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Publié le 22 décembre dans L'Echo Républicain
Elle est une des deux seules survivantes sur cent six femmes de son groupe à être revenues vivantes des camps d’extermination nazis, où l’adolescente, juive française, a été déportée de 15 à 17 ans.
Aujourd’hui, à 93 ans, elle continue inlassablement de se déplacer dans toute la France pour faire vivre la mémoire des siens, témoigner auprès de la jeunesse de son expérience de l’enfer des camps de la mort et de la Shoah.
« J’avais dans la tête de ne pas mourir à l’âge de 15 ans »
Elle a fait une promesse à sa sœur Fanny mourante, quelques heures avant son assassinat dans les chambres à gaz d’Auschwitz-Birkenau : celle de « dire au monde ce que des hommes ont été capables de faire à d’autres […] On a été les oubliés de l’histoire. Pendant plus de trente ans, les gouvernements n’ont jamais voulu reconnaître la déportation des juifs de France, ça a été le silence total, personne ne voulait nous croire », explique-t-elle, aux collégiens.
Durant plus de deux heures, elle a raconté en détail son histoire commencée soixante-quinze ans plus tôt, passage Ronce, dans le quartier populaire de Belleville, à Paris, où Esther a grandi avec ses cinq frères et sa sœur aînée, ses parents qu’elle ne reverra jamais.
Sa mémoire est intacte, les souvenirs terribles… De la montée de l’antisémitisme à la rafle du Vel d’Hiv, les 16 et 17 juillet 1942, décidée par le gouvernement Pétain, le camp de Drancy, en juillet 1943, sa déportation en convoi, à Birkenau, le 2 septembre 1943, dans un wagon à bestiaux.
Son existence bascule en enfer dans le camp : les S.S, les chiens, les cris, les fumées sortants des cheminées, l’odeur nauséabonde des fours crématoires, le travail forcé, le froid, la promiscuité, les coups, la maladie, la faim. Et la mort, partout. « Ils voulaient nous enlever toute dignité humaine, c’était la survie ! J’avais dans la tête de ne pas mourir à l’âge de 15 ans. » Elle survit de la marche de la mort du 17 janvier 1945, vers Bergen-Belsen « un mouroir à ciel ouvert », puis est libérée, le 5 mai 1945, avec son amie Marie, au camp de Mauthausen. Malade du typhus, elle pèse 32 kilos à la libération. Elle revient traumatisée. Après une tentative de suicide et six mois d’hôpital, elle rencontre son époux et devient vendeuse. De cette union, naîtront trois enfants, trois petits-enfants et six arrière-petits-enfants.
Esther Senot a publié ses mémoires récemment, avec Isabelle Ernot, dans le livre La petite fille du passage Ronce