De La Roquette à Sarcelles : un retour sur des émeutes antisémites

09 Février 2015 | 1686 vue(s)
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France

Billet d’Ariel Amar*, pharmacien

 

Dimanche 19 avril, le Crif et le Mémorial de la Shoah ont organisé une cérémonie virtuelle pour commémorer le 77ème anniversaire du Soulèvement du ghetto de Varsovie. Un moment très émouvant au cours duquel, ensemble, nous avons rendu hommage aux Hommes qui se sont soulevés pour leur liberté.

Bienvenue sur le blog La Chronique (pas tès casher) de Raphaela ! Sur ce blog, Raphaela vous propose ses billets d'humeur sur tout ce qui l'entoure, l'émeut, la touche, la fait rire et la révolte. Et elle a des choses à vous dire...

Bruno Halioua nous parle avec émotion de Milo Adoner.

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Actualité

Lors de la cérémonie nationale d'hommage commémorant le Vel d'Hiv, le Président du Crif s'est dit "choqué et révolté par les images indécentes des récalcitrant à la vaccination arborant l’étoile jaune et faisant des raccourcis honteux. C’est un outrage à la mémoire des victimes de la Shoah".

Discours de Marcel Dreyfuss,  Président d’honneur du Consistoire, représentant du Crif ARA - Dimanche 18/7/2021 au CHRD

Discours prononcé à la cérémonie du 18 juillet par M. Albert Massiah, Président du Crif Bordeaux-Aquitaine, lors de la « Journée nationale à la mémoire des crimes racistes et antisémites commis par l’État français de Vichy et en hommage aux Justes de France. »

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Retour sur les événements qui sont intervenus en juillet 2014 et les manifestations propalestiniennes qui ont dégénéré.

Plus de six mois après les émeutes antisémites de Sarcelles, un jeune a été condamné vendredi 7 février 2015 pour son implication dans le saccage d’un restaurant des Flanades et le caillassage de policiers.

Le 20 juillet, ce jeune habitant de Sarcelles était de ceux qui ont fait basculer la manifestation propalestinienne en une véritable émeute marquée par des actes antisémites, rapporte Le Parisien (9 février 2015). Il s'était attaqué à la pizzeria de la place de France. « Il entre une première fois dans le restaurant, il aide les personnes présentes. Il sort, revient une seconde fois. En partant, il prend soin de remettre son écharpe. Il sait qu'il commet un délit, que des caméras peuvent le filmer », souligne le procureur dans ses réquisitions. Il poursuit en évoquant le caillassage de la voiture de police. « On le voit tenir une pierre, ramasser d'autres objets, courir près du véhicule. Les policiers ont pu s'échapper mais ont eu très peur. Je considère qu'il a eu une participation active », ajoute le procureur qui a requis deux ans de prison, dont six mois avec sursis.
Cette condamnation nous offre l’occasion de revenir sur les événements qui sont intervenus en juillet 2014 et les manifestations propalestiniennes qui ont dégénéré.
 
Le contexte des manifestations propalestiniennes du mois de juillet 2014
 
Dans la nuit du vendredi 11 au samedi 12 juillet 2014, un cocktail Molotov est lancé contre la synagogue d'Aulnay-sous-Bois en Seine-Saint-Denis, causant de légers dégâts. Le lendemain, dans le 11e arrondissement de Paris, rue de la Roquette, une centaine de jeunes, portant pour beaucoup les couleurs du Hamas ou le drapeau palestinien, tentent d'attaquer et d'investir la synagogue qui se trouve dans cette rue, avec une violence inouïe. Mais, ils sont repoussés par les CRS présents sur place. Le 19 juillet, malgré l'interdiction,  des centaines de personnes se rassemblent à Barbès, très encadrées par les forces de l'ordre. Peu avant 16 heures, la manifestation commence à dégénérer, faisant fuir une partie des militants.
D'autres lancent des projectiles sur les forces de l'ordre, qui répliquent avec des gaz lacrymogènes. En fin de journée, une vingtaine de manifestants, certains portants le drapeau palestinien sur les épaules, jettent sur les forces mobiles de grosses pierres récupérées sur un chantier. D'autres cassent un trottoir pour récupérer des pavés. Selon une source policière, 38 personnes sont interpellées pour jets de projectiles, violences contre les forces de l'ordre et outrage. Dix-sept policiers et gendarmes sont blessés.
Plus tard, 19 personnes sont placées en garde à vue. Elles sont soupçonnées de violences aggravées (en réunion ou avec arme) sur personne dépositaire de l'autorité publique, outrages, rébellion, dégradations aggravées ou encore participation à un attroupement.

