Dov Maimon

Directeur de recherche au Jewish People Policy Institute (Jérusalem)

Le lendemain des élections israéliennes

20 Mars 2015 | 972 vue(s)
Catégorie(s) :
Israël

Par un enchaînement de hasards, notre bloggueuse Sophie, plus habituée aux sujets de cyber-sécurité et de contre-terrorisme, s'est retrouvée les mains dans la pâte (à pizza). Et ça lui a donné quelques idées plutôt gourmandes... Elle les partage avec vous cet été à travers ces chroniques culinaires ! 

Le 30 novembre, l’État d’Israël et les communautés juives du monde entier commémorent la Journée dédiée au souvenir de l'expulsion des Juifs des pays arabes et de l’Iran. A cette occasion, nous vous proposons la lecture de ce texte de Jean-Pierre Allali, vice-président de la JJAC (Justice for Jews from Arab Countries).

Par un enchaînement de hasards, notre bloggueuse Sophie, plus habituée aux sujets de cyber-sécurité et de contre-terrorisme, s'est retrouvée les mains dans la pâte (à pizza). Et ça lui a donné quelques idées plutôt gourmandes... Elle les partage avec vous cet été à travers ces chroniques culinaires !

 

Texte de Richard Prasquier, ancien président du Crif, également publié dans l'hébdomadaire Actualité Juive.

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Le 17 mars dernier, les israéliens ont voté et réélu Benjamin Netanyahou.

Beaucoup de français d'israël sont attristés par le résultat des élections israéliennes. 

Ceux qui ont voté Bouzy Herzog et aspiraient au changement, au renouvellement d'un processus de paix et à une plus grande répartition des acquis sociaux sont désespérés.
Les sondages annonçaient la victoire  de la gauche et du camp de la paix. La victoire de l'ouverture et du dialogue sur l'obscurantisme, la levantinisation et le repli identitaire. Il s'agit un tournant "à droite toute" qui annonce un repli identitaire, une situation conflictuelle avec les États Unis et l'Union Européenne, voire pire une dynamique qui pourrait mener Israel à être désigné comme un état paria. Bref le contraire du projet herzlien de faire du peuple juif un membre accepté et admiré de la famille des nations. 

Même parmi ceux qui ont voté Benjamin Netanihaou et ont vu le succès foudroyant de leur candidat, beaucoup l'ont fait comme un pis aller face à' celui que certains avait désigné comme le "Hollande israélien". 

Dans la presse internationale et sur les réseaux sociaux, les réactions sur les résultats des élections ont été très critiques. Même la réussite phénoménale des partis arabes qui aurait pu être décrite comme une avance démocratique à été décrite comme un "vote clanique".  "Les israéliens ont aucune culture politique. Les séfarades votent pour les séfarades, les arabes pour les arabes et les russes pour les russes" écrit le grand Mohamed Sifaoui sur sa page Facebook. On critique les élections à la proportionnelle en Israël car la proportionnelle c'est une gestion du réel avec des compromissions et un zigzag permanent. Et en effet, personne n'est jamais totalement satisfait avec la proportionnelle car personne n'a les mains libres de mener un projet societal jusqu'au bout. 

Alors je voudrais partager ici deux idées : d'abord placer la dernière élection dans une perspective historique et ensuite parler des avantages de la proportionnelle pour Israël . 

-- Le repli identitaire d'israël --

On reproche donc à Netanihaou de se replier sur une perspective sécuritaire qui n'est pas à la hauteur des aspirations du sionisme et encore moins du projet prophétique universel hébraïque. C'est pour nous tous un pincement de cœur. On est pas venu ici pour être dans un camp retranché. C'est malheureusement en partie le cas pour Israël et - face à la menace jihadiste globalisée - pour beaucoup de monde ces temps ci. On aurait voulu un projet social et éthique à la hauteur du projet biblique et on l'impression de s'en éloigner et ça fait mal. On peut pour la défense de notre premier ministre dire qu'il n'est pas vraiment cela et que son projet ne manque pas d'universalisme mais il y a du vrai dans la critique. 
En fait, on a deux définitions du sionisme. L'une réductrice "we are fed up by being ruled by goyim" (Y. Leibowitz) et celle plus noble "réaliser par la politique le projet du judaïsme". Les F15 c'est la première version et ça a le mérite d'exister. On ne peut se contenter de ça bien entendu. Mais la gestion du réel implique des compromissions que n'ont pas les discoureurs sur l'éthique. Avoir un corps c'est avoir des odeurs, ça dérange et ça prend de la place et c'est plus difficile que d'être une concept dans un livre. Le sionisme réel se mesure avec des compromissions et est loin d'avoir abouti à son projet moral. À mon avis, on a avancé sur la première définition et en est encore au balbutiements de la seconde. Mais c'est dans ce réel et cette concrétude que le projet biblique et l'histoire du peuple juif s'écrivent. Pour nos maîtres de la kabbale, les humains ayant un corps peuvent accomplir des choses que les anges ne pourront jamais réaliser. Personnellement, je suis assez satisfait de ne pas être un pur esprit et de pouvoir interagir avec le réel. 

