Jean Pierre Allali

Jean-Pierre Allali

Le billet de Jean-Pierre Allali – Les Juifs du Bahreïn

10 Février 2025 | 116 vue(s)
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Opinion

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Illustration : La synagogue de Manama. S.E. Huda Nunu

 

Les lecteurs de la presse juive ont certainement été très étonnés, en mars 2014, d'apprendre que la restauration de la synagogue de Manama, capitale du Bahreïn, était en voie d'achèvement [1]. Cette annonce venait quelques mois après celle de la visite, particulièrement appréciée, de l'Ambassadeur de Bahreïn en France au Mémorial de la Shoah de Drancy. Les temps changent, incontestablement et, comme on le sait, le Bahreïn a été le premier signataire, en 2020, des Accords d’Abraham.

 

Il peut paraître saugrenu d’évoquer une quelconque communauté juive de la péninsule arabique tant il paraît impossible d’imaginer que des Juifs puissent vivre de nos jours sous la férule des princes et des magnats arabes, fussent-ils éclairés. Pourtant, les choses n’ont pas toujours été ainsi et il fut un temps, il y a bien des siècles, avant l’émergence de l’islam, où des Juifs vivaient nombreux, heureux, riches et puissants, en Arabie. Bien avant l’apparition de Mahomet, un poète juif qui connut en son temps la célébrité, Samuel Ben Adyia, surnommé « le roi de Taymar », vivait en Arabie. Médine, ville sainte de l’islam, aujourd’hui en Arabie Saoudite et interdite aux Juifs, a longtemps été à majorité juive. Et s’il est vrai que des soldats américains de confession juive sont, de nos jours, présents dans des bases en Arabie, s’il est probable aussi, comme l’a écrit l’ancien président de l’État d’Israël, Itzhak Ben Zvi, que plusieurs tribus « marranes », conscientes de leur origine juive et dont le folklore particulier garde la trace de leurs ancêtres, vivent en Arabie, il n’en reste pas moins que les Juifs ont quasiment disparu de cette région.

Et pourtant ! Voici qu’un minuscule État du Golfe, l’émirat du Bahreïn, 660 km2, 753 000 habitants en majorité musulmans chiites, capitale Manama, a annoncé, il y a quelques années, en 2008, la nomination de Madame Huda Azra Ibrahim Nunu comme nouvelle ambassadrice aux États-Unis. Madame Nunu s'était, au préalable, distinguée comme businesswoman bahreïnie, à la tête de la « Gulf Computers Service ». Une femme représentante d’un pays arabe, voilà qui n’est pas courant. Mais, ce qui est extraordinaire, c’est que Madame Nunu, juriste et membre du Conseil de la Shura, est juive !  C’est la première fois dans l’histoire qu’une telle situation se présentait. Dès lors, les projecteurs de l’actualité se sont braqués sur le Bahreïn. Il y aurait des Juifs dans ce pays !

Réponse : oui. Et ils sont une cinquantaine, vivant paisiblement leur foi. Venus il y a plusieurs dizaines d’années d’Irak, d'Iran et d'Inde, ils ont aujourd’hui la nationalité bahreïnie et disposent tous d’un passeport.

Déjà, en juillet 1999, l’émir, Cheikh Hamad Bin Issa Al Khakifa avait étonné son monde en déclarant que les Juifs du Bahreïn sont « des compatriotes, des concitoyens jouissant des mêmes droits que les autres ». Plus tard, alors qu’il effectuait un voyage officiel en Grande-Bretagne, il s’est entretenu avec des représentants de la communauté juive londonienne et incité ceux des Juifs qui avaient quitté le pays à y revenir pour « retrouver leurs maisons ». 

Fayçal Foulad, porte-parole de l’Organisation pour la Défense des Droits de l’Homme au Bahreïn a été encore plus explicite : « Le cheikh a demandé aux Juifs qui sont partis au milieu du XXe siècle de revenir dans la patrie ou ne serait-ce qu’à y passer des vacances en tant que touristes pour y redécouvrir les lieux où s’est déroulée leur histoire ».

Pour en revenir à la synagogue de Manama, les travaux de rénovation ont commencé en 2006 lorsque le toit de l'édifice s'était effondré. La ministre de la Culture, Shaika Mai Bint Mohammed Al Khalifa, avait alors visité les lieux en compagnie d'Ebrahim Daoud Nono, ancien membre de la Shura et représentant de la communauté juive.

Il y a quelques années, l'ambassadeur du Bahreïn en France, le 9 décembre 2013, S.E. Nasser Mohamed Yusef Al Beloshi, s'est recueilli devant le mémorial de la Shoah de Drancy où il a déposé une gerbe de fleurs. Il était ainsi le premier diplomate d'un pays arabo-musulman à se comporter de cette manière.

Peu après la signature des Accords d’Abraham, le Bahreïn et Israël ont normalisé leurs relations diplomatiques. En 2025, et malgré la tragédie du 7 octobre 2023, tous les espoirs sont permis.

 

Jean-Pierre Allali 

 

[1] Voir notamment Actualité Juive du 13 mars 2014 : « Bahreïn.  Rénovation de la synagogue du pays »

 

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