 
Samedi 19 juillet 2014. Interdite la veille par la préfecture de police de Paris, une manifestation pro palestinienne se tient d’abord dans le calme mais lorsque le cortège commence à remonter le boulevard Barbès vers le métro Château rouge, elle tourne aussitôt à l’affrontement. C’est alors qu’une centaine de personnes s’en prenne sauvagement aux CRS et aux gendarmes mobiles  avec des jets de pierres et bouteilles, chaises, pavés, et même avec le revêtement de la chaussée.
Les casseurs qui sont déchaînés saisissent tout ce qu’ils peuvent lancer, dans un grand nuage de gaz lacrymogènes, abondamment tirés par les policiers. Plusieurs feux de poubelles sont déclenchés.
Au final, 44 personnes seront interpellées et 17 membres des forces de l’ordre blessées.

 
Samedi 26 juillet. Place de la République, à Paris, 5 000 personnes répondent là encore à l’appel du NPA (Nouveau parti anticapitaliste). On trouve dans le cortège des casseurs, des militants politiques ou de simples citoyens.
Là, cohabitent différentes associations : le Parti des indigènes de la République (PIR), le Mouvement des jeunes Palestiniens (PYM France), Génération Palestine, la Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR), l’Union générale des étudiants de Palestine (GUPS) ou le Forum Palestine citoyenneté… Bref, le cortège est constitué de groupes très diversifiés. Mais, très vite Le rassemblement dégénère et la police procède à 70 interpellations. Trois personnes sont condamnées à deux mois de prison ferme. Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, avait prévenu : les organisateurs des manifestations interdites en soutien à Gaza des 19 et 26 juillet, à Paris, seraient tenus, s’ils maintenaient leur appel à manifester, pour « responsables d’éventuels débordements (…) et passibles de sanctions pénales ».
 
Les émeutes de Sarcelles. Qui ? Quoi ? Où ?
 
Commerces et voitures incendiées, mobilier urbain saccagé, tirs de mortier... Sarcelles (Val-d'Oise) est le dimanche 21 juillet le théâtre de violentes émeutes. Ces violences ciblant la communauté juive se déroulent en marge d'une manifestation contre l'intervention militaire d'Israël à Gaza.
Ce rassemblement, interdit, avait pourtant débuté dans le calme à 15 heures. Alors que des centaines de sympathisants propalestiniens s'étaient rassemblés près de la gare de Garges-Sarcelles, des heurts éclatent entre des jeunes et des policiers, au moment de la dispersion de la manifestation.
 
« Des groupes très mobiles et très violents » ont multiplié les provocations à partir de 16 heures, selon Yves Rousset, sous-préfet d'Argenteuil. Malgré les consignes et l'appel au calme lancé, plusieurs groupes se sont formés dans les rues adjacentes à la gare RER. Les premiers projectiles ont alors volé, des véhicules garés sur les trottoirs sont cassés. Plusieurs conteneurs à poubelles sont ensuite disposés au milieu de la chaussée et incendiés. Plusieurs compagnies de CRS sont sur place, épaulés par les effectifs locaux et par la police des transports au niveau de la gare RER. La situation dégénère aux abords de la synagogue de l'avenue Paul-Valery. Des cocktails Molotov et des fumigènes sont lancés en direction du lieu de culte protégé par les policiers. Une trentaine de jeunes, certains armés de matraques se massent devant l'entrée, à l'appel de la Ligue de défense juive (LDJ). Sarcelles, parfois surnommée «la petite Jérusalem», compte une importante communauté juive sépharade.
 
