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« LA formule employée par la presse locale le matin du 13 juin était: Edwige Elkaim n’est plus, et c’est faux, Edwige est et sera toujours dans notre cœur. Dans le mien bien sûr, parce qu’elle était mon amie, ma confidente, ma complice. Avec elle j’ai partagé des moments sérieux grâce à au parcours communautaire qui nous unissait, mais aussi la complice de fous rires. Les mêmes choses nous amusaient, les futilités vestimentaires s’invitaient après les instants de travail au cours desquels nous voulions refaire le monde. Parce qu’elle était très bien élevée, pour elle le savoir-vivre était primordial. Que quelqu’un manque de courtoisie à son égard ou de considération pour les gens qu’elle aimait et là, elle sortait la hache de guerre. La médiocrité n’avait pas de place dans sa vie, car Edwige était une femme généreuse et entière, délicate dans ses rapports aux autres, raffinée et élégante.
Edwige et moi avons été Présidente en même temps de deux associations nationales que sont le Bnai Brith et la Wizo.Toutes les deux membres de la loge Bnai Brith Mordéchai de Grenoble, nous étions un binôme au vrai sens du terme. Au terme de nos mandats respectifs, nous avons décidé autour d’un déjeuner à St-Germain des Prés, qu’il était important que la voix des femmes soit entendue au CRIF et c’est à la faveur de l’élection de notre ami Richard Prasquier, que la commission Femmes dans la Cité a vu le jour en 2006. Première dans l’histoire des commissions, nous étions 2 Présidentes, mais le mot est bien présomptueux, nous étions surtout un tandem dont le point commun était le management des bénévoles et les connaissances liées nos parcours. Au cours de ces 8 années, Edwige et moi nous sommes énormément rapprochées. La leucémie de sa petite-fille Myléna, fille de Vanessa, fut pour elle une épreuve. Je nous revois enlacées devant l’Hôpital Trousseau, pour se donner des forces. Ce jour-là, je lui ai apporté des Tehilim, elle n’en avait jamais eu, et m’a avoué les avoir gardés avec elle depuis. Edwige a dû aussi faire face à un divorce plus que douloureux où rien ne lui a été épargné en bassesses, coups durs, mais elle a eu l’entier soutien de ses 3 enfants qui lui et notamment de sa fille Vanessa Elkaim Rimmer, Avocate spécialisée dans le droit de la famille, qui d’après Edwige, n’avait pas choisi cette voix par hasard tant la vie de femme de sa mère fut difficile. Puis son plus difficile combat est celui qu’elle a mené depuis 4 ans. Lorsque le jour du mariage de sa fille Aurélie, elle apprit qu’elle était atteinte d’un cancer du pancréas. Le pronostic vital d’une telle maladie est court. Mais pas pour Edwige, car dans l’adversité et pour sa famille, ses enfants et petits-enfants, Mamou (comme ils l’appellent) s’est battue contre le mal. Et quel mal ? Elle choisit de faire son traitement à Paris, chimiothérapies tous les 15 jours, perte des cheveux, amaigrissement, diminution de ses forces, mais jamais au grand jamais elle n’a renoncé. Nous programmions les séances de la commission des femmes 10 jours après sa chimio, pour que les effets secondaires ne soient pas trop gênants. Et quand elle était très faible, elle me disait viens me chercher avec du maquillage, je ne veux pas qu’on me voie malade, je ne veux pas qu’on me plaigne. Je montais chez elle et nous passions du temps à faire en sorte qu’elle devienne pour quelques heures une femme normale. Elle arrivait alors aux réunions du CRIF, comité directeurs ou autres, et repartait gonflée à bloc. « Merci ma chérie, tu vois c’est le CRIF qui me tient ».
Edwige me manque et elle manquera à beaucoup. De tous les témoignages qui lui ont été rendus du jour de son enterrement aux soirs de prières auxquels j’ai assisté à Grenoble, de Michel Destot à Geneviève Fiorasot, en passant par les enfants qu’elle a emmenés en voyage à Auschwitz, les mêmes éloges sont revenus. Edwige Elkaim savait rassembler et unir, ce sont les qualités d’un vrai leader et d’une femme de cœur.
Il suffisait qu’elle parle de paix et je croyais en l’homme, si elle parlait prières je croyais en Dieu, quand elle parlait traitement, j’avais foi en la médecine.
Sur le plan local, Edwige a présidé le CRIF Régional de Grenoble. Là aussi, elle n’a jamais failli, malgré les jalousies locales, elle a remporté par deux fois l’élection en dépit d’un parachutage que ses adversaires avaient mis sur son chemin pour empêcher son élection. Sa formation de professeur, son expérience avec les élèves lui avaient donné la foi en la force de de la transmission. Dans son lit d’hôpital, et jusqu’à il y a quelques semaines, elle préparait encore le prochain dîner du CRIF et me demandait de contacter des intervenants, car elle ne pouvait plus parler.
Au Bnai Brith, Edwige Elkaim fut une grande Présidente, première femme à ce poste, elle fut la seule à être réélue pour un second mandat. Tous les frères et sœurs ont été marqués par son passage, les témoignages l’attestent.
Je voudrais dire à Vanessa, Aurélie et Jean-Philippe, ses 3 enfants, qu’ils ont été des êtres exceptionnels, et qu’ils ont rendu à leur mère cet amour qu’elle avait pour eux. Vous êtes sa fierté, vous avez été merveilleux.
Je souhaite du plus profond de mon cœur que le rayonnement d’Edwige continue de nous éclairer. Je souhaite que notre commission porte son nom et je lui dédie le colloque que nous avons commencé à préparer ensemble sur le Leadership au Féminin…
Au revoir, mon amie. »