Jean-Pierre Allali
Coran et Bible en questions et réponses, par Daniel Sibony*
Natif du Maroc, le psychanalyste Daniel Sibony a l’immense avantage de posséder la langue arabe comme l’hébreu. Ce qui le qualifie pleinement pour parler, en toute connaissance de cause, des deux textes fondateurs, la Bible et le Coran. L’ouvrage qu’il nous propose est composé de questions supposées posées par un interlocuteur et des réponses de l’auteur.
Le Coran, nous explique Sibony, a été composé, sous la dictée divine, certes, et à travers l’ange Gabriel, par un véritable stratège, Mohammed, qui, bien qu’analphabète, a su tirer des rabbins et des ecclésiastiques qu’il a fréquentés, la substantifique moelle du texte sacré des Musulmans. Entièrement habité par la Bible, Mohammed, que Sibony, d’une certaine manière, admire, a su synthétiser les savoirs antérieurs pour aboutir à un texte en langue arabe destiné au départ à des Arabes. Dès lors, il fallait introduire la notion de « vrais croyants », les Muslimines en opposition avec les « Kafirines », les « insoumis ». L’idée géniale est d’avoir fait d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, de David et de Jésus, des Musulmans avant la lettre. Dès lors, les Juifs comme les Chrétiens, qui ne veulent pas entendre ce message, sont des « pervers », des « injustes » qui ont falsifié la parole divine. Certaines sourates que rappelle l’auteur, sont sans ambigüité : « Combattez ceux qui, parmi les gens du Livre ne pratiquent pas la vraie religion » ou encore « Tuez les associateurs, où que vous les trouviez » et « Malheur à eux pour ce que leurs mains ont écrit » ;
Au fil des pages, Daniel Sibony étudie le concept de « Djihad », les versets violents et ceux qui sont paisibles, la violence et la paix, le paradis et l’enfer, Jérusalem et même les Palestiniens : « Les Palestiniens sont captifs de l’opposition millénaire entre Bible et Coran, entre Arabes et Juifs. Ils sont devenus le symbole de ce différend. C’est pourquoi leur cause touche de près le monde arabe, et mobilise aussi ceux que le « peuple juif » agace. Le malheur du peuple palestinien, c’est que sa Cause est prise en charge par le djihad, qui, comme tel, ne peut pas reconnaître une souveraineté juive ; cela reviendrait à accepter le « peuple injuste » ou « pervers », que le Coran a condamné. Une question, de ce point de vue, insoluble, au demeurant.
Des auteurs musulmans courageux ont essayé d’avoir une position critique sur certains aspects de l’islam : Abdennour Bidar, Malek Chebel, Meddeb, Benzine, Sédik, Benslama, qui ont cherché à donner naissance à un « Islam des Lumières ». Un combat difficile car l’islam se veut essentiellement collectif.
Une lecture enrichissante et salutaire. A découvrir.
Jean-Pierre Allali
(*) Editions Odile Jacob. Mars 2017. 160 pages. 19,90 €.