Selon le journaliste du Parisien (20 juillet) présent sur place, en contrebas de la synagogue, des émeutiers s’attaquent aux abribus, démontent des stations de tramway et cassent des vitrines de magasins. Les CRS ripostent avec des gaz lacrymogènes et des tirs de flash-ball. Aucun dégât n'est constaté sur la synagogue. Gil, un membre de la communauté juive de la ville présent sur place, confirme une tentative d'attaque de la synagogue. « Il y a eu des feux de poubelles devant un autre petit office religieux de Sarcelles et la synagogue de Garges, mais sans gravité », confie-t’il. Pour Gil, « l'inquiétude est omniprésente » avec ces manifestations qui virent à la violence. « Oui, la communauté juive est inquiète. On ne sait pas ce qui va se passer après, le soir ou demain. L'inquiétude est là. »
Vers 17 heures, après s'être éparpillés, les émeutiers remontent vers la gare RER. Les tirs de mortiers et de cocktails Molotov se poursuivent. Les CRS les encerclent avant de charger. Résultat : les individus se dispersent dans les cités aux alentours. A 17h30, un relatif retour au calme était perceptible dans le quartier de la gare. Vers 17h30, c'est le centre commercial des Flanades qui est touché. Des individus tentent de pénétrer à l'intérieur. L'épicerie casher Naouri, celui qui avait été la cible d'une attaque il y a deux ans, est visée par un cocktail Molotov, provoquant un incendie, selon les journalistes du Parisien. « C’est une honte, c’est scandaleux, s’exaspérait François Pupponi, le député-maire PS de Sarcelles. Ce sont des hordes de sauvages. Toutes les dispositions ont été prises pour protéger les lieux de la communauté juive (comme la synagogue) qui étaient clairement leur cible. Du coup, une fois refoulés, ils s’en sont s’en pris à des commerçants de la communauté juive et assyro-chaldéenne. Je tiens pour personnellement responsables ceux qui ont organisé cette manifestation et qui en dépit de l’interdiction, se sont rendus sur la place de la gare RER. »
 
Les échauffourées auront duré cinq heures durant. Dix-neuf personnes sont  interpellées. Trois policiers sont blessés et une dame âgée, sérieusement intoxiquée par les fumées, restait hospitalisée. S'agit-il d'un avant-goût de pogrom antisémite?
Le lendemain, le rabbin de Sarcelles et du Val-d’Oise, Laurent Berros, vient dire un message d’apaisement devant la synagogue de l’avenue Paul-Valéry. Juste à côté, place Raphaël-Yaakov-Israël, un monument rend hommage aux Juifs victimes de la barbarie nazie. « L’antisémitisme et la division ne doivent pas l’emporter, s’indigne le rabbin. La cohésion est trop importante. Elle est une digue indispensable contre la montée des extrêmes. » Dans la soirée, Laurent Berros devait recevoir une délégation d’imams représentant les quatre mosquées de la ville. L’idée était d’élaborer une stratégie de communication collective : « Nous avons un besoin impérieux de nous parler et passer du temps ensemble, estime le rabbin. A Sarcelles, nous avons déjà invité nos amis musulmans à des Shabbats. Je me souviens aussi d’une année où nous avions organisé communément un grand concert israélo-palestinien. Ces initiatives doivent reprendre. Elles nous maintiennent en vie » (Libération, 21 juillet 2015).
Reste que c’est dans ce climat hautement inflammable que Sarcelles va devoir panser ses plaies.
 
L’interdiction des manifestations en question, la polémique?
 
Une polémique ? Pourquoi ? Rappelons que le gouvernement avait décidé d’interdire des manifestations, dont celles de Barbès et de Sarcelles. À la suite des incidents qui se sont déroulés aux abords de deux synagogues à Paris, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, s’était prononcé pour l’interdiction de la manifestation, jugeant « intolérables » les « actes violents » survenus lors de ce rassemblement.
« La République n’est pas compatible avec la haine. La République n’est pas compatible avec la xénophobie. L’antisémitisme ne peut pas parler une seconde fois parce qu’on sait ce à quoi il a abouti », avait-t-il dit. Mais, ces interdictions provoquèrent une vraie polémique dans la classe politique.
On a entendu ici ou là que les interdictions ne se justifiaient pas et que si ces manifestations avaient eu lieu, elles auraient été encadrées et aucun incident violent n’aurait été à déplorer. Comme en écho, Olivier Besancenot, l’ex-candidat trotskiste du NPA à la présidentielle déclare : « À chaque fois que les manifestations ont été autorisées, ça s’est toujours bien passé ». Certes, il n’y aura pas forcément (ces autres fois-là) d’abribus détruits, de grandes bagarres, de scènes d’émeutes, de policiers blessés ou de voyous qui ont voulu en découdre avec les Juifs ou investir des synagogues pour les saccager et/ou les incendier; ou d’hommes armés de matraques, de mortiers et poings américains.
Mais, de là à affirmer que les choses se sont forcément bien passées…
 
