Blog du Crif/Mémoire - Shoah : ce que l’on a du mal à entendre en 2017

27 Octobre 2017 | 565 vue(s)
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France

Le 33ème Dîner du Crif a eu lieu mercredi 7 mars 2018.

Jean-Pierre Allali partage avec vous ses appréciations littéraires au fil de ses lectures. Aujourd'hui, il nous parle du livre de Techouva, de Frédéric Lauze.

Au théâtre de l'Atelier, Le livre de ma mère réveille les souvenirs et sublime la relation la plus sincère qui est donnée à l'homme de connaître.

Vendredi 23 février, j'ai rencontré Tomasz Młynarski, Ambassadeur de Pologne en France.

Jean-Pierre Allali partage avec vous ses appréciations littéraires au fil de ses lectures. Aujourd'hui, il nous parle du livre de Dina Porat, Le Juif qui savait Wilno-Jérusalem : la figure légendaire d’Abba Kovner, 1918-1987.

La première djihadiste française capturée à Mossoul par les forces irakiennes en juillet 2017, Mélina Boughedir, a été condamnée, lundi 19 février, à sept mois de prison pour l’entrée illégale en Irak. La cour pénale de Bagdad a ordonné la remise en liberté et l’expulsion en France de la jeune femme de 27 ans, sa peine étant couverte par sa détention préventive, rapporte Le Monde du 19 février. Qui sont ces femmes désintégrées, déstructurées et aveuglées par la propagande développée par les djihadistes et qui ont été des proies faciles. C'est ainsi qu'elles se sont déshumanisées et ont participé à cette orgie barbare et moyenâgeuse qu’est le djihadisme.

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Le 4 février 2018, le Crif et les Amis du Crif ont organisé un voyage de mémoire dans les camps d’Auschwitz-Birkenau. Près de 200 personnes ont participé à cette journée exceptionnelle, qui a marqué les mémoires de chacun. Une délégation d’élus et de personnalités publiques m'a également accompagné. Nous avons aussi eu l'honneur d'être accompagnés par Ginette Kolinka, réscapée d'Auschwitz.

En fin de journée, nous avons tenu une courte cérémonie d'hommages ponctuée de plusieurs discours et de prières animées par le Rabbin Moché Lewin. En conclusion de cette intense journée, le Shofar a resonné au milieu du silence etourdissant de l'immense complexe de Birkenau.

Depuis quelques semaines, le texte épistolaire de Sholem Aleichem a investi la petite – mais non moins prestigieuse – scène du Théâtre de la Huchette, à Paris.

Hier, je me suis exprimé sur la récente vague d'antisémitisme qui secoue la France. J'ai demandé à l'ensemble de la communauté nationale de faire front contre la haine antisémite. J'ai également rappelé l'importance pour la justice française d'appliquer des peines suffisamment lourdes pour être dissuasives.

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La semaine dernière, le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) proposait dans sa newsletter et sur ses réseaux sociaux un contenu qui a fait polémique.

La semaine dernière, le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) proposait dans sa newsletter et sur ses réseaux sociaux un contenu qui a fait polémique.

Eliane Yadan, une femme élégante à l’énergie communicative, a répondu aux questions de Johana Tuil et a livré le récit d'enfant cachée pendant la Shoah. Eliane raconte avec des mots d’enfants, ceux de « la petite Eliane » qu’elle est toujours un peu, avoir été confiée à l’âge de deux ans à une famille d’accueil – aujourd’hui reconnue Juste parmi les Nations.

Ses souvenirs de la guerre ? « Heureux », répond-elle avec la spontanéité d’une jeune fille. Elle cherche immédiatement à justifier ses propos. « Je sais, c’est difficile à croire et à entendre. Mais pendant la guerre, j’ai été très heureuse ». Le Crif choisit de mettre en exergue ces quelques mots, forts et sincères, pour présenter l’article.

Cela aura suffi à certains (rares) lecteurs et internautes pour s’étonner de tels propos.

« Une honte de colporter de telles conneries provocantes par leur titre quand on a entendu tant et tant et tant de récits horribles autour de soi sans compter ceux qu'on n'a pas pu entendre ! Je suis déçu que vous diffusiez un tel titre car il DISSUADE de lire l'article ! » s’est par exemple indigné un internaute.

A celui qui aura le plus souffert

Moi, je suis déçue de lire de tels commentaires. Aurait-il fallu inclure les mots « déportation », « souffrance », « torture » etc. pour leur donner envie de lire l’article ?

Ce qui me déçoit, c’est le concours qui s’est instauré pour savoir qui a le plus souffert, et qui met en compétition les survivants de la Shoah, les anciens déportés, les enfants cachés, face aux fantasmes et aux projections de notre société.

Ce qui me déçoit, c’est la culpabilité qui s’est installée par la force des choses. Celle des survivants des camps de ne pas être morts ; celle des enfants cachés de ne pas avoir été déportés ; celle qu’Eliane Yadan aurait dû ressentir de n’avoir pas souffert de ces années de guerre. Raté.

Au-delà de me décevoir, la culpabilité qui m’interroge est celle des générations post-Shoah – jusqu’à la nôtre. Une culpabilité fragile, qui se promène dans l’inconscient collectif de la communauté juive, bâti depuis 75 ans sur les histoires secrètes des familles silencieuses et sur la honte de ne pas avoir été en vie en 1939. Parce que « T’imagines ? On aurait été dedans, nous aussi, dans le wagon ».

Ce qui me déçoit, c’est que 75 ans après la Shoah, nous ne soyons toujours pas capables d’entendre une parole de survivant différente sur ce qu’a été leur guerre.

Nous ne pouvons pas admettre une réalité autre que celle à laquelle nous nous sommes habitués à entendre et à intégrer à notre propre histoire.

« Le monde a tellement été abreuvé d’images, de films, de récits sur la Shoah qu’il ne peut pas entendre une réalité toute aussi vraie, mais au travers d’un prisme différent, celui d’une enfant cachée, pour qui l’enfance, c’était de jouer avec son cousin » explique Jessica, en charge de la modération des commentaires sur les réseaux du Crif.

Vous, les lecteurs qui n’ont pas aimé l’entretien du Crif avec Eliane Yadan, auriez-vous préféré entendre parler du rituel de la sélection sur le quai d’Auschwitz, la nuit, terrorisée par les aboiements de chiens et les hurlements des soldats ?

Vous n’aurez ni ce confort et ni ce luxe. Car ceci est l’histoire de millions de gens, mais ce n’est pas l’histoire d’Eliane Yadan.

Je veux "rassurer" ceux qui se sont contenté de critiquer le titre, sans lire l'article, Eliane a souffert. Elle a souffert comme une enfant de deux ans souffre d’être placée dans une famille inconnue. Elle a souffert en retrouvant ses parents biologiques après trois années, ballotée entre le déchirement de quitter sa famille adoptive et le bonheur de renouer avec les siens. Elle a souffert en questionnant son identité, son judaïsme et sa foi. Elle a souffert et elle souffre encore. Comme tous ceux qui ont vécu la Shoah, en hiver ou en été, dans les camps ou dans les familles de Justes, en Europe ou ailleurs, seul ou en famille.

Comme tous ceux qui en sont morts et comme tous ceux qui en sont vivants.