Blog du Crif - 24 jours, la vérité sur l’affaire Ilan Halimi : un film pour qu’on se souvienne

13 Février 2019 | 379 vue(s)
Catégorie(s) :
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Cet article a été rédigé en 2014 et proposé au Crif à l'occasion des commémorations de la mort d'Ilan Halimi

 

"C’est arrivé à cette famille mais ça aurait pu arriver à n’importe qui d’entre nous". Cette phrase, empruntée au dernier long métrage d’Alexandre Arcady : 24 jours, la vérité sur l’affaire Halimi, résume parfaitement la réalité terrifiante et le calvaire qu’a traversé la famille Halimi lors de l’enlèvement et de la séquestration du jeune Ilan.
En effet, ce nouveau film est une adaptation du livre et reprend le récit poignant de Ruth Halimi. Le film retrace donc la décente aux enfers du jeune Ilan Halimi et de sa famille.

C’était en janvier, elle est entrée dans une boutique de téléphonie sur le boulevard Voltaire. Elle a fait mine de s’intéresser aux nouveaux portables, a réussi à obtenir le numéro du vendeur et s’en est allée. Elle l’a rappelé dès le lendemain, lui a dit qu’elle voulait le revoir. Ilan ne s’est pas méfié. Il avait vingt-trois ans, la vie devant lui…
Comment pouvait-il se douter qu’en rejoignant cette jolie fille dans un café de la porte d’Orléans, il avait rendez-vous avec la mort ?
Le vendredi 20 janvier 2006, Ilan Halimi, choisi par le gang des Barbares parce qu’il était juif, est enlevé et conduit dans un appartement de Bagneux. Il y sera séquestré et torturé pendant trois semaines avant d’être jeté dans un bois par ses bourreaux. Retrouvé gisant nu le long d’une voie de chemin de fer à Sainte-Geneviève-des-Bois, il ne survivra pas à son calvaire. 

Dans ce film, Ruth Halimi revient sur ces 24 jours de cauchemar. 24 jours au cours desquels elle aura reçu, elle et son mari, Didier, plus de six cents appels, des demandes de rançon dont le montant ne cessera de changer, des insultes, des menaces, des photos de son fils supplicié… 24 jours d’angoisse de toute une famille, contrainte de garder le silence pour laisser travailler la police criminelle.
Mais le 36 Quai des Orfèvres ne sait pas à quels individus il a affaire. Personne ne mesure la haine antisémite qui habite les ravisseurs, et ne s’imagine qu’Ilan allait perdre la vie…

"Je voudrais que la mort d'Ilan serve à donner l'alerte"

Arcady a donc choisi de faire un film non pas sur le gang des barbares mais plutôt sur le martyr Ilan Halimi, torturé, enfermé, affamé, déshumanisé parce qu’il était juif. Ce cinéaste qui a toujours porté un regard attentif sur l’histoire et sur l’actualité reste dans son genre cinématographique en traitant ce sujet puisqu’il est connu pour s’intéresser à l’histoire de l’Algérie, de l’Afrique du Nord et de la communauté juive.
Le thème qu’il prend dans ce nouveau film n’est pas facile à aborder mais il fallait marquer les esprits pour que chacun se rende compte de la gravité de la situation qui à l’époque avait ému toute la France.
“Je voudrais que la mort d’Ilan serve à donner l’alerte.” Cette phrase de Madame Halimi a donné l’idée de ce film au réalisateur pour ne pas rester les bras croisés et pour que cette tragédie ouvre les yeux à chacun d’entre nous.

Coller le plus possible à la réalité

Néanmoins, même si le sujet parait intéressant, Arcady nous plonge dans l’atmosphère pesante de ces 24 jours où l’angoisse, la joie, la colère et le deuil se font face dans le film. Et pour cause, le réalisateur, pour paraître au plus près de la réalité, a choisi de filmer dans tous les lieux exacts et précis où se sont déroulés cette tragédie, ce qui provoque un climat tout à fait déstabilisant. Documentaire ou représentation de la réalité ? Il y a tout de même un certain voyeurisme. Pourtant, cette volonté d’authenticité a des limites. En effet, le film est construit sur une alternance entre ce qu’il se passe au Quai des Orfèvres avec l’angoisse de la famille, l’attente des policiers et entre les scènes de tortures interminables que le gang fait subir à Ilan. Ce choc émotionnel ressenti par le spectateur le bouscule, le bouleverse, l’interpelle. Même si dans le livre de Ruth Halimi les faits de barbarie étaient évoqués, les mots eux, vont dans notre imaginaire et savent trouver les limites de chacun. Tandis que le film impose des images violentes. Comment représenter des actes de violences, de barbarie au spectateur mais surtout à la famille qui jusqu’à aujourd’hui ne voulait sans doute pas se les imaginer ? Est-ce vraiment supportable ?

Ce long métrage faire ressortir des résonances, des vibrations ; chaque personnage dont celui de Ruth Halimi, interprété par la majestueuse et l’étonnante Zabou Breitman et celui de Didier Halimi, joué par le fabuleux Pascal Elbé, nous semblent être réels. L’acteur même qui joue le jeune Ilan, Syrus Shahidi, est doté d’un talent époustouflant pour jouer l’injouable.

Un devoir de mémoire

Le but du réalisateur a donc été de créer un choc mémoriel où les spectateurs ne pourront pas rester insensibles à ce qu’ils pourront voir ou découvrir. La douleur, la terreur, nous la vivons avec les personnages, mais en vérité nous la vivons avec les véritables protagonistes de cet évènement.

C’est aussi avec beaucoup de courage et d’émotion que le cinéaste aborde la grande question de la collaboration. En effet, lors de la séquestration d’Ilan, comment se fait-il que “personne n’a rien vu, rien entendu” ? Arcady pose alors la question de la peur qui souvent l’emporte sur autrui, il pose aussi la question du vieux fantasme qui consiste à dire que « juif = argent », et la question de l’efficacité de la police et des incohérences du dossier.
C’est donc du choc, à la colère, à la révolte, et au deuil que le spectateur passera sans oublier les larmes qui seront bel et bien inévitables.

24 jours est probablement un film qui dérange et qui atteint tant physiquement qu’émotionnellement, les âmes sensibles devront impérativement s’abstenir.
Néanmoins, ce long métrage est surtout une plongée dans spirale infernale dans laquelle le spectateur est entraîné en ayant l’impression que cette histoire lui arrive à lui.