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Publié le 28 Avril 2014

Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation

Fondation du Camp des Milles - Mémoire et Éducation - 27 avril 2014

Abraham, Myriam, Hans, Anna, Susy, Otto…

Des noms d’enfants de son âge, ceux retrouvés de la centaine d’enfants et d’adolescents déportés du Camp des Milles en aout et septembre 42 vers Auschwitz où ils furent assassinés. Dans le silence et le recueillement, ces prénoms, ces noms, ces âges s’élèvent devant le Wagon du Souvenir, au Camp des Milles. Ils sont lus d’une voix parfois tremblante, parfois douce, par Salomé, 11 ans, lentement.... Pour ne pas les oublier, eux ainsi que leurs parents, soit plus de 2000 hommes, femmes et enfants juifs, partis de ce lieu vers la mort programmée.

Puis « pour se rappeler que, face aux extrémismes et aux fanatismes il est possible d’agir au nom du vivre ensemble et des valeurs de justice, de tolérance et d’humanité », sont lus les noms des Justes ayant œuvré pour les internés du Camp des Milles. Et parmi eux, le Pasteur Henri Manen et son épouse Alice, dont le fils était présent à cette commémoration.

Ces noms illustrent « la grande diversité des actes de courage et de sauvetage qui sauvèrent des vies face aux crimes génocidaires contre les Arméniens, les juifs, les Tsiganes et les Tutsis au Rwanda…puissant encouragement pour notre foi en l’humain dans l’homme », comme cela est présenté sur le « Mur des actes justes » du Site-mémorial du Camp des Milles.

Cette lecture des noms des victimes et des Justes fut un moment très émouvant de la cérémonie qui s’est tenue ce jour au Wagon du Souvenir des Milles à 9h30. Environ 200 personnes étaient présentes, élus, représentants diplomatiques, représentants associatifs et communautaires et simples citoyens. Et toutes se sont souvenues de cette histoire tragique au Camp des Milles mais aussi des persécutions contre les résistants, les Tsiganes, les homosexuels, les handicapés, les francs-maçons, les syndicalistes, les démocrates, les opposants…

Organisée à l’invitation du Maire d’Aix-en-Provence et de son Conseil municipal, de la « Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Education », de l’Association du Wagon-Souvenir et du Site-Mémorial des Milles, de l'Union Nationale des Anciens Combattants, cette commémoration devait rappeler à tous le drame historique exceptionnel que fut la déportation et rendre hommage à ses victimes et ses héros, survivants ou disparus.

Après le dépôt des gerbes, Denise Toros Marter, déportée à 16 ans à Auschwitz, fait la lecture de son «Testament d’Auschwitz » : « Puissent nos héritiers rappeler aux Hommes la folie exterminatrice d’une idéologie innommable contre un peuple qui n’aspirait qu’à la Paix ! Puissent-ils faire preuve de vigilance dans les années et siècles à venir, et ne pas en oublier pour autant la tolérance vis-à-vis des autres ! Puisse le Mémorial des Milles en Provence pour lequel nous nous sommes investis depuis des années, apporter  aux jeunes gens qui le visiteront toute la dimension pédagogique recherchée pour faire barrage à la haine !»

Mr Jean-Louis Medvedowsky, Président de l’Union des Déportés, Internés, Familles de Disparus et Fusillés de la Résistance Aixoise  déclare  « qu’à l’heure où sous prétexte de questionnements identitaires ou d’évolution sociétale discutées, certaines inhibitions vis-à-vis de  la parole raciste semblent reculer, il n’est pas inutile de rappeler comme l’expliquait Pierre Bourdieu, que les paroles sont des actes qui tiennent leur force de l’autorité sociale de celui qui les prononce. C’est souligner la responsabilité de toutes celles et de tous ceux qui, revêtus d’une autorité ou d’une position publique, par leur attitude ou par leur propos, tendent à légitimer une inquiétante résurgence  d’un triste passé. C’est dire face à ce wagon  qui n’est pas « un détail de l’histoire », que pour être dignes de l’héritage que nous ont laissé les victimes des déportations, nous devons affirmer notre détermination à rejeter fermement  tout discours, tout comportement xénophobe, raciste, stigmatisant et discriminant. »

Pour Mr Alain Chouraqui, Président de la Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Education : « On joue aujourd’hui avec des ambiguïtés sur ces sujets extrêmes où l’ambiguïté est intolérable et dangereuse, comme le sont les compromis mortifères que des républicains sont parfois tentés de passer avec leurs ennemis plus ou moins masqués. Et l’on voit dans toute l’Europe des responsables politiques jouer avec le feu des intolérances, et faire le lit de violences futures, qui d’ailleurs les balaieraient eux aussi, car la liberté et la fraternité finissent toujours par l’emporter… Il est étonnant de voir à quel point ces apprentis sorciers ont oublié les engrenages qui d’extrémismes en réactions conduisent aux radicalisations et à l’affrontement dont chacun sort perdant et la Nation exsangue.

Beaucoup ont surtout oublié qu’être élu démocratiquement ne délivre pas pour autant un brevet de démocrate (pensons à Hitler et à tous les dictateurs élus), que les élections ne sont pas le seul critère d’une démocratie, loin de là, que celle-ci se caractérise aussi par des valeurs et des principes, et qu’un peuple déboussolé –au sens propre- peut élire légalement des régimes  illégitimes… ».

Mme Maryse Joissains-Masini, Maire d’Aix-en-Provence souligne que : « des mots reviennent  sans cesse : amalgame, engrenage, devoir de mémoire  et tous ces mots sont empreints de l’intégralité de cette souffrance qui arrive jusqu’à nous aujourd’hui ».  Elle insiste sur la nécessité absolue d’être  vigilant face aux risques de banalisation. . « Des personnes bien intentionnées rentrent dans cette banalisation et dans cet amalgame qui font les grands problèmes de notre temps (...) Que l’on soit capable de tuer ou de déporter des enfants, cela veut dire que l’on est capable de tout. Cette barbarie inutile  et grotesque peut se reproduire. Soyons tous très vigilants. Ne baissons pas la garde, car ces faits-là, sont prêts à recommencer. »

Enfin, Mr Yves Lucchesi, sous-préfet d’Aix-en-Provence, représentant l’Etat, lit un message rédigé conjointement par les grandes associations nationales de déportés précisant que  « Dans nos sociétés où réapparaissent des actes et propos xénophobes, racistes, antisémites et discriminatoire, les rescapés des camps de la mort rappellent toute l’importance des valeurs de solidarité, de fraternité et de tolérance, qu’ils n’ont eu de cesse de promouvoir et défendre depuis leur retour. Il appartient aux générations suivantes de préserver ces valeurs qui sont celles de la République »

Cette commémoration s’est poursuivie par un autre temps de recueillement au Centre-ville d’Aix où un hommage particulier fut rendu place des Martyrs de la Résistance aux déportés et fusillés de la Résistance aixoise.

Site-Mémorial du Camp des Milles

40 Chemin de la Badesse

13547 Aix-en-Provence

04 42 39 17 11

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