Jean-Pierre Allali
Né dans le 7ème arrondissement de Paris, au sein d’une famille de grands bourgeois juifs, Philippe Calleux n’a que huit ans quand la tragédie de la Guerre et de la barbarie nazie l’amènent à se réfugier au Chambon-sur-Lignon, le célèbre village sauveur. Dans ce premier roman, il s’inspire de la vie de son grand-père pour narrer les hésitations et les tergiversations de nombre de citoyens juifs français longtemps persuadés que leur statut les mettrait à l’abri de la folie meurtrière des nazis et de leurs sbires. De 1938 à 1944, on suit, d’année en année, les pérégrinations et les tribulations de Pierre Gerson.
1938. 1er septembre. Bien que des bruits de bottes inquiétants parviennent d’Allemagne, les Gerson continuent de mener la belle vie, avenue Victor Hugo dans le 16ème arrondissement de Paris. Tandis que Georgette est à la cuisine. Maddy assure le service pour recevoir les amis de Pierre et de Nelly. Les avocats Jean-Paul Simon et René Hayem, le chirurgien Benhamou et Jérôme Israël, le confrère.
15 mars 1939. Les choses se gâtent. Hitler a envahi la Tchécoslovaquie. Plus tard, ce sera la Pologne. C’est la Guerre. Fort heureusement, Suzy, la fille cadette, a choisi de quitter la France pour New York. Lucide, elle ne cessera d’exhorter ses parents à quitter la France avant qu’il ne soit trop tard.
1940. Les Gerson prennent la décision de quitter leur bel appartement parisien. Direction Cannes et le Majestic Hôtel. « Nous avons une superbe suite avec vue sur la baie ». Et pour se nourrir, quoi de mieux que Le Fouquet’s ! On retrouve le gratin parisien des arts, des lettres et des affaires. Hitler semble bien loin de ce Sud ensoleillé. Gerson : « Je continue de me poser la question : faut-il rester ou partir ? Mon pays est la France. Je l’ai servi avec intensité et je voudrais y vieillir heureux ».
19 août. Gerson décide d’acheter une maison à Antibes, la Villa Trésor. La vie s’organise tandis qu’à Paris le Statut des Juifs est promulgué.
1941. Les mondanités se succèdent sur fond de discussions houleuses entre ceux qui font confiance à Pétain et ceux qui sont de plus en plus inquiets pour l’avenir des Juifs en France. On se demande : « Avec lequel allons-nous nous en tirer le mieux : Pétain le bouclier ou De Gaulle le glaive ». En septembre, une missive adressée à Xavier Vallat entraîne une fin de non-recevoir.
1942. Une ordonnance allemande promulguée le 29 mai, stipule que tous les Juifs de la zone occupée devront porter l’étoile jaune. Toutes sortes d’interdictions, on le sait, suivront. Les Allemands, hélas, accumulent les succès militaires. Le 15 octobre, le sinistre préfet Ribière a procédé à l’arrestation de centaines de juifs étrangers. Les Gerson se déplacent : Saint-Étienne, Le Chambon-sur-Lignon.
1943. Gerson est emmené au commissariat de Juan-les-Pins, accusé de se livrer au marché noir. 2 août : « La présence italienne est un entracte bienfaisant ». Mais les Italiens seront-ils toujours dans de bonnes dispositions à l’égard des Juifs ? 25 septembre : « Tout se bouscule. Devons-nous rester à Antibes ? Aller à Nice ? ». En définitive, il va falloir repartir, la peur au ventre. Les voilà à Annot, dans l’arrière-pays.
1944. Leurs proches ne cessent de la sommer de fuir. Le cauchemar finira-t-il un jour ?
Un témoignage très émouvant.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Frison Roche. Mars 2021. 208 pages. 19 €