-- Sur les vertus du communautarisme en politique --

J'ai travaillé cette question sur l'aliyah russe et les résultats sont surprenants voire paradoxaux. 
Les olim russes ont été profondément sectorialistes dans les années 90. En 1992, leurs voix en vote de contestation ont fait tomber Shamir. En 1996, Israël bealiyah dirigé par Nathan Sharansky à obtenu six sièges à la Knesset et Nathan à été ministre du travail. Il a réussi avec le chef de cabinet du premier ministre dexĺepoque qui n'était autre que Yvette liberman à changer la donne. Ils ont notamment consacré 4 milliards de shekels d'argent public à la reconversion professionnelle des russes. Un succès historique qui a permis à isreal de devenir la startup nation que l'on sait. Ont doublé le PIB israélien et ont eu en 2010 six ministres immigrants russes au gouvernement israélien. Toujours est-il que grâce à cette politique sectorialiste, leur haine des sabras et des autres groupes de la société israélienne, les russes ont accompli une ascension sociale phénoménale. Le paradoxe est qu'ainsi ils sont devenus partie intégrante de la classe moyenne israélienne et leurs intérêts de classe (sic!) les mènent à ne presque plus avoir aujourd'hui d'intérêt sectorialiste.  Lieberman n'est plus leur choix et leurs votes bien qu'étant à droite (ils ne sont pas sensibles à la rhétorique socialisante et au discours victimaire arabe) s'alignent sur ceux des autres israéliens de leurs groupes socioéconomiques. Intéressant non? J'ai publié une étude sur cette aventure incroyable et ses implications pour l'aliyah française dans je dernier rapport annuel du Jppi. 

-- Sur les avantages de la proportionnelle à l'israélienne ---

A propos des malheurs de la proportionnelle qu'on accuse de privilégier le sectorialisme et de négliger le projet societal partagé. Les donneurs de leçon se sont immédiatement mis à critiquer le "clanisme" des élections israéliennes au lieu d'essayer d'en tirer des leçons essentielles pour l'avenir de la France. 
Voici mon commentaire aux propose de Mohamed Sifaoui cités plus haut:  
"C'est vrai que la démocratie c'est plus compliquée à gérer que la dictature. La présidentielle à la française est une version aseptisée de la dictature de la majorité. Le concept rousseauen de "volonté générale" qui doit être privilégié par rapport à "la volonté de tous" n'exprime pas autre chose. Ce modèle fonctionnait quand 95% des français étaient catholiques mais est inopérant dans des pays plus diversifié comme Israël et la France d'aujourd'hui. Dans le modèle français, les minorités arabes par exemple ne reçoivent pas de représentation en politique, se sentent à juste raison exclus de l'appareil décisionnel (malgré  ici et là le parachutage d'un représentant de la diversité "de service" à qui on a fait la grâce de donner un poste), et sont fâchés avec le pouvoir en place. Le modèle des élections à la proportionnelle avec le sectorialisme que l'on peut critiquer est plus proche de la démocratie directe et est certainement plus efficace pour prendre en compte les intérêts des minorités."

 

Pour Israel, la proportionnelle permet l'expression des besoins légitimes des groupes minoritaires religieux, ethniques, sexuels, societaux, etc. Pour construire une coalition, Jérusalem c'est le carreau du temple  et ça nous convient bien. Ça convient pour un petit pays qui est en fait une seule circonscription. On fait du "sur mesure" et on négocie le meilleur deal. Les juifs ont une sacrée expérience professionnelle de ce métier - un héritage talmudique du consensus par concertation et on obtient au final "le désagrément minimal pour le plus grand nombre". C'est vrai que c'est pas toujours facilement gouvernable mais l'alternative c'est le "prêt à porter" et pour tout vous dire ça ne nous sied pas. Les israéliens ont choisi le sécuritaire mais lui rajoute des épices sociales et culturelles et ça donne une tchaktchouka avec ce qu'on a en magasin.
Ce n'est qu'un début continuons le débat!