Embêté ou obnubilé par cette question, le NPA passe à l’offensive. C’est ainsi qu’il publie de nombreux communiqués à ce sujet.
Dans un communiqué (25 juillet) le NPA tire et s’en prend au couple Hollande-Valls : «De toute évidence, le gouvernement Hollande-Valls fait peu de cas des libertés démocratiques lorsqu’il s’agit de faire taire la critique de l’Etat d’Israël et de la complicité de la France ».
 
Le 27 juillet, en pleine polémique donc, le NPA tente d’expliquer sa démarche tout en continuant de « mitrailler » le gouvernement : « Mais voilà que le gouvernement français, qui se dit de gauche, a pris fait et cause pour cette barbarie en déclarant légitime l’offensive de Tsahal. Rompant ainsi avec l’équilibre au moins de façade remontant à de Gaulle, en passant par Chirac et Mitterrand. Voilà qu’il transforme en dépit de toute réalité la question en conflit « communautaire » voire « religieux » en France même. Par ses positions, par l’interdiction inadmissible de manifestations en soutien à Gaza, il joue au pompier pyromane. Ouvrant la voie à un antisémitisme délétère devenu « antisionisme des imbéciles. » Un antisémitisme qui, comme tous les racismes, doit être combattu avec la dernière énergie. » Telle est donc la ligne du parti. A entendre donc la formation de Besancenot, Hollande-Valls musèleraient la solidarité avec les Palestiniens, en engageant une épreuve de force contre le mouvement de solidarité avec les Palestiniens.
Cette propagande particulièrement huilée tient en une « formule » magique : « Après les lamentables déclarations de soutien, de la part d’Hollande, à l’offensive de l’État d’Israël contre la population de Gaza, le temps du muselage des opposants à Israël serait-il venu ? » (Communiqué du NPA, 18 juillet 2014).
 
Dans un (nouveau) communiqué, le Nouveau parti anticapitaliste affirme que l’exécutif est responsable des incidents autour des manifestations en Ile-de-France. « François Hollande et Manuel Valls ont fait le choix scandaleux d’amalgamer la lutte pour les droits du peuple palestinien à l’antisémitisme et sont aujourd’hui, en raison des interdictions prononcées contre les manifestations, les premiers responsables des incidents qui peuvent avoir lieu en marge de celles-ci », estime le parti d’Olivier Besancenot. « La solidarité avec les Palestiniens est légitime et n’a rien à voir avec l’antisémitisme », écrit le NPA.
 
Agacé, le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll répond. Le Foll défend l’interdiction des manifestations pro-palestiniennes qui ont dégénéré, soulignant que de nombreux rassemblements étaient autorisés dès lors qu’ils répondent aux conditions requises « en termes de sécurité et de non-expression de la haine. » « Une décision d’interdiction a été prise suite à des violences. Ces manifestants, pour ceux qui ont exprimé la haine qu’on a vue dans toutes les images, voulaient de toute façon faire ces démonstrations intolérables et insupportables. C’est pourquoi la décision a été prise », déclare le ministre sur RMC et BFMTV (22 juillet). « D’autres manifestations se sont passées dans le calme. Chacun a le droit de manifester, d’exprimer ce qu’il ressent, c’est légitime et démocratique et en même temps, on ne peut pas accepter ce qui s’est passé », poursuit le porte-parole du gouvernement.
 
Quelles sont les réactions politiques ?
 
