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On ne peut pas écarter l'hypothèse, romanesque à souhait. La colère du gamin qui n'hésitait pas à faire le coup de poing avec des touristes allemands ayant eu la mauvaise idée d'entonner un chant nazi à quelques mètres de Caia, rescapée de la Shoah, trouve ici son prolongement. Présent aux commémorations du cinquantenaire de l'insurrection du ghetto de Varsovie, le narrateur se rend ensuite à Auschwitz et Birkenau. Là, face à l'énormité de «l'irréparable», cet homme qui ne sait pas prier n'a d'autre solution que de s'endormir quelques instants. «La plaine de la Haute-Silésie était immobile, l'air à peine agité de papillons noirs. C'était une terre sourde-muette.»
L'anéantissement d'une communauté le pousse, à son retour, à en apprendre la langue moribonde: «Le yiddish a été mon entêtement de colère et de réponse. Une langue n'est pas morte si un seul homme au monde peut encore l'agiter entre son palais et ses dents, la lire, la marmonner, l'accompagner sur un instrument à cordes.» On sait qu'Erri De Luca décida d'apprendre l'hébreu et le yiddish pour mieux s'immerger dans la Bible, qu'il lit chaque jour sans être croyant pour autant. Son personnage, qui lui ressemble bougrement, passe chaque mois de juillet dans les Dolomites à lire, écrire et escalader les montagnes. Et, cette année-là, à traduire en italien une nouvelle yiddish d'Israël Joshua Singer, le frère aîné du Nobel Isaac Bashevis…Lire la suite.
«Le Tort du soldat», d'Erri De Luca,traduit de l'italien par Danièle Valin, Gallimard, 89 p., 11 €.