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Publié le 11 janvier dans Les Echos
En ce début d'année, les cinéastes français évoquent à plusieurs reprises la période de l'Occupation et l'horreur de l'antisémitisme. En attendant de découvrir le 26 janvier « Une jeune fille qui va bien », le beau premier film en tant que réalisatrice de Sandrine Kiberlain qui dresse le portrait d'une jeune actrice juive en 1942, Fred Cavayé met en scène les années noires dans « Adieu Monsieur Haffmann », une adaptation de la pièce à succès de théâtre du même nom de Jean-Philippe Daguerre, plusieurs fois honorée lors de la cérémonie des Molières en 2018.
Paris, 1941. Un joaillier, Joseph Haffmann, gère avec succès sa bijouterie où se presse une fidèle clientèle. Effrayé par la progression inexorable de l'antisémitisme et par les lois scélérates en vigueur, le héros parvient à envoyer sa famille en zone libre et, dans l'attente de les rejoindre, confie sa boutique et son appartement à son employé, François Mercier, un homme simple et a priori bienveillant qui s'installe entre les murs. Mais rien ne se passe comme prévu…
L'atout des acteurs
Dans l'impossibilité de retrouver les siens et traqué comme tous les Juifs parisiens par la police, Joseph Haffmann est contraint de se cacher dans la cave de sa bijouterie. François Mercier et son épouse (Blanche), une femme courageuse, l'aident d'abord à survivre dans la clandestinité, mais, progressivement, l'ancien employé profite des « circonstances » pour faire fructifier son business en collaborant avec l'occupant allemand et, pire encore, impose à Haffmann un chantage odieux pour continuer à le protéger.
Un Français « ordinaire » qui, peu à peu, bascule dans l'abjection et la résistance de deux personnages qui refusent le pire… Dans « Adieu Monsieur Haffmann », Fred Cavayé (« Pour elle », « Radin ») met en scène une histoire terrifiante qui reflète les réalités d'une époque non moins terrifiante. Le film ne se distingue pas par son invention formelle, mais il a l'incontestable mérite de ne pas s'abîmer dans d'inutiles surenchères. Surtout, il compte un atout majeur dans son jeu : son trio d'acteurs. Si Gilles Lellouche (Mercier) et Sara Giraudeau (Blanche) campent leur personnage respectif avec une salutaire sobriété, c'est surtout Daniel Auteuil qui impressionne en incarnant Joseph Haffmann, cet homme reclus dans une cave où, spectateur impuissant du désastre, il lutte pour ne pas sombrer dans la folie. Deux ans après « La Belle Epoque », de Nicolas Bedos, un nouveau rôle marquant pour le comédien.
ADIEU MONSIEUR HAFFMANN, de Fred Cavayé, avec Daniel Auteuil, Gilles Lellouche, Sara Giraudeau… 1 h 48.