En marge d'un déplacement à Vassieux-en-Vercors (Drôme), Manuel Valls, le Premier ministre juge que « ce qui s'est passé à Sarcelles est intolérable, s'attaquer à une synagogue à une épicerie casher, c'est tout simplement de l'antisémitisme, du racisme ». « Rien en France ne peut justifier la violence », gronde le Premier ministre.
Un peu plus tôt, son ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve s'était rendu sur place pour y dénoncer des « actes graves, intolérables » et des « violences antisémites ». En outre, face à ceux qui l'accusent d'avoir provoqué les débordements, le ministre de l'Intérieur assume l'interdiction de ces rassemblements.
Le Président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, ne mâche pas non plus ses mots en parlant, sur son blog, de « bande fanatisée », de « hordes acharnées ». Invoquant les enseignements de l'Histoire, le président PS de l'Assemblée nationale écrit : « Personne n’insulte un être humain parce qu’il est juif sans se condamner à l’abjection. Personne ne participe ou ne soutient l’attaque d’un commerce juif sans s’extraire de ce mouvement, plus fort que tout, qui de la barbarie conduit à la civilisation » (Le Parisien, 21 juillet 2014)
Au nom de l'UMP, son secrétaire général Luc Chatel, juge dans un communiqué les violences « intolérables, injustifiables, incompréhensibles pour nos compatriotes ». « Cette partie de la gauche qui continue à s'offusquer qu'on puisse interdire telle ou telle manifestation, doit cesser de tenter de justifier l'injustifiable : les violences de ce week-end démontrent assez l'exigence d'interdiction », poursuit-il. « Pour l'UMP, ce ne sont pas seulement les auteurs de violences qui doivent être lourdement sanctionnés, ce sont tous ceux qui, en bravant l'interdiction de manifester, défient la République », conclut l'ancien ministre.
 
Sur Twitter, Jean-Pierre Raffarin, l'un des dirigeants de l'UMP par intérim, et le filloniste Éric Ciotti appellent tous deux au rassemblement républicain. Xavier Bertrand appelle les « Républicains » à « réagir », se disant « prêt à soutenir le gouvernement », alors qu'il attend de François Hollande qu'il s'exprime. « Il n'y a pas seulement ces scènes quasi-insurrectionnelles à Sarcelles. Il y a ce qui s'est passé pendant le week-end, la semaine dernière. Nous devons tous, Républicains, réagir et savoir être solidaires parce que ceux qui font ça défient la France, défient la République », déclare le député sur RTL. François Fillon aussi soutient « la fermeté et la vigilance du gouvernement car l’unité de la République n’est pas négociable ». « Le gouvernement est dans son droit d’interdire les manifestations. Il ne peut prendre le risque de voir le conflit israélo-palestinien déborder sur notre sol », écrit l'ancien Premier ministre sur son blog. Bruno Le Maire dénonce sur Europe 1 des « actes inacceptables et intolérables. Se disant « profondément » choqué, le député UMP de l'Eure déplore que « la barbarie » soit en train de « gagner du terrain en France.» Il appelle le gouvernement à « prendre toutes les mesures nécessaires pour que les fauteurs de troubles soient, arrêtés, jugés et condamnés ». Il estime toutefois, à contre-courant de son camp, que l'interdiction préalable des manifestations « n'était pas une bonne idée ». Le président par intérim de l'UDI Yves Jégo, sur BFMTV,  estime également que le gouvernement avait fait une erreur en interdisant les manifestations de Paris et de Sarcelles. Il réclame plus de fermeté et plus de moyens pour les forces de l'ordre : « Je pense qu'il faut beaucoup plus de moyens pour qu'il y ait beaucoup plus d'arrestations » (Le Parisien, 21 juillet 2014).
 
Quant au Front de gauche, il dénonce la décision du gouvernement, y voyant « une atteinte intolérable au droit de manifester » et « une stratégie de la tension ». Selon la coalition, qui  exprime sa position via un communiqué, « l'interdiction de manifester et le dispositif policier et sécuritaire déployé sont à l'origine des tensions ». Même son de cloche du côté du secrétaire national du PCF, l'un des principaux membres du Front de gauche. Pierre Laurent assure, dans un courrier adressé à Bernard Cazeneuve, que « l'interdiction du rassemblement parisien par la Préfecture de police, décision unique dans le monde, a largement contribué à attiser les tensions et à encourager les comportements inacceptables de quelques individus isolés ». Dans cette même lettre, il « appelle à une nouvelle manifestation de solidarité ce mercredi 23 juillet ».
 
Sarcelles, mais pourquoi donc ?
 
