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Garantir la survie du régime étant le principal objectif de Khamenei dans le cadre des pourparlers nucléaires
En outre, les médias américains continuent de rapporter que le gouvernement Obama s'est appuyé sur cette fatwa pour justifier la reprise des négociations avec l'Iran. Ainsi, le 12 mai 2012, David Ignatius écrivait dans le Washington Post que "le président Obama a fait comprendre à Khamenei en mars que sa fatwa prohibant les armes nucléaires pourrait être le point de départ aux négociations". [2]
Pour sa part, Khamenei considère les prochains pourparlers sur le dossier nucléaire, devant avoir lieu à Bagdad le 23 mai 2012, comme capables d'assurer sa survie politique et celle de son régime. Tout au long de ses 23 années au pouvoir, Khamenei s'est maintenu en muselant le courant réformateur, plaçant dans l'illégalité ses adversaires personnels et idéologiques, tels le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, le n°2 Hashemi Rafsanjani et d'autres encore, concentrant le pouvoir entre ses propres mains, supprimant des subventions, réprimant la presse écrite et les médias électroniques, et oeuvrant à se façonner une image d'imam.
Pourparlers nucléaires: l'objectif iranien
La menace pesant sur la survie du régime de Khamenei provient en premier lieu de l'offensive occidentale, des sanctions politiques et économiques ; deuxièmement, des révolutions du Printemps arabe et de l'effondrement du régime syrien, effondrement qui impacte direct sur l'axe de la résistance. A cela s'ajoute la perte de contrôle du Hamas. Ainsi, Khamenei s'efforce pour l'heure d'assurer la survie de son régime en se servant de son instrument le plus performant pour neutraliser ces menaces: les négociations nucléaires. [3]
Dans le cadre des préparatifs à la reprise des pourparlers du 23 mai, l'Iran a prévu une série de requêtes visant presque exclusivement à assurer la survie du régime face aux menaces occidentales. Les objectifs iraniens sont:
1. La cessation complète des efforts déployés par l'Occident, et en particulier par les États-Unis, pour promouvoir la démocratie en Iran, ce qui passe par les garanties suivantes, énumérées par le chercheur iranien Mehdi Khalaji [4] :
a. Arrêter toutes les émissions américaines en persan
b. Mettre fin au soutien politique et financier des groupes d'opposition
c. La cessation de l'ingérence américaine concernant la censure iranienne sur Internet
2. La levée des sanctions, des sanctions pétrolières en particulier, qui affaiblissent considérablement le régime.
3. La fin de la politique occidentale visant à isoler l'Iran sur la scène internationale.
S'agissant du dossier nucléaire, l'Iran a souligné à maintes reprises qu'il est désormais un pays nucléarisé qui enrichit de l'uranium jusqu'à 20%, et qu'il n'a pas l'intention d'utiliser sa capacité nucléaire à des fins militaires. [5] La fatwa (inexistante) de Khamenei est mentionnée par les porte-parole du régime pour appuyer cette position et démontrer leur intégrité.
Garantir la survie du régime étant le principal objectif de Khamenei dans le cadre des pourparlers nucléaires - plus important encore que la question nucléaire -, Khamenei a élaboré une stratégie qui vise à triompher de ses partenaires dans tous les cas de figure:
Si l'Occident accède aux demandes iraniennes en ne cherchant plus à promouvoir la démocratie en Iran, Khamenei pourra se targuer d'un double exploit: il aura assuré la survie de son régime, et il aura également fait entrer l'Iran dans le club des Etats nucléarisés. En outre, tout cela aura été accompli en échange de l'assurance verbale de l'Iran de ne pas produire d'armes nucléaires - sur la base d'une fatwa qui n'existe pas.
Toutefois, si les pays occidentaux n'acceptent pas le cadre que l'Iran tente d'imposer, et continuent de menacer le régime, l'Iran pourra librement poursuivre ses efforts militaires nucléaires.
Notes :
[1] Fars (Iran), 14 mai 2012.
[2] Le Washington Post, 12 mai 2012.
[3] Il convient de mentionner que Khamenei agit conformément au précédent historique de Mohammad Reza Shah Pahlavi, qui en 1968-71, pour assurer la reconnaissance internationale du statut de l'Iran comme superpuissance régionale, négociait avec la Grande-Bretagne et décidait de renoncer à Bahreïn qui, sans être réellement sous son contrôle, avait jadis appartenu à l'Empire perse.
[4] http://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/view/23644
[5] Voir, par exemple, la déclaration de Hossein Cheikh Al-Islam, conseiller de président du Majlis Ali Larijani, selon laquelle l'Iran sera, aux pourparlers de Bagdad, dans une meilleure position qu'avant, parce que depuis les pourparlers d'Istanbul, l'installation Fordow est devenue opérationnelle, l'uranium a été enrichi à 20%, et l'Iran a continué à fabriquer des centrifugeuses de troisième génération. Source: Fars (Iran), 13 mai 2012.