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Etait présent un public nombreux composé d’élus de toutes sensibilités, d’anciens déportés et résistants, des Consuls généraux d’Israël et d’Allemagne, de représentants institutionnels et religieux, de membres des communautés juive, chrétiennes, musulmane, arménienne et tsigane ainsi que de nombreux autres citoyens.
Fut écouté avec gravité le témoignage d’Herbert Traube, interné au Camp des Milles, dont la 2e évasion se fit d’un train parti des lieux mêmes de la cérémonie vers les camps de la mort, et sauvé par des « Justes » puis par des anonymes. Il évoqua le « contexte mêlant angoisse, désespoir, rage et impuissance devant l’arrestation et l’enfermement conduit par des autorités que nous pensions être en droit de considérer plutôt nos protecteurs que nos bourreaux… Les gens, tout en cherchant à se rassurer les uns les autres, se livrent à des conciliabules dont le questionnement final est toujours le même : que pouvons-nous faire ? …Ma conclusion : Ayons foi en l’Humanité, mais restons vigilants.»
Françoise Manen, fit alors la lecture d’un extrait du Journal du pasteur Manen « Juste des Nations », aumônier du Camp des Milles. Elle prononça les mots de son beau-père « La nuit est venue. C’est hallucinant. J’ai chronométré ; en trente secondes se décide maintenant le sort d’un homme ! Détresse, humiliation, dégoût, indignation, écœurement –infinie tristesse-. Des ruines –des vies piétinées- des tâches ineffaçables –des crimes inexpiables.»
Ecrits sur les lieux même de la déportation par le régime de Vichy, de plus de 2 000 hommes, femmes et enfants juifs du Camp des Milles vers Auschwitz via Drancy, en août et septembre 1942, ces mots résonnèrent avec force.
Les noms et âges de la centaine d’enfants et d’adolescents juifs déportés du Camp des Milles furent alors égrenés un à un dans le silence par une jeune fille à la voix frêle et émouvante.
Ce temps mémoriel se termina par la lecture des noms des «Justes» ayant agi en faveur des internés du Camp des Milles. Bertrand Manen, fils du Pasteur Manen rappela «que face au mal, il est possible d'agir au nom des valeurs de justice, de tolérance et d’humanité».
Puis les différents élus, hauts fonctionnaires et représentants d’associations déposèrent une gerbe au pied de la stèle. Cette année, une gerbe portée par Semi Szmulewicz, interné à 5 ans au Camp des Milles, Faye et Max Lazega enfants d’un interné des Milles, fut déposée au nom de tous les internés et déportés des Milles.
Alain Chouraqui, Président de la Fondation du Camp des Milles rappela avec force que «le Camp des Milles était un Vel d’Hiv du Sud, lieu de rassemblement des Juifs raflés pour être déportés durant l’été 1942. Mais un Vel d’Hiv sous autorité française, avant l’occupation allemande de la zone dite «libre». Il souligna que «l’attachement à la mémoire et aux leçons de l’histoire est avant tout destiné à préserver nos enfants et petits enfants de situations terribles dont ils peuvent être les victimes mais qui peuvent aussi les transformer en bourreaux ou en complices… La présence des familles d’internés et de Justes témoigne de la double transmission de l’expérience du pire et de l’expérience du meilleur de l’homme. Ce sont les repères forts que notre Site-mémorial souhaite apporter à ses visiteurs dans un monde marqué par les peurs, les crispations identitaires et les extrémismes.»
Dan Amiach, au nom de la Communauté juive d’Aix en Provence, rappela l’importance de la transmission des valeurs et affirma « grâce à cette transmission, le vivre ensemble est possible. Il s’agit de faire en sorte qu’à chaque instant de notre vie, on puisse partager avec l’Autre quelle que soit sa couleur, quelle que soit sa religion, quelles que soient ses convictions religieuses ou politiques, quel qu’il soit, partager avec lui, ne pas avoir peur de lui mais au contraire s’enrichir de lui. Ce lieu n’est pas un lieu communautaire. Il appartient à toute la société. »
Puis Sophie Joissains, Sénatrice des Bouches du Rhône rappela que «La Rafle du Vel d’hiv est le symbole de la perversion de toutes les valeurs de l’Etat et de la République. Ça a été l’ouverture de la cupidité, de l’avidité, de la méchanceté, de la bassesse humaine la plus terrible». Elle souligna que «cela été possible par le biais de la loi. Et c’est là que nous les élus, nous avons un devoir de vigilance extrême car c’est la loi qui a perverti les valeurs de la République française. Les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.» Elle salua « les décennies d’efforts réalisés pour transformer ce lieu de souffrances en un lieu de conscience, bien nécessaire aujourd’hui.»
Enfin, Yves Lucchesi, au nom de l’Etat, lut le message de Monsieur Kader Arif, Ministre délégué auprès du Ministre de la Défense en charge des Anciens Combattants. « 1942 fut sans doute l’année la plus sombre de la seconde guerre mondiale. La pieuvre nazie s’étendait sur l’Europe, le régime de Vichy s’identifiait dans la collaboration, la politique anti-juive basculait dans la négation de l’autre… Parce que nous devons tirer les leçons de notre propre histoire, il est nécessaire aujourd’hui de poursuivre notre travail de mémoire… se faire un devoir de porter au quotidien, sans faiblesse, un message de tolérance, de fraternité et d’humanité.»
Cette cérémonie fut suivie par la remise officielle à la Fondation du Camp des Milles de lettres d'internés du Camp des Milles et d'œuvres réalisées par des artistes internés, rassemblées par l'Association Philatélique du Pays d'Aix. A l’heure où le site Mémorial va ouvrir ses portes au public après trente années de mobilisation et de combat pour la mémoire, c’est un travail précieux, discret et persévérant de l’Association Philatélique qui est remis à la Fondation du Camp des Milles.