Depuis les émeutes du mois de juillet 2014, plusieurs articles ont été publiés pour tenter de comprendre ce qui s’est passé à Sarcelles et/ou plus généralement pour parler d’un sujet extrêmement sensible, celui des « fractures Françaises. » Comme pour illustrer les dites fractures, plusieurs articles ou reportages ont donc été consacrés plus précisément à cette ville de Sarcelles.
Les journalistes se précipitent à Sarcelles et racontent.
Sarcelles ? Mais pourquoi donc ?
La ville s’est construite avec les vagues d’immigration et regroupe aujourd’hui plus d’une centaine de nationalités. Dans les grands ensembles, on loge d’abord les fonctionnaires parisiens, en 1955. Il y a ensuite les pieds noirs, débarqués en 1962, au lendemain de l’indépendance de l’Algérie, et les juifs séfarades venus de Tunisie et du Maroc. Aujourd’hui, Sarcelles compte l’une des plus importantes communautés juives de France, avec 12.000 membres, si bien que le quartier de la synagogue a été rebaptisé La Petite Jérusalem. Puis les gens arrivent du Maghreb, d’Afrique de l’Ouest, d’Asie, du Pakistan, du Bangladesh, d’Inde. Dans les années 1990, les chaldéens, ces chrétiens persécutés en Turquie, en Syrie ou en Irak, se réfugient à Sarcelles et dans ses alentours. Ils sont actuellement 10.000.
 
Le quartier de Lochères, à Sarcelles (Val d'Oise), concentre des dizaines de barres d'immeubles grises et beiges. Elles sont divisées aujourd'hui par communauté. Il y a la tour des Maliens, des Turques, des Pakistanais, des Juifs, ou encore des Marocains. Ces immeubles étaient pourtant le symbole de l'urbanisation et de la mixité dans les années 60. Avant de vite se transformer en « ghettos ethniques », comme les appelle François Pupponi, le maire socialiste de la ville. Pour lui, tout cela a été sciemment organisé. "On a fait en sorte qu'ici, il n'y ait que les plus pauvres issus de l'immigration. Après, par facilité, dans une cage d'escalier on mettait une famille de Maliens, puis une deuxième. Quand il y avait deux familles de Maliens, seuls les gens qui étaient maliens acceptaient l'appartement", décrypte l'édile. « C'est comme cela que ce ghetto a été constitué, ce n'est pas le fruit du hasard », poursuit-il. Aujourd'hui, 40.000 personnes vivent dans ces barres d'immeubles. Il est difficile, voire impossible, d'en sortir (RTL, 26 janvier 2015).
 
C’est alors que deux mois après les violences qui ont secoué Sarcelles le 20 juillet, France 2 revient prendre la température dans cette ville de banlieue parisienne. Dans le reportage de « Complément d'enquête » diffusé jeudi 25 septembre 2014, un jeune homme face à la caméra tient à visage découvert des propos violents contre les juifs, allant jusqu'à appeler au meurtre. Le maire PS de Sarcelles, François Pupponi s'émeut de ces propos le dimanche 28 septembre et appelle la garde des Sceaux à engager des poursuites. « Je remercie Complément d'enquête d'avoir porté au vu et su de tous, ce qu'on vit dans nos territoires », déclare François Pupponi. « Depuis cinq, six mois, il y a une verbalisation et une banalisation de l'antisémitisme. On sait qu'un certain nombre de jeunes ont basculé dans cette violence radicale. »
Sarcelles à 20 kilomètres de Charlie Hebdo…
Longtemps modèle du vivre-ensemble, Sarcelles la cosmopolite bascule une fois encore dans la peur.
 
7 janvier 2015, le maire de Sarcelles dément la rumeur d'une autre attaque terroriste devant la synagogue de sa ville. La voiture en feu est la conséquence d'un accident. La photo a déjà été partagée à des centaines de reprises. On y voit une voiture en flammes devant un bâtiment présenté comme la synagogue de Sarcelles. Il n'en a pas fallu plus pour que des dizaines d'utilisateurs de Twitter fassent le lien avec l'attaque de Charlie Hebdo. Mais le maire de la ville, François Pupponi, est formel au micro de France info le 7 janvier : « Il n'y a aucun lien avec l'attentat. C'est un accident. La voiture d'un conducteur a simplement pris feu. L'incendie est désormais éteint ».
Plus généralement, la peur, la colère, l'écœurement. Quelques jours après les attentats sanglants qui ont secoué la France, la ville de Sarcelles est sous le choc. Au café « Oh Délices Prestiges », situé à quelques mètres de la grande synagogue, tout le monde a les yeux rivés sur la chaîne d'info continue franco-israélienne i24news qui diffuse, en direct, les obsèques à Jérusalem des quatre victimes juives de l'Hyper Casher de la porte de Vincennes. L'une d'entre elles, Yohan Cohen, 22 ans, venait de Sarcelles, où vit la plus grande communauté juive d'Europe. Soit 10.000 personnes, selon certaines estimations (Le Figaro, 14 janvier 2015).
 
