Richard Prasquier

Ancien Président du CRIF

Blog du Crif - Sur quelques facettes de Eric Zemmour

08 Novembre 2021 | 659 vue(s)
Catégorie(s) :
France

Les jolies colonies de vacances... Il fait beau, il fait chaud, ça sent vraiment les vacances ! Cette semaine, nous vous proposons une série d'articles sur les mouvements de jeunesse juifs en France ! Aujourd'hui, découvrez le parcours d'une ancienne E.I. !

Bienvenue sur le blog La Chronique (pas tès casher) de Raphaela ! Sur ce blog, Raphaela vous propose ses billets d'humeur sur tout ce qui l'entoure, l'émeut, la touche, la fait rire et la révolte. Et elle a des choses à vous dire...

 

Dans le cadre du match de foot qui doit opposer le RC Strasbourg au Maccabi Haïfa FC, le Préfet de la Région Grand-Est a publié ce matin un arrêté inquiétant et profondément dérangeant. Je me suis entretenu avec le Secrétaire d’Etat auprès du Ministre de l'Intérieur, et avec le Directeur de Cabinet du Préfet du Bas-Rhin. Un nouvel arrêté devrait être publié, supprimant notamment l'interdiction des drapeaux nationaux et des signes de soutien aux deux équipes.

"Les juges d’instruction viennent enfin de rendre leur décision dans le meurtre barbare de Sarah Halimi, dans une ordonnance rendue le 12 juillet dernier. Elles estiment qu’il existe des "raisons plausibles" de penser que le discernement du suspect était "aboli" au moment des faits. Si elle est sans surprise, cette décision reste difficilement justifiable."

Ma réaction après l'annonce du report du vote de l'Assemblée nationale pour l'adoption de la définition de l'antisémitisme de l'IHRA. L'Assemblée nationale a également annoncé qu'avant d'être examinée, la proposition de résolution serait réécrite.

Découvrez ma lecture du livre de Ginette Kolinka, "Retour à Birkenau".

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Actualité

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Opinion

Découvrez mon discours prononcé lors de la plénière de clôture de la 11ème Convention nationale du Crif, le 14 novembre 2021, en présence du Premier ministre Jean Castex.

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Il est difficile de débattre avec Eric Zemmour. Il connait ses dossiers et aussi les trucs de métier pour rendre ses arguments attractifs. Il devient difficile de débattre de Eric Zemmour. Les accusations giclent : pactiser avec un fasciste ou se complaire dans le déni…

Dans le petit monde juif, la discussion charrie de plus, souvent, de vieux sédiments d’hostilité à l’égard d’un « establishment » communautaire (le Crif…) aux ordres du pouvoir ou d’une « rue juive » exprimant des émotions primaires.

Une telle polarisation peut disloquer la communauté. Cela réjouirait certainement Eric Zemmour, mais pas ceux qui attachent de l’importance à un judaisme de dialogue plutôt qu’à un judaisme d’anathème.

Je n’aime pas les objurgations moralisantes et les effets de manche qui vont avec. L’électeur sait « la » raison pour laquelle il se détermine, et il occulte souvent celles qui pourraient modifier son vote. Comme chacun, le candidat politique n’est pas un être unidimensionnel, mais si d’autres parmi ses facettes prévalent à l’usage, il sera trop tard pour changer de bulletin.

Eric Zemmour, c’est un thème, une idée directrice et c’est un positionnement identitaire qui nous interpelle particulièrement, nous, les Français juifs, comme on le dit aujourd’hui, ou Juifs français, comme on le disait autrefois (l’hébreu s’écrit de droite à gauche…)

Le thème, outre la désindustrialisation de la France, c’est l’immigration, depuis trente ans d’origine surtout musulmane qui menacerait l’unité et l’identité du pays et représenterait un coût social, sécuritaire, éducatif et moral écrasant. C’est aussi la critique d’une omerta bien pensante qui en nie le caractère nocif.

