Jean Pierre Allali

Jean-Pierre Allali

Lectures de Jean-Pierre Allali - Paul Hilig, de Cloyes à Auschwitz, par Laurent Berec

20 Octobre 2020 | 185 vue(s)
Catégorie(s) :
France

Le 33ème Dîner du Crif a eu lieu mercredi 7 mars 2018.

Jean-Pierre Allali partage avec vous ses appréciations littéraires au fil de ses lectures. Aujourd'hui, il nous parle du livre de Techouva, de Frédéric Lauze.

Au théâtre de l'Atelier, Le livre de ma mère réveille les souvenirs et sublime la relation la plus sincère qui est donnée à l'homme de connaître.

Vendredi 23 février, j'ai rencontré Tomasz Młynarski, Ambassadeur de Pologne en France.

Jean-Pierre Allali partage avec vous ses appréciations littéraires au fil de ses lectures. Aujourd'hui, il nous parle du livre de Dina Porat, Le Juif qui savait Wilno-Jérusalem : la figure légendaire d’Abba Kovner, 1918-1987.

La première djihadiste française capturée à Mossoul par les forces irakiennes en juillet 2017, Mélina Boughedir, a été condamnée, lundi 19 février, à sept mois de prison pour l’entrée illégale en Irak. La cour pénale de Bagdad a ordonné la remise en liberté et l’expulsion en France de la jeune femme de 27 ans, sa peine étant couverte par sa détention préventive, rapporte Le Monde du 19 février. Qui sont ces femmes désintégrées, déstructurées et aveuglées par la propagande développée par les djihadistes et qui ont été des proies faciles. C'est ainsi qu'elles se sont déshumanisées et ont participé à cette orgie barbare et moyenâgeuse qu’est le djihadisme.

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Le 4 février 2018, le Crif et les Amis du Crif ont organisé un voyage de mémoire dans les camps d’Auschwitz-Birkenau. Près de 200 personnes ont participé à cette journée exceptionnelle, qui a marqué les mémoires de chacun. Une délégation d’élus et de personnalités publiques m'a également accompagné. Nous avons aussi eu l'honneur d'être accompagnés par Ginette Kolinka, réscapée d'Auschwitz.

En fin de journée, nous avons tenu une courte cérémonie d'hommages ponctuée de plusieurs discours et de prières animées par le Rabbin Moché Lewin. En conclusion de cette intense journée, le Shofar a resonné au milieu du silence etourdissant de l'immense complexe de Birkenau.

Depuis quelques semaines, le texte épistolaire de Sholem Aleichem a investi la petite – mais non moins prestigieuse – scène du Théâtre de la Huchette, à Paris.

Hier, je me suis exprimé sur la récente vague d'antisémitisme qui secoue la France. J'ai demandé à l'ensemble de la communauté nationale de faire front contre la haine antisémite. J'ai également rappelé l'importance pour la justice française d'appliquer des peines suffisamment lourdes pour être dissuasives.

Pages

Paul Hilig, de Cloyes à Auschwitz, par Laurent Berec (*)

 

À travers la destinée tragique de Paul Hillig, c’est l’histoire d’une famille, sa famille, que nous raconte l’auteur. Une famille où les divorces et les remariages auront été nombreux, entraînant des difficultés pour débrouiller l’écheveau des filiations. Et si l’on en juge par la place accordée, en fin d’ouvrage, aux remerciements, sa quête d’informations aura été aussi longue que minutieuse. Il était une fois un couple de Juifs ukrainiens, Abraham Hillig et Rachel Marie Koretski. Ils eurent deux enfants, Henri et Abel. Ce dernier, né à Kiev en 1872, rejoindra Paris à pied. C’est là qu’il épousera Marie, une Russe, qui, hélas, mourra très jeune, à 18 ans. Abel, après avoir tenté de se suicider, reprendra son travail de tapissier puis d’ébéniste avant de rencontrer Célina dite Céline Rakowski, Juive polonaise originaire de Bakalarzewo, née en 1876, fille d’Elias Rakowski et de Dina Kalechstein.

Célina habite chez un oncle, un casquettier qui deviendra marchand de meubles Jacob dit Jacques Rakowski, fils de Moïse et  Esther Rakowski, qui, en 1879, a épousé une Juive russe, Rosalie Orskovich.

Abel Hillig et Céline Rakowski convolent en justes noces le 21 avril 1898. Céline sera couturière et, à l’occasion, femme de ménage. Abel et Céline vont avoir deux enfants : Henriette, née en 1899, ma grand-mère, précise l’auteur du livre, et Paul, né le 28 décembre 1900, personnage principal de l’ouvrage. Les choses se compliquent quand Abel quitte le domicile conjugal peu après la naissance de Paul pour se mettre en ménage avec Jeanne Guéry qu’il épousera en 1904 après son divorce prononcé en 1902. Abel mourra très jeune, quelques années plus tard, en 1907. Céline, elle, va donner le jour à un troisième enfant, une fille, Jeanne, née en 1904. Mais qui est le père de cet enfant illégitime qui, par ailleurs, trouvera la mort accidentellement à l’âge de 18 mois ? Probablement l’oncle Jacques qui, après avoir déserté son domicile, abandonnant sa femme et ses trois fils, part en province avec sa nièce. Il a 49 ans et elle 30 ans. Direction Cloyes, dans la Beauce, sur les berges du Loir.

