixante-dixième anniversaire, un bilan hautement positif. Dans les années à venir, il ne baissera pas sa garde, il continuera de défendre les valeurs du judaïsme et les valeurs de la République.
Le CRIF est en effet une institution plurielle qui développe des relations harmonieuses avec toutes les forces vives de la nation : gouvernement, syndicats, représentants de toutes les religions. Il rappelle à tous la nécessité d’une « tolérance zéro » dans la lutte contre l’antisémitisme, contre le racisme, et pour la défense des Droits de l’homme, car la lutte contre l’intolérance ne se divise pas.
Il dit à tous sa solidarité avec l’État d’Israël, qui s’impose comme une de ses priorités. Il s’efforce de s’opposer à la stigmatisation de ce pays et au boycott de ses produits que certains veulent promouvoir au mépris des lois de la République. Parallèlement, le CRIF soutient le processus de paix au Proche-Orient.
Le CRIF, c’est aussi la préservation de la mémoire de la Shoah. Il a participé à la résolution de la crise du couvent des carmélites d’Auschwitz et a contribué à la déclaration de repentance des évêques de France, lue à Drancy, concernant l’attitude de l’épiscopat français pendant la période de Vichy.
Probablement parce que nous vivons en ce début du XXIe siècle dans un climat de crise qui n’est pas seulement économique, quand on est juif en France en 2013, il y a des raisons objectives d’être inquiet : la progression de l’extrême droite, l’antisionisme de l’extrême gauche, les violences commises contre les Juifs par des jeunes issus de l’immigration, la diabolisation d’Israël et l’hostilité de certains parlementaires à l’égard de pratiques religieuses telles que la circoncision ou l’abattage rituel.
Face à cette conjonction de menaces, le piège serait de se replier sur soi. Le CRIF refuse la fatalité de ce piège. Notre avenir sera celui que nous construirons. Il s’agit de l’avenir des Juifs tout autant que l’avenir de la France. Nous, Français juifs, sommes fiers d’être Français et sommes unis à la communauté nationale par le même amour de notre pays.
Aussi sommes-nous heureux de partager avec l’immense majorité du peuple français, et avec nos autorités politiques, la conviction que le racisme et l’antisémitisme sont contraires aux valeurs de la République.
Nul doute que nous surmonterons les difficultés actuelles et nous aurons bien d’autres anniversaires à célébrer.
Roger Cukierman,
Président du CRIF