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Publié le 18 Juillet 2023

Le Crif en Action - Orléans : retour sur la cérémonie commémorative du Vél d'Hiv

Une cérémonie à la mémoire des victimes des crimes racismes et antisémites et d'hommage aux Justes de France, commémorant la rafle du Vél d'Hiv s'est tenue à Orléans.

Discours d'Éliane Klein, Déléguée du Crif dans la région Centre à l'occasion de la cérémonie commémorative du 81ème anniversaire de la rafle du Vél d'Hiv, le 16 juillet 2023 :

 

Hommage aux Ukrainiens dont le combat s'inscrit dans la tragédie des petites Nations menacées de disparition, comme l'a très justement analysé Milan Kundera dans Un Occident kidnappé où il évoque le totalitarisme russe.

En cette journée nationale à la mémoire des victimes des persécutions racistes et antisémites ‒ les Tziganes et les Juifs ‒ commises par l'État français sous l'autorité du gouvernement de Vichy, et en hommage aux Justes français, je dédie mes paroles aux « Justes des Nations », ces hommes et ces femmes de toutes origines, souvent modestes, connus ou anonymes, qui ont sauvé des Juifs, en particulier des enfants, pendant l'occupation, malgré les risques encourus. « Dans un monde assailli par la plus atroce barbarie » (Marc Bloch), ils témoignent que les êtres humains ont d'autres options que la soumission à un régime criminel. Hommage au Cardinal Saliège, à l'Évêque Théas, Justes des Nations et aux évêques et curés qui se sont détournés du Haut Clergé vichyste. Hommage à la Cimade, aux Pasteurs Boegner, Trocmé, Théis...

Je rends hommage aux Résistants, aux anciens déportés, aux derniers témoins et à tous ceux, anonymes, dont le courage et la détermination ont concouru à vaincre la menace totalitaire. Car, comme l'a dit Madame Simone Veil, « face à la folie exterminatrice, face à l'horreur du système nazi, il y a eu l'amitié et l'humanité qui ont su résister. Ce sont les deux faces des êtres qui ont été mêlés à cette monstrueuse entreprise ».

Hommage à toutes celles et à ceux qui ont consacré une grande partie de leur vie à témoigner, répondant à l'obsession des nazis d'effacer jusqu'aux traces de leurs crimes.

 

Nous sommes 81 ans après la rafle dite du « Vél d'Hiv », l'un des évènements les plus tragiques survenus en France, les 16 et 17 juillet 1942, sous l'occupation, le point culminant de la politique antisémite du Régime de Vichy, sa complicité active avec le projet nazi : l'anéantissement programmé du peuple juif. Aucun Juif ne devra échapper à leur chasse mortifère.

Avant d'en venir à l'opération « monstrueuse, hors normes » exécutée par la Préfecture de police de Paris et ses milliers d'agents, sans la présence de soldats allemands ni de policiers SS, je rappelle quelques faits, étudiés par l'historien Laurent Joly…

Je le cite : « À partir du milieu des années 30, surtout après l'accession au pouvoir de Léon Blum, l'antisémitisme, sous-jacent en France depuis des siècles, est revendiqué par des personnalités politiques - députés (Xavier Vallat), conseiller municipal (Darquier de Pellepoix), journalistes célèbres (Maurras à l'Action française,), écrivains prestigieux... Céline dont « Bagatelles pour un massacre », salué comme un chef d'œuvre par la critique…

« Dès 1940, la logique antisémite et la logique de collaboration ‒ de complicité… vont amener le gouvernement de Pétain à ficher, exclure, spolier et interner les Juifs étrangers d'abord, puis transgressant le droit d'asile et les principes moraux et traditionnels » en livrant aux nazis des apatrides, des réfugiés ‒ des « indésirables » ‒  qui étaient placés sous protection française.

Ainsi, les hauts fonctionnaires de l'État, par haine antisémite obsessionnelle ou absence de pensée et de jugement, soucieux de leur carrière, se sont rendus coupables d'obéissance à des ordres iniques.

J'en veux pour exemple René Bousquet, secrétaire général à la police, qui « début juillet 42, a négocié un accord avec les chefs de la police SS à Paris : arrêter le nombre de Juifs exigé par l'occupant. » (Laurent Joly).

La TERRIBLE rafle du Vél d'Hiv s'inscrit fatalement dans la perspective de la « solution finale » (Laurent Joly).

Dès l'aube, le 16 juillet 1942, 4 500 gendarmes, gardiens de la paix, policiers, se sont abattus sur les immeubles où l'on savait, par le fichier de la Préfecture de police, que logeaient des Juifs étrangers, hommes, femmes et enfants ‒ nombre d'entre eux français car déclarés à leur naissance par leurs parents. Les autobus parisiens, réquisitionnés, les ont transportés par milliers jusqu'au Vélodrome d'Hiver, le Vél d'Hiv…

Il y avait plus de 13 000 Juifs, dont 4 115 enfants de 2 à 16 ans, ‒ seuls une dizaine auront la vie sauve, car malades, ont été hospitalisés. Je cite à nouveau Laurent Joly : « Lâcheté, aveuglement et déni caractérisent l'attitude des cadres de la PP (police parisienne)... qui ont refusé de prendre les mesures laissant une chance de survie, même minime, aux enfants ».

Les hommes, les femmes, les enfants, entassés dans le Vél d'Hiv, sont dans l'enfer du bruit, des cris, de la chaleur, de la puanteur... du désespoir...

Ils seront pour la plupart, « jetés » dans les camps de Drancy, Pithiviers et Beaune-la-Rolande..., avant de les livrer, par convois entiers, aux Allemands pour être déportés et assassinés à Auschwitz.

Aucun enfant n'a survécu…

Cette tragique Histoire, la Shoah, cette entreprise de gigantesque hécatombe, génocide unique dans l'histoire de l'Humanité, nous a été racontée dans le cadre familial, puis par les témoignages dont la voix s'éteint peu à peu, et enseignée par les travaux des historiens américains, français, allemands, israéliens et par les procès intentés contre les criminels contre l'Humanité ‒ en France, le premier, Papon, en 1997 ‒ et par l'Art, dans toutes ses composantes : littérature, cinéma, théâtre, photos, sculpture, etc.

Le travail d'Histoire mis en œuvre au CERCIL Musée – mémorial des enfants du Vél d’Hiv, depuis plus de trente ans reste un modèle d'exigence, de rigueur, alliant l'écoute des témoins, l'approche scientifique et culturelle – historiens, politologues, écrivains, poètes, cinéastes, documentaristes etc.

Le travail de Mémoire et d'Histoire que je viens d'évoquer, cette mémoire qui nous oblige, prend tout son sens s'il nous permet de décrypter le présent, la très féroce actualité du présent, de « garder les yeux ouverts » et d'avoir le courage de nommer, « de voir ce que l'on voit » (Charles Péguy).

Sans citer les très nombreux exemples d'atteintes aux lois et principes de notre République, je reviens sur cet « ensauvagement » du monde qui s'est amplifié, mettant en péril toutes les démocraties (titre du livre, sous-titré le retour de la barbarie au 21ème siècle, par la philosophe Thérèse Delpech – prix Fémina de l'Essai en 2005).

Ainsi, nous percevons les dangers des effets pervers d'Internet et des réseaux sociaux, dont la violence prépare le terrain à un fanatisme meurtrier ; l'ignorance et l'obscurantisme à l'origine des théories du complot, le wokisme, entreprise raciste, tyrannique, totalitaire, dont l'antiracisme dévoyé fait de « l'homme blanc, le Juif, le parangon de l'oppression raciste et colonialiste » (Pascal Bruckner), l'antisémitisme et l'antisionisme mortifères, le négationnisme, l'hostilité, souvent mortelle, contre les chrétiens, la diabolisation féroce, souvent destructrice, de toutes les institutions ou métiers représentant l'autorité et la légitimité de l'État républicain ; bref, la haine de l'Occident, de la LOI, de la Démocratie et des principes humanistes qui la fondent.. (Liberté égalité, fraternité, laïcité).

Comme chaque année, nous revenons à ce terrible constat : « la pérennité de l'antisémitisme, survivant à toutes les convulsions de l'Histoire, mutant comme un virus indestructible » (Georges Bensoussan), croissant avec les menaces évoquées à l'instant. Cette haine antisémite-antisioniste a mené des citoyens français (ou étrangers) à assassiner des Juifs en France, « des hommes pétris de haine et de violence qui tuaient d'autres hommes » (Barbara Lefebvre). À Toulouse, ‒ Arié, 6 ans, Gabriel, 3 ans, Myriam 7 ans. Le tueur avait « le visage des SS »... (Robert Badinter). Sous le prétexte insensé de « venger les enfants palestiniens ».

Instruits et fragilisés par la connaissance de la Shoah et des autres génocides et massacres des XXème et XXIème siècles, « face au climat d'affrontement entretenu par les fanatiques de tous bords, face à la volonté de détruire l'idée d'Humanité commune, l'unité du genre humain » (Pascal Bruckner) , il nous incombe de mener un combat civique, celui de la civilisation contre la barbarie.

 

Éliane Klein, Délégué du Crif dans le région Centre