Et c’est ainsi que des Juifs d’Europe de l’Est sont devenus de bon Cloysiens

Jacob et Céline auraient pu connaître une vie tranquille de bons Français. C’était, hélas compter sans la dureté du sort. En mars 1909, après avoir mis au monde un garçon mort-né, Céline décède à Paris. Elle avait 32 ans. 

Jacob sera nommé tuteur des deux orphelins, Henriette et Paul, par un juge de paix de Cloyes. Le petit Paul, à onze ans, tout en préparant son certificat d’étude et, plus tard, le brevet supérieur,  aidera son oncle-père en s’occupant, à l’occasion, de peaux de lapins et de vieux chiffons.

Et les petits enfants deviennent grands. En juillet 1922, Henriette se marie. Elle épouse Samuel Bereck. Deux ans plus tard, c’est au tour de Paul. Il épouse une jeune Juive roumaine, Adèle dite Atla Boïze, fille de Moshe Maurice Boïze, ferblantier, et de Jeannette Wolfenson. Le mariage religieux est célébré à la synagogue des Tournelles à Paris par le rabbin Julien Weill le 17 août 1924.Paul et Adèle choisissent de s’installer à Cloyes. 

C’est au domicile parisien des parents d’Adèle que naîtront, en 1925, un petit Henri et, un an plus tard, une petite Jacqueline Céline. Henriette, elle, mettra au monde, en 1927, un petit Albert que les Hillig  élèveront avec leurs enfants à Cloyes.

Brocanteur « de luxe », Paul Hillig achète et vend des marchandises en tout genre : meubles, vieux bois, fonte, ferraille, os, abats de volailles, bibelots, ustensiles de cuisine… « Il est grossiste, semi-grossiste et détaillant. Que ne vend-il pas ? »

À la fois admiré pour son élégance et sa courtoisie et jalousé par ses concurrents, il va, malgré une santé fragile, son bonhomme de chemin et « prospère dans une relative discrétion ». 

En  1935, Paul Hillig est élu président de La Cloysienne, société paramilitaire transformée en club de football local. Quatre ans plus tard, il sera également le président des Enfants du Loir, une association musicale.

1936. Des bruits de bottes inquiétants venant d’Allemagne commencent à parvenir en France, mais ils ne semblent pas inquiéter outre mesure les Hillig. 

1938. Tandis que la môme Piaf déclare sa flamme à un légionnaire, que Trenet a d’la joie, que Raimu est au plus fort de son art dans « La femme du boulanger », que le duo Gabin-Morgan arpente le quai des Brumes et qu’Arletty s’inquiète de l’atmosphère, les Hillig adoptent une petite chienne, Miquette. Les affaires continuent de prospérer et Paul ouvre un magasin d’antiquités avant d’emmener sa petite famille en vacances en Normandie.

Septembre 1939. L’Allemagne a envahi la Pologne et la France entre en guerre. Alors qu’il avait été définitivement réformé le 13 février 1930 pour son mauvais état de santé, Paul Hillig, quarante ans, marié, père de deux enfants est mobilisé. Il arrive au dépôt d’artillerie du Mans le 13 avril. Il sera démobilisé le 9 août. Entre-temps, les Allemands sont entrés à Cloyes le 18 juin 1940. Le magasin d’antiquités, fierté de Paul Hillig, désormais « Jüdishes Geschäft », passe entre les mains d’une administratrice aryenne. Plus tard, Paul Hillig sera radié du registre du commerce. Le 29 mai 1942, une ordonnance allemande enjoint aux Juifs de porter l’étoile jaune. Les Hillig obtempèrent. Mais le pire est encore à venir. Le 24 juin, Paul, Adèle et Henri sont arrêtés. Jacqueline qui se trouve alors à Châteaudun échappe à cette rafle. Emprisonnés à Chartres, ils sont transférés avec 20 autres Juifs à Beaune-la-Rolande. Déportés vers les camps de la mort, ils se retrouvent le 30 juin à Auschwitz. C’est là que Paul Hillig meurt, le 25 juillet. Il avait 41 ans. Son fils, Henri, est décédé le 28 août. On ne connaît pas la date de la mort d’Adèle.

Le 30 août 1986, le stade municipal de Cloyes a reçu le nom de Paul Hillig.

Un important recueil iconographique est proposé en fin d’ouvrage ainsi que des arbres généalogiques très utiles compte-tenu des liens complexes entre les différentes familles rencontrées dans ce récit.

Émouvant et intéressant

 

Jean-Pierre Allali

(*). Éditions Orizons. Décembre 2019. 216 pages. 20 €.