Les bons sentiments n’y font rien : sécurité et immigration sont de vrais sujets et Zemmour peut se prévaloir d’avoir été un lanceur d’alerte. Moi qui n’ai jamais été victime d’agression, j’aurais d’autant plus tendance à être « humaniste » que comme ancien réfugié polonais, je suis un produit de la diversité. Mais comment ignorer la colère qui touche les Juifs encore plus que les autres citoyens français des territoires perdus de la République ? Comment accepter la dégradation de l’éducation, de la sécurité, de la civilité et de la justice (Sarah Halimi) dans notre pays ?

Ce que dit Zemmour a été dit par Mitterrand en 1989 (le seuil de tolérance), par Chirac en 1991 (le bruit et l’odeur), par Sarkozy en 2005 (le karcher) . Aucun n’a été poursuivi mais aucun n’a su agir. Certains propos de Zemmour ont été condamnés à juste titre, tels la discrimination à l’embauche, d’autres condamnations ont été retoquées en appel ou cassation. Sur les musulmans, lorsque il dit « les », il m’horripile, lorsqu’il dit « des », il m’interpelle. On peut le désapprouver et être sceptique sur ses solutions, on ne doit pas balayer avec condescendance ses mises en garde.

Son idée directrice n’est ni le fascisme, ni le racisme, mais le nationalisme, tel qu’il s’exprime chez son historien préféré, Jacques Bainville, disciple de Maurras. Bainville subordonne l’histoire de France à l’effort des rois pour unifier le pays et lui assurer des frontières naturelles contre ses ennemis, l’Angleterre, sur la terre puis sur la mer, et le monde germanique quand il essaie de s’unifier. Il justifie ainsi la Saint Barthélémy, les guerres de Louis XIV et la révocation de l’édit de Nantes. La froideur de Zemmour au sujet d’événements intolérables de notre histoire contemporaine trouve ici une sorte de paradigme. Les Juifs n’existent pas dans le gros livre de Bainville. Ils sont cités deux fois : dans une énumération sur Philippe le Bel, et une brève description de Dreyfus (un « officier juif ») : au moins n’y-a-t il pas de doutes explicites sur son innocence, doutes que Zemmour, lui, s’est permis de soulever.

Cette surenchère nauséabonde, sur un thème que même son ami Jean Marie Le Pen n’a pas osé aborder, pose la question de la provocation identitaire à laquelle Eric Zemmour se livre avec délectation. Bergson, Durckheim, Marc Bloch et Claude Levi Strauss ont tenu leur origine juive pour non significative, mais aucun d’eux n’aurait insulté les familles Sandler et Monsonego pour avoir inhumé leurs enfants à Jérusalem.

Aucun d’eux, sachant ce que cette dénomination véhiculait, n’aurait qualifié de traitre à la France un opposant intellectuel, juif par surcroit, comme BHL. Cela traduit chez Zemmour, bien qu’il le récuse, une vraie faille psychologique, la nécessité d’en rajouter pour se faire admettre par les plus virulents des compagnons qu’il s’est choisis.

Cette provocation par la violence verbale est son style revendiqué. Elle lui donne l’image d’un héros du parler vrai.

C’est un procédé rhétorique.

Dans un récent débat, Alain Duhamel dit que le Président Macron a bien fait de rappeler les assassinats du 17 octobre 1961, sans les qualifier de crime d’Etat. Son explication est historiquement impeccable. « Il ne faut pas mentir » lui rétorque Eric Zemmour, qui se lance dans un discours hors sujet sur les crimes du FLN, contre la population, contre les policiers, contre les partisans de Messali Hadj, sans dire un seul mot de la soirée du 17 octobre elle-même. « Mais en quoi ai-je menti ? » demande Duhamel. « Mensonge par omission » répond le procureur Zemmour. Commentaires des auditeurs : victoire à Zemmour, celui qui « connait tant de choses…. ».

Tant de choses vraiment ? Pour ne dire que ce qui l’arrange ?

 

Richard Prasquier