Le drame de Charlie Hebdo « va augmenter la méfiance entre les gens », s’inquiète Bernard, le patron du Régence, qui va bientôt passer le relais à Flavie, la nouvelle propriétaire chinoise. Situé au cœur du quartier Les Flanades, à Sarcelles (Val-d’Oise), le troquet est à l’image cette ville où se côtoient toutes les communautés. Une vieille dame s’avance vers la caisse pour valider sa grille de Loto, raconte une journaliste du Parisien (15 janvier 2015). Derrière elle, un client d’origine pakistanaise patiente pour acheter des cigarettes. Aziz et Mathilda discutent au bar tandis qu’Hassan, 50 ans, boit un café. « Musulman, juif ou chrétien, ici c’est pareil, tout le monde se parle », assure cet habitué, dirigeant d’une petite entreprise arrivé du Maroc à l’âge de 7 ans. Dans cette commune de 60 000 habitants, le vivre-­ensemble n’a jamais été un vain mot.
Et pourtant… au vu des incidents qui ont émaillé les minutes de silence dans certains collèges et lycées en France, le député-maire PS de Sarcelles, François Pupponi, décide de réunir soir les différents chefs d'établissement de sa ville. L'idée ? Avoir un retour sur le déroulement de cette semaine un peu particulière dans sa commune. Une ville endeuillée par la mort de Yohan Cohen, 20 ans, dans l'attaque de l'Hyper Cacher, porte de Vincennes (Le Parisien, 20 janvier 2015).
On sent poindre ici une fois encore l’inquiétude.
 
Au final, le confit palestinien et ses soubresauts…
 
Face au conflit israélo-palestinien, chacun éprouve de l'empathie pour telle ou telle partie et des manifestations ont lieu. Mais elles sont le plus souvent organisées par les militants propalestiniens. Si la majorité d'entre eux ne provoque pas de trouble, la tension est cependant presque toujours palpable dans les cortèges (cris, hurlements...), depuis 2000. Dans ces manifestations, les slogans les plus outranciers sont scandés. Mais il y a aussi ces cris de "Mort aux Juifs", des étoiles de David identifiées sur les banderoles à la croix gammée et ces maquettes de roquettes Qassam brandies par les militants cagoulés. Pour certains, l'objectif réel est de défendre le Hamas ou le Hezbollah. Pis, des dérapages ont lieu, œuvre de casseurs qui veulent en découdre avec les forces de l'ordre ou de jeunes paumés et de provocateurs antisémites et islamistes, entraînant des heurts violents avec la police.
« Les conflits extérieurs à la France ne doivent pas toucher et contaminer l'équilibre, la fraternité et la cohésion de la société française », avait estimé en son temps et avec sagesse le recteur de la Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur (Le Monde, 12 janvier 2009). Voilà un message qui doit être entendu, il faut condamner fermement les violences, d'où qu'elles viennent.
Seulement voilà, le conflit israélo-palestinien n'est plus abordé sous l'angle rationnel, mais de façon purement émotionnelle et certains individus s'attachent si démesurément à cette guerre qu'ils en perdent la raison. Ils se lâchent alors faisant des rues de Paris, le terrain d'émeutes insupportables. Ils en profitent aussi pour saccager et détruire, incendier et frapper. Enfin, il y a celles et ceux qui instrumentalisent le conflit israélo-palestinien à des fins partisanes, notamment au sein d’une partie de l'extrême gauche et chez les islamistes.
Là, incontestablement est le danger, celui de l'instrumentalisation!
A quand un pogrom antisémite dans les rues de la capitale ou de banlieue?
 
Marc Knobel