Richard Prasquier

Ancien Président du CRIF

Le billet de Richard Prasquier - Les suites d’une décision désastreuse

28 Juin 2024 | 209 vue(s)
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Opinion

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C’est une histoire célèbre du judaïsme d’Europe centrale. Le pauvre tailleur se plaint à son rabbin que sa vie est impossible, une seule chambre atelier, cuisine et chambre à coucher pour sa femme et six enfants. « Mets une chèvre dans la chambre et reviens dans une semaine », conseille le Rabbin. La semaine suivante l’homme arrive effondré, avec cette chèvre dans la pièce, l’odeur, les excréments… « Maintenant, dit le Rabbin, débarrasse-toi de la chèvre. » La semaine suivante le tailleur revient, il est radieux. « Merci Monsieur le Rabbin, maintenant que la chèvre est partie, comme nous nous sentons bien ! ».

La France était à tous points de vue dans une situation très difficile. Avec son absurde dissolution, le Président y a introduit une chèvre, mais n’a pas les moyens de la faire partir. Le rabbin du sztetl connaissait mieux la vie…

Emmanuel Macron a tout de l’enfant roi, Jordan Bardella, à 28 ans ne connait bien que les jeux vidéos et la communication politique. Quant à Jean-Luc Mélenchon, qui préfère faire perdre son camp s’il n’en est pas le chef, il se comporte en gamin narcissique.

Malheur à la ville dont le Prince est un enfant. L’expression, qui provient du Qohelet (Écclésiaste), est le titre d’une pièce de Montherlant. Ce qui rappelle aussi que le Président est un homme de théâtre. Brigitte Auzière animait le théâtre du Lycée La Providence à Amiens et c’est là qu’est née une histoire d’amour dont le succès même, contredisant tous les pronostics, a dû immensément conforter la confiance d’Emmanuel Macron en lui-même. C’est au registre du théâtre qu’appartiennent  sa gestuelle parfois grandiloquente et ses déclarations souvent surjouées.

Toujours au théâtre, faut-il se reporter à Richard II, roi d’Angleterre de la fin du XIVe siècle, à qui Shakespeare a consacré une pièce ? Très cultivé, bon orateur, courageux, mais imbu de lui-même, impulsif et velléitaire, il généra une telle colère qu’il fut abandonné par les masses populaires et les élites nobiliaires. Ayant surmonté une révolte grave, les gilets jaunes en plus violent, il fut plus tard réduit à l’impuissance par un Parlement hostile et dut finalement abdiquer…

Le Président de la République a joué au poker avec le pays, surenchérissant malgré de mauvaises cartes. Le résultat est sans appel. Peut-être espère-t-il encore manipuler Jordan Bardella, et dissoudre de nouveau l’an prochain, mais il s’est si souvent trompé dans le maniement des hommes et la prévision des événements.

J’écris cette chronique au matin du lundi 1er juillet. La droite modérée représente encore un tiers de l’électorat, mais sa division entre macronistes et Les Républicains (LR) l’a plombée au premier tour et l’éloigne souvent du deuxième. Quant à la gauche, Panot, Delogu, Bompard, Obono élus dès le premier tour, Boyard, Caron, Kéké et Guiraud en tête pour le second, les candidats La France Insoumise (LFI) les plus emblématiques du soutien au Hamas n’ont pas été sanctionnés par leur électorat et Mélenchon en se présentant aux micros comme leader de la gauche, accompagné par Rima Hassan, laquelle venait d’écrire que l’armée israélienne entraîne des chiens pour violer des prisonniers palestiniens, ne gêne pas, au contraire, ses électeurs les plus actifs, ceux qui ont couvert la place de la République de drapeaux palestiniens. Malgré les socialistes qui se satisfont de ce que Mélenchon ne sera pas chef du gouvernement, c’est malheureusement lui qui mène la danse à gauche et qui prend la tête de la « défense de la République contre le fascisme et le racisme de l’extrême droite ».

Les injonctions à ne pas mettre un seul bulletin pour le Rassemblement National (RN) me mettent mal à l’aise. Donner sa voix à un candidat LFI sous couvert d’un Front Républicain témoigne d’un incompréhensible aveuglement. Je ne méconnais pas les pulsions racistes et antisémites qui parcourent un nombre notable de militants RN. Je sais le rôle important que jouent dans la coulisse des néonazis amis d’Assad, du Hezbollah, de Soral et de Dieudonné, comme Chatillon et sa clique, rôle qui m’empêchera toujours de voter pour ce parti, mais je constate que son discours sur l’antisémitisme a changé et que sa position sur Israël est limpide.

Beaucoup de candidats de la droite modérée et même certains à l’intérieur du parti socialiste sont sur une ligne intransigeante à l’égard de l’antisémitisme et défendent aussi l’État d’Israël. L’électeur doit décider aussi sur des programmes socio-économiques dont certaines caractéristiques sont très inquiétantes. Les injonctions moralisantes sont simplificatrices, mais chacun doit mettre certaines colères de côté avant le vote et se rappeler que les promesses n’engagent que ceux qui y croient…

 

Richard Prasquier, Président d’honneur du Crif

 

 

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