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Publié le 11 octobre dans France Bleu
Was wajsh for khedüshem ? « Alors, quelles sont les nouvelles ? » C’est ainsi que démarraient les moshelish, ces petites histoires drôles racontées par les Juifs des campagnes alsaciennes et lorraines. On y retrouvait des personnages hauts en couleur comme le shnorer, le mendiant qui renverse le rapport dominant-dominé, le shadshen, le marieur qui vante un peu trop les mérites de la belle, ou le shlemil, le malchanceux sur qui tous les malheurs s’abattent.
Du fait de l’urbanisation, de la modernité, des persécutions, les communautés juives ont disparu des campagnes, engloutissant avec elles les moshelish et la langue judéo-alsacienne, aujourd’hui en voie d’extinction. Dans son livre “rire pour réparer le monde”, alors autant Bob le bricoleur rigole rarement, Freddy Raphaël, si, grâce à l’humour des Juifs d’Alsace et de Lorraine, ce sociologue, professeur honoraire à l’Université de Strasbourg, où il a été directeur puis doyen de la Faculté des sciences sociales, vous raconte quelques-uns de ces moshelish. Il fait revivre à sa manière – à la fois érudite, intime et légère – ce petit monde riche et savoureux et nous en révèle le sens. Car l’humour judéo-alsacien est plus que jamais essentiel, pour les Juifs, pour les Alsaciens, et pour tous les autres. Il bouscule les bonnes consciences, il est parodique et narquois, parfois plein d’effronterie, toujours tendre et autocritique.
Il démasque la sottise et la suffisance. Il met en cause la prétendue supériorité du pouvoir, de l’argent et du paraître. Il constitue une tentative pour transcender les difficultés de l’existence par une pirouette. Si le Juif est capable de faire de l’humour, en riant d’abord de lui-même, c’est qu’il se rend bien compte que le monde est a krumi bokligui waelt (un monde tordu et bossu). Ses plaisanteries tentent de le réparer, exorcisent la misère et le malheur, et rendent la vie plus légère.