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Publié le 24 Septembre 2024

Les Amis du Crif ont reçu Raphaël Enthoven, « Il faut apprendre à vivre avec [l’antisémitisme]. Ce n’est pas un moment provisoire. C’est un écosystème qui s’installe. »

Jeudi 19 septembre 2024, le philosophe Raphaël Enthoven était l’invité des Amis du Crif pour une conférence animée par Tristane Banon, journaliste, romancière et essayiste.

Crédit photos : ©Alain Azria

 

Le Président du Crif a introduit cette rencontre en rappelant combien « les mots sont devenus un champ de bataille » et font pleinement partie de la « guerre politique ». Il a salué l’importance du travail effectué par la rédaction du Franc Tireur dont font partie Raphaël Enthoven et Tristane Banon. Yonathan Arfi a rappelé que « l’idée que l’idéal républicain dans son exigence, sa rigueur et son principe est éminemment moderne est une réponse extrêmement pertinente aux défis d’aujourd’hui ».

 

Dès le début de cette conférence, Raphaël Enthoven est revenu sur sa publication numérique récente Lettres à un ami arabe. Il a rappelé que « l’ami se reconnaît aux désaccords sans engueulade, aux débats sans le combat ». Avec force, il a redit combien « les gens qui se contredisent sont en paix » et c’est cela que tendent à être les militants de Franc Tireur, des « militants de la contradiction ».

Il est absolument nécessaire de se faire le « gardien et la raison » et ainsi considérer que « deux vérités qui s’opposent sont complémentaires ».

« Le 7 Octobre, j’ai entendu dans la bouche d’un ami des paroles hallucinantes. » Les lettres à un ami arabe s’adressent à un ami imaginaire, la « concrétion de plusieurs amis ». « Il y a des désaccords que l’amitié ne surmontent pas » et le 7 Octobre est l’un d’entre eux.

 

L’antisémitisme a muté. Nous faisons désormais face à un antisémitisme qui « se vit lui-même comme sympathique ». Alors même que les Nazis assumaient une détestation injustifiable des Juifs, l’antisémite d’aujourd’hui est convaincu d’aimer les Juifs, et que l’accusation d’antisémitisme est un gros malentendu.

 

Le philosophe revient ensuite sur la particularité de la haine antisémite. Alors que le racisme est une « détestation de l’autre qui s’appuie sur l’objectivité d’une différence », « la haine du Juif ne s’appuie sur aucune différence et a besoin de reconstruire les différences ». C’est pour cela qu’on affecte au Juif des attributs. « On fabrique l’être qu’on veut détester. » « En faisant cela, l’antisémitisme renseigne sur la source de toute haine, qui est la haine de soi. »

 

Sur la question du Hamas, Raphaël Enthoven a rappelé que le « Hamas est un projet génocidaire d’extermination des Juifs. C’est un nazisme ». Pour autant il relève des différences avec le nazisme. Les nazis voulaient cacher leurs crimes tandis que le Hamas est un nazisme dopé par la sociologie ; il veut se ruer sur les Juifs jusqu’au dernier tout en continuant de se présenter comme la victime de gens qui veulent le tuer. C’est la conquête de l’opprimé sur l’oppresseur.

 

Sur la différence entre antisionisme et antisémitisme, le philosophe parle de la « logique des concernés ». Il y a une délégitimation du discours en cas de judaïsme.
Quand on invoque le contexte, on dit que l’on déplore la violence, mais qu’elle n’est que la conséquence d’une violence supérieure. Cette logique du contexte est un « déni de réalité qui se vit comme un approfondissement de la réalité ».

 

Raphaël Enthoven cite ensuite Jean-Paul Sartre qui disait dans Réflexions sur la question juive que « si le Juif n’existait pas, l’antisémite l’inventerait ».

« Depuis le 7 Octobre, j’ai gagné des repères même si je ne sais pas ce que cela veut dire. […] Depuis le 7 Octobre, il y a une autre façon en moi d’être juif. »  

 

À la question, « comment refaire société après le 7 Octobre ? », le philosophe répond « aucune idée ». « Je suis novice en matière d’antisémitisme mondial. Je le découvre comme vous et je découvre la puissance et la violence de cette détestation. » Il pose ensuite la question de la « tentation communautaire » comme solution de repli et de protection. « Comment la société peut se remettre d’un tel aveu ? De tant de sophisme et de tant de détestation ? »

 

Avec force, Raphaël Enthoven conclut cette conférence avec ces mots : « Je reste absolument sans espoir, mais tout à fait actif. C’est une illusion de vivre dans le sentiment qu’un jour on sortira de ce problème ou de cette crise. Je ne vois pas d’issue à la crise que nous traversons. Le plus urgent est de faire le deuil d’une issue pour se mettre à l’ouvrage et arranger ce que l’on peut. […] Il faut apprendre à vivre avec [l’antisémitisme]. Ce n’est pas un moment provisoire. C’est un écosystème qui s’installe. »

 

Vous pouvez revoir l'intégralité de la conférence en replay ci-dessous :

 

 

Vous pouvez également revivre cette conférence en images